Yaalon fustige la politique américaine au Moyen Orient
Le ministre de la Défense critique, « sans donner de noms », l'administration sur sa gestion du conflit palestinien et de l’Iran

Dans une tentative de rester poli et de critiquer « sans nommer personne », le ministre de la Défense israélien Moshe Yaalon tient des propos cinglants sur une mauvaise gestion américaine au Moyen Orient dans une interview extraordinaire marquant la fin de son voyage aux États-Unis.
Réputé pour ses franches observations, Yaalon fustige l’idée erronée – récemment exprimée par le secrétaire d’État John Kerry – selon laquelle l’échec du conflit israélo-palestinien est responsable de la montée de l’extrémisme ailleurs dans la région.
Il rejette l’idée – régissant les efforts de paix avortés de Kerry – que des concessions territoriales de la part d’Israël permettraient de résoudre le conflit israélo-palestinien, la qualifiant d’ « irrationnelle ». Il dénonce la conviction défendue par les administrations américaines récentes et actuelle que le président de l’Autorité palestinienne est un partenaire de paix.
Il fustige la notion – entérinée par l’administration Obama – qu’un accord devrait être conclu avec l’Iran, lui octroyant une capacité d’enrichissement d’uranium.
Plus largement, à la question de savoir si l’Occident « ne comprend tout simplement pas » la conjoncture au Moyen-Orient, Yaalon dresse la liste de malentendus, incompréhensions, naïveté, vœux pieux et ignorance qui ont biaisé l’Occident.
Le ministre de la Défense (Likud) livre son offensive dans une interview relativement brève avec le Washington Post, publiée à la fin de sa visite à DC cette semaine.
Yaalon souligne dans l’interview que le Pentagone et les Forces de défense israéliennes entretiennent encore un lien indissoluble – il s’est entretenu avec le secrétaire de la Défense Chuck Hagel mardi – et que les Etats-Unis et Israël restent des alliés stratégiques malgré les désaccords entre leurs dirigeants. Les politiciens ont des différends, reconnaît-il. Mais « malgré tous les différends, les États-Unis sont les alliés stratégiques d’Israël ».
Sur le front palestinien, les convictions, selon Yaalon « sont dominées par de trop nombreuses idées fausses. Nous n’établissons aucune connexion entre le soulèvement en Tunisie, la révolution en Egypte, les luttes communautaires en Irak et le conflit israélo-palestinien. Ceux-ci sont majoritairement le résultat des affrontements entre sunnites et chiites, sans aucun rapport avec le conflit israélo-palestinien. Le cœur de ce conflit est leur réticence à reconnaître notre droit à exister en tant qu’Etat-nation du peuple juif… »
Il développe : « De nombreuses personnes croient que quelques concessions territoriales feront l’affaire. Mais je ne pense pas que cela soit juste… Le conflit porte sur l’existence de l’Etat juif et non sur la création de l’État palestinien. Tout territoire qui leur a été concédé après Oslo est devenu un repaire de terroristes.
Gardant cela à l’esprit, conclure qu’après la [récente] opération militaire à Gaza, un autre retrait de Judée-Samarie [Cisjordanie] s’impose, est irrationnel. Si nous nous retirons maintenant de Judée-Samarie, nous affronterons sûrement un autre Hamastan. »
Yaalon réitère son opposition à un Etat palestinien, affirmant que les Palestiniens doivent se contenter d’une « autonomie » démilitarisée. Il rejette catégoriquement Abbas comme « partenaire pour la solution à deux Etats. Il ne reconnaît pas l’existence de l’Etat juif. »
La position d’Abbas contre la violence « est une considération tactique », déclare Yaalon. « Il croit qu’il peut obtenir davantage grâce à ce qu’il appelle ‘une résistance politique’ – se tourner vers l’ONU ou des organismes internationaux pour nous délégitimer. Il préfère cela à la violence, car d’après son expérience, le terrorisme ne paie pas. »
Interrogé directement : « Pourquoi avez-vous dit que le Secrétaire Kerry doit simplement obtenir un prix Nobel et rentrer à la maison ? Pensez-vous que l’Occident ne saisit tout simplement pas [la
situation] », Yaalon : « Je parlais des idées fausses. Il y a un malentendu, sans nommer personne. Il s’agit probablement de naïveté ou d’un vœu pieux, comme prétendre, ‘Nous, les Occidentaux, savons ce qui est bon pour les Arabes.’ Croire que vous obtiendrez la démocratisation avec des élections… cela est démenti devant nos yeux. Et une partie [de ces idées fasses] provient de l’ignorance, oui. »
Yaalon aborde également le programme nucléaire iranien, et l’accord qui se dessine. « Le cadre de cet accord concerne le nombre de centrifugeuses autorisées pour ce régime, » critique Yaalon.
« Pourquoi devraient-ils avoir une capacité locale à enrichir de l’uranium ? S’ils en ont besoin à des fins civiles, ils peuvent obtenir de l’uranium enrichi des États-Unis ou de Russie. Pourquoi insistent-ils pour avoir une capacité locale ? Parce qu’ils aspirent toujours à se doter de la bombe nucléaire. »
Plus tôt cette année, Yaalon avait irrité les responsables de Washington avec ses commentaires accusant l’administration d’être faible sur l’Iran et doutant de l’engagement des États-Unis envers la sécurité d’Israël.
Yaalon avait accusé Kerry d’être irréaliste et messianique en essayant de forger un accord de paix israélo-palestinien. Le ministre de la Défense avait qualifié les propositions de sécurité en Cisjordanie de Kerry d’impraticables.
Joshua Davidovich et Adiv Sterman ont contribué à cet article.