Yaalon : Tsahal « n’est pas l’armée la plus morale »
L'ex-ministre de la Défense de Netanyahu dit que l'extrême droite "corrompt l'armée" et réitère ses accusations de crimes de guerre à Gaza, malgré ceux qui lui reprochent d'"aider les ennemis d'Israël"
L’ex-ministre de la Défense Moshe Yaalon a déclaré dimanche qu’il ne présenterait pas d’excuses suite à ses propos accusant Israël de mener un « nettoyage ethnique » dans le nord de la bande de Gaza et il a réagi à l’affirmation selon laquelle l’armée israélienne serait « l’armée la plus morale au monde ».
Dans une interview à la chaîne N12, Yaalon a déclaré : « Je ne dis plus [que l’armée israélienne est] l’armée la plus morale au monde », précisément à cause de « l’ingérence des politiciens, qui corrompent l’armée ».
« Ce n’est désormais plus l’armée la plus morale », a-t-il répété. « Et cela m’est difficile de le dire. »
Ex-député du Likud, le parti du Premier ministre Benjamin Netanyahu, et ministre de la Défense dans un de ses gouvernements, Yaalon a démissionné en 2016 en raison de gros doutes sur la direction de Netanyahu. Il est, depuis cette date, un critique acerbe du Premier ministre.
Revenant une nouvelle fois sur ses propos de la veille – ce qu’il avait déjà fait dans une interview à la radio publique Kan un peu plus tôt le même jour – il a redit que sa vision des choses était « exacte » et qu’il n’y avait « tout simplement pas d’autre mot » que le nettoyage ethnique, les ministres israéliens parlant de la façon dont « la bande de Gaza sera nettoyée des Arabes ».
Interrogé sur l’utilisation de cette expression « extrêmement dure », Yaalon a redit qu’il l’avait employèe « à dessein, de façon à tirer la sonnette d’alarme ».
Interrogé sur l’une des définitions du nettoyage ethnique, qui est « le meurtre de masse comme moyen de diluer la population d’un groupe spécifique dans une zone spécifique », Yaalon a répondu : « Je ne parle pas de meurtre de masse » mais d’une « définition différente… le fait d’évacuer une population de chez elle, de détruire les maisons – c’est ce qui se passe à Beit Hanoun et Beit Lahiya. »
L’intervieweur de Yaalon a expliqué que l’expression « nettoyage ethnique » amenait les gens à associer l’armée israélienne à « ce qui s’est passé en Allemagne dans les années 1930 », ce à quoi Yaalon a répondu que ce n’était « pas l’armée israélienne » qu’il accusait de mener le nettoyage ethnique, mais « les hommes politiques ».
Il a affirmé qu’il s’agissait notamment de membres de la coalition d’extrême droite, qui, selon lui, ordonnent à l’armée israélienne de « commettre ce qui s’analyse comme des crimes de guerre » et lui ordonnent d’« évacuer les populations pour des activités opérationnelles [ostensibles] », mais agissent avec des arrière-pensées comme la relance des implantations juives dans la bande de Gaza.
En sa qualité d’ex-chef d’État-major de Tsahal, Yaalon a mis en garde l’actuel chef de Tsahal, le lieutenant-général Herzi Halevi, en lui recommandant de « faire attention » à ce qui se passerait autour de lui lorsqu’il aurait reçu l’ordre d’évacuer les populations de vastes étendues de la bande de Gaza.
Interrogé sur le caractère plus ou moins justifié du mandat d’arrêt de la Cour pénale internationale à l’encontre de Netanyahu, Yaalon a simplement répondu qu’il « les laissait juges ».
« Je pense que, moralement, de notre point de vue, de mauvaises choses se sont produites ici », a-t-il poursuivi.
Il a laissé entendre que la CPI disposait d’une liste d’autres membres des autorités – de l’establishment des services de Défense et de l’échelon politique – qui feraient plus tard l’objet d’une enquête pour crimes de guerre, en ajoutant que si cela ne tenait qu’à lui, les ministres d’extrême droite Bezalel Smotrich et Itamar Ben Gvir auraient été arrêtés « il y a déjà un certain temps ».
Smotrich, a-t-il dit lors de sa précédente interview à Kan, « n’a aucun scrupule moral à laisser mourir de faim deux millions de Gazaouis ».
Lorsqu’on lui a présenté un extrait d’une déclaration faite en 2003, à l’époque où il était chef d’État-major de Tsahal, dans laquelle il affirmait que l’armée israélienne ne « faisait aucun mal aux innocents », Yaalon a dit à la chaîne N12 qu’il maintenait ce qu’il disait alors, ce à quoi l’intervieweur a réagi en lui demandant si « les choses avaient changé » depuis cette vidéo remontant à 21 ans.
« Vous ne vivez pas dans ce pays ? » a rétorqué Yaalon. « Vous n’entendez pas quand Ben Gvir incite [les gens] à tuer ? »
Questionné sur le fait que les ennemis d’Israël utilisaient désormais ses déclarations à l’appui de leurs propres accusations à l’encontre d’Israël, l’ex-ministre de la Défense a déclaré : « Avant toute chose, prenons soin de nous et assurons-nous de ne pas faire de telles choses » avant de nous inquiéter de ce que les autres en disent. « C’est le plus important. »
Israël nie catégoriquement les accusations de nettoyage ethnique et assure que ses opérations intensives dans le nord de Gaza, ces dernières semaines, constituent la réponse opérationnelle aux actions du Hamas pour se reconstituer.
Pour autant, les politiciens d’extrême droite ne font pas mystère de leur souhait de voir Gaza au moins partiellement dépeuplée et les implantations israéliennes reconstruites. Smotrich a d’ailleurs déclaré la semaine dernière que la moitié de la population de Gaza pourrait être « encouragée » à partir dans les deux ans qui viennent.
Suite aux premières accusations de « nettoyage ethnique » de Yaalon lors d’une interview à la chaine de télévision Democrat TV samedi, l’ex-ministre de la Défense Yoav Gallant, récemment limogé, lui a reproché d’« aider nos ennemis à nous nuire ».
Moshe Ya'alon Former Chief of Staff of the Israel???????? Defense Forces admits that what Israel is doing in North Gaza is "Ethnic Cleansing. pic.twitter.com/cYNZCh0bKL
— ???????????????????????????? (@Malcolm_Pal9) November 30, 2024
Sur l’antenne de Kan dimanche, Gallant a exigé que Yaalon présente des excuses suite à ses propos et rappelé que les soldats israéliens respectaient les principes les plus exigeants qui soient lors de cette « guerre complexe et difficile qui nous a été imposée ».
Le ministre des Affaires étrangères Gideon Saar a lui aussi critiqué les propos de Yaalon en écrivant sur X : « Les propos irresponsables de l’ex-ministre Moshe Yaalon sont inexacts, infondés et calomnieux envers Israël. Je l’invite à revenir sur ses propos. »
Le Likud, parti de Netanyahu, a répondu par voie de communiqué que Yaalon avait « depuis longtemps perdu le cap et sa boussole [morale], ses propos diffamatoires et ses mensonges étant des cadeaux rêvés pour la Cour pénale internationale et ceux qui détestent Israël ».