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Yann Moix, ses coups d’éclat permanents et ses relations sulfureuses

Outre ses dessins antisémites et ses textes négationnistes publiés plus jeune, l’écrivain, insaisissable, a fréquenté plus récemment plusieurs figures de l’extrême droite

Yann Moix en compagnie du polémiste Alain Soral et du sulfureux écrivain Marc-Edouard Nabe, tous les trois accusés d’antisémitisme.
Yann Moix en compagnie du polémiste Alain Soral et du sulfureux écrivain Marc-Edouard Nabe, tous les trois accusés d’antisémitisme.

Yann Moix n’est pas un écrivain discret. Romancier, réalisateur, ex-chroniqueur à la télé, l’auteur au cœur d’innombrables polémiques aime être en pleine lumière quitte à se faire détester.

Paru le 21 août, son dernier roman Orléans n’est pas passé inaperçu et ce ne sont pas (seulement) ses qualités littéraires qui lui ont valu cet honneur.

Aux querelles familiales que le roman a engendrées (Yann Moix y affirme avoir été victime de sévices dans son enfance, ce que son père et son frère contestent, ce dernier accusant l’écrivain d’avoir été son bourreau) se sont greffées de graves accusations d’antisémitisme à l’encontre de l’écrivain âgé de 51 ans.

Suite à des révélations du magazine L’Express, le romancier a reconnu avoir dessiné des caricatures antisémites et écrit des textes négationnistes dans une revue étudiante intitulée Ushoahia, le magazine de l’extrême quand il avait 21 ans, dans les années 1989 et 1990.

L’un des textes et dessins antisémites de Yann Moix, réalisés dans les années 1989-1990.

« J’assume, j’endosse tout. Ce que j’ai fait à l’époque avec 3 ou 4 cons, on était des types complètement paumés », a finalement admis l’écrivain dans l’édition de Libération parue ce mercredi.

« Les camps de concentration n’ont jamais existé », avait notamment écrit l’écrivain. « Six millions de Juifs soi-disant morts dans les camps en carton-pâte que la Metro Goldwyn Mayer a fait construire pour le compte de quelques Juifs avides de pognon », avait-il ajouté.

« Ces textes et ces dessins sont antisémites, mais je ne suis pas antisémite (…). Aujourd’hui, l’homme que je suis en a honte », s’est défendu l’écrivain qui se présente comme « le meilleur défenseur du judaïsme ».

« J’ai eu la chance de rencontrer Bernard-Henri Lévy [dès 1994] qui m’a évité de devenir l’homme que j’aurais pu être, une pourriture. Je ne suis pas fier, mais heureux de mon parcours », a ajouté l’écrivain.

Yann Moix, en 2013, devant le restaurant Drouot, à Paris, après avoir reçu le prix Renaudot. (Crédit : Eric Feferberg / AFP)

Niant toute haine à l’encontre des Juifs, il a pourtant auparavant déjà fait face à des accusations d’antisémitisme dans les médias et sur Internet.

Fils aîné d’un masseur-kinésithérapeute et d’une secrétaire, né en mars 1968 à Nevers, ayant passé son enfance à Orléans, il a fréquenté le sulfureux écrivain Marc-Edouard Nabe et l’historien négationniste Paul-Eric Blanrue, tous les deux souvent accusés d’antisémitisme.

Sur Internet, des photos de Yann Moix circulent en compagnie de ceux-ci ou encore des polémistes Dieudonné et Alain Soral – qu’il a décrit comme « antisémite » en 2015 – et de Frédéric Chatillon, ancien leader du GUD (mouvement nationaliste depuis dissous), devenu prestataire du FN.

Concernant ce dernier, Yann Moix expliquait à l’époque, en 2016, avoir été « piégé ». « L’obscur Frédéric Chatillon, que je n’ai jamais rencontré de ma vie avant et dont le visage n’est connu de personne en ce bas monde » lui aurait demandé un selfie à la terrasse d’un restaurant – selfie que Chatillon a ensuite posté sur Facebook avec le commentaire « de belles retrouvailles ». Yann Moix avait également assuré que « les idées de ce personnage sont symétriquement opposées aux miennes ».

Face au démenti de Moix, le membre du FN avait persisté sur Facebook, sous-entendant : « Et notre verre de proseco ? Obscur, obscur… »

Yann Moix et Frédéric Chatillon, en 2016. (Crédit : Frédéric Chatillon / Facebook)

Longtemps proche de Paul-Eric Blanrue dès le début des années 2000, Yann Moix l’avait inclus à sa liste de remerciements dans son roman Podium, l’un de ses plus grands succès, publié en 2002, et fait jouer un rôle mineur dans le film du même nom qu’il a réalisé, sorti deux ans plus tard et nommé cinq fois aux César, avec Benoît Poelvoorde parmi les acteurs principaux.

En 2007, Yann Moix préfaçait l’ouvrage de Blanrue Le Monde contre soi : anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme. Dans son texte, Moix dénonçait l’horreur et la bêtise des écrits présentés dans l’ouvrage et appelait à lutter contre l’antisémitisme. Il se réjouissait d’ailleurs que son écrivain préféré, Charles Péguy, n’y figure pas.

« Quand on voit le nombre de personnalités qui apparaissent dans ces pages et qui ont, que ce soit tout au long de leur vie ou une seule fois dans leur existence, tenu des propos abjects contre les juifs, l’exemple de Péguy est assez rare, singulier, exceptionnel, pour être souligné », écrivait-il.

La même année, il publiait hors-commerce Apprenti-juif, un hommage personnel au judaïsme, d’abord paru dans la revue La Règle du jeu de Bernard-Henri Lévy.

Le livre « Le Monde contre soi : anthologie des propos contre les juifs, le judaïsme et le sionisme » de l’historien négationniste Paul-Eric Blanrue, préfacé par Yann Moix et sorti en 2007 aux éditions Blanche.

Quelques années plus tard, fin 2013, la réédition du livre de Blanrue – sans la préface et par la maison d’édition d’Alain Soral, d’extrême droite, qui entendait là à l’inverse donner du crédit à ces propos anti-Juifs – serait interdite aux motifs « d’injure envers un groupe de personnes à raison de leur appartenance à une religion déterminée », de « négation de crime contre l’humanité » et de « provocation à la haine raciale ». Elle serait finalement à nouveau autorisée.

En 2009, seulement deux ans après son livre préfacé par Moix, Blanrue publiait un brûlot anti-Israël intitulé Sarkozy, Israël et les juifs et ne faisait plus secret de son amitié avec le négationniste Robert Faurisson, le rencontrant régulièrement et sur lequel il réalisera un documentaire portrait en 2011 – qui aurait été qualifié « d’extraordinaire et d’excellent » par Yann Moix, selon des propos de Paul-Eric Blanrue, étayés par un mail qu’il lui aurait envoyé en réponse à un lien vers le film.

Blanrue expliquera d’ailleurs dans plusieurs vidéos sur Internet avoir été poussé par un projet de livre sur Faurisson par Yann Moix, avec lequel il aurait rencontré Philippe Sollers, qui gérait la collection « L’Infini » chez Gallimard, « qui peut-être aurait dû l’éditer ».

Le nom de Yann Moix a également brièvement figuré en 2010 sur une pétition de Paul-Eric Blanrue demandant l’abrogation de la « loi Gayssot » condamnant le négationnisme et punissant la contestation des crimes contre l’humanité, et demandant la libération de Vincent Reynouard, militant néo-nazi alors emprisonné pour ce motif.

Au moment de la publication de la liste des signataires, l’écrivain assurera s’être fait piéger. « J’ai été contacté il y a quelques jours au sujet d’une pétition contre la loi Gayssot dont Robert Badinter devait être le signataire vedette. On m’a promis un Robert (Badinter) mais, hélas, j’ai découvert un tout autre Robert, in fine, sur la liste : Faurisson ! », avait expliqué Yann Moix sur son blog.

« Bien que n’étant pas favorable à cette loi qui, comme je l’explique sur le site laregledujeu.org, me semble impropre à combattre les faussaires et les insulteurs des morts de la Shoah, je n’admettrai d’aucune manière, ni aujourd’hui ni demain, que mon nom figure sur une pétition signée par M. Faurisson ou par quelques autres sires de moindre notoriété mais de même acabit », ajoutait-il.

Une théorie qui avait vite été remise en question par Le Monde. Le service « extrême droite » du quotidien avait fouillé dans le cache Google de la page où a été publié le texte. Selon les journalistes, avant de modifier sa version, Yann Moix avait initialement écrit : « J’ai signé une pétition en ce sens [pour l’abrogation de la loi Gayssot], sur laquelle figurent évidemment, figurent logiquement, mes pires ennemis et les ordures les plus avérées. »

« Cette phrase tendrait donc à montrer que contrairement à ses assertions, M. Moix connaissait l’identité de certains signataires de cette pétition. Que croire ? », pouvait-on lire dans l’article.

Le journal avait qualifié la pétition de « véritable Bottin mondain négationniste, greciste et/ou nationaliste révolutionnaire, le tout complété par quelques ‘plumes’ de Riposte Laïque [un blog d’extrême droite] ».

Quelques jours avant de signer la pétition, en juillet 2010, Yann Moix aurait également participé au spectacle « Mahmoud » de Dieudonné, « qu’il admirait en secret », selon Blanrue.

Une photo qui aurait été prise à l’issue de la représentation montre d’ailleurs Dieudonné et Moix ensemble, attablés selon Blanrue au théâtre de la Main d’or, à l’époque tenu par le polémiste.

Dieudonné et Yann Moix, en 2010.

En 2015, dans Le Monde, Moix s’expliquait sur cette amitié : « Avec Blanrue, on avait deux sujets de conversation, Guitry et les filles. On ne parlait jamais politique. C’est un type très drôle. Petit à petit, je l’ai vu s’enfoncer dans la folie complotiste. La proximité de Blanrue et de Faurisson m’était totalement inconnue. Totalement. C’est impensable. L’antisémitisme est aux antipodes de mon être. Je suis très proche d’Israël. Je ne m’en suis jamais caché » – peu après l’interview, il avait d’ailleurs participé à une manifestation pro-Israël à Paris.

Durant l’entretien, il ajoutait avoir « perdu de vue [Paul-Eric Blanrue] lors du tournage de [son] film ‘Cinéman' », sorti en 2009.

Sur leur amitié, dans une vidéo de septembre 2018 diffusée sur une chaine d’extrême droite, Paul-Eric Blanrue explique lui que Yann Moix, qui « voulait absolument le Renaudot a dû faire comme s’il ne [le] connaissait pas » et ce serait ainsi, selon lui, que leur relation a pris fin, en 2013, après déjà une brouille suite à la pétition contre la loi Gayssot.

« On avait à peu près les mêmes idées sur… pas mal de choses, sur un grand nombre de sujets, ajoutait-il. Simplement, il voulait son Renaudot. Il ne croit pas une seconde à ce qu’il dit à la télévision. C’est un rôle qu’il joue. » Avant de l’accuser de plagiat pour son livre Naissance (2013), dans lequel Moix aurait utilisé « une cinquantaine de pages » sur lesquels les deux hommes auraient travaillé ensemble.

En 2009, année où il dit s’être séparé de Blanrue, Moix publiait une tribune dans Le Figaro concernant un tract des cinémas Utopia au sujet du film palestinien « Le Temps qu’il reste ». Choqué notamment par la formulation « Quelques massacres plus tard, perpétrés par les milices juives », Moix accusait la société qui faisait la promotion du film d’antisémitisme et les auteurs du texte controversé de « Robert Brasillach d’aujourd’hui » qui avaient « la haine des juifs parce que les juifs représentent à leurs yeux la force impériale dark-vadorienne universelle ». Après des poursuites pour injures, Yann Moix et Le Figaro seront condamnés à une amende de 500 euros avec sursis.

Concernant l’écrivain sulfureux Marc-Edouard Nabe, pour lequel il a écrit pour son éphémère journal La Vérité en 2004, Yann Moix expliquait à Télé Obs en 2015 : « J’ai l’impression d’être le seul être humain au monde à avoir côtoyé Marc-Edouard Nabe. Quand j’étais jeune, c’était mon écrivain préféré (…). J’ai arrêté de le voir en 2007 après lui avoir envoyé un SMS qui disait ‘Va te faire enc***’ parce qu’il avait commencé à écrire des choses qui me dégoûtaient. Avant, soit je n’avais pas vu ce qui était en train de se passer chez lui, soit je ne l’avais pas pris au sérieux. (…) Je ne peux pas être tenu pour responsable de ce que les gens deviennent. »

« Aujourd’hui, on veut me polluer avec les fréquentations que j’ai eues. Un truc d’extrême droite », ajoutait-il.

Réalisée alors qu’il venait de prendre ses fonctions de chroniqueur de l’émission « On n’est pas couché » sur France 2, Yann Moix, diplômé de Sciences Po, confessait dans cette même interview pour Télé Obs n’avoir « jamais voté de [sa] vie, sauf en 1988, Waechter [candidat des Verts] au premier tour et Chirac [face à Mitterrand, qu’il a pourtant encensé dans son roman Panthéon (2004)] au second ».

« J’adore Bayrou », expliquait-il, lui qui a soutenu sa candidature à l’élection présidentielle de 2012. « J’aimais bien Sarkozy en privé. Je l’ai rencontré trois fois, un show-man. Comme être humain, il me fascine, il est hypermnésique, d’une intelligence extraordinaire, c’est inouï. J’adore écouter Mélenchon parler de Robespierre, même si je pense l’inverse de lui. Les gens qui ont des idées affirmées m’impressionnent. Ce n’est pas mon cas. »

Il disait également être « une vraie girouette » et n’avoir « aucune colonne vertébrale politique ».

Cela n’a jamais empêché l’écrivain, Goncourt du premier roman en 1996 à 28 ans pour Jubilations vers le ciel, lauréat du Renaudot en 2013 pour Naissance, un pavé de plus d’un millier de pages où il racontait déjà son enfance maltraitée, d’avoir jusqu’à aujourd’hui multiplié les déclarations à l’emporte-pièce.

Faire le compte-rendu de ses déclarations intempestives relève d’un travail de Titan. « Jean-Luc Mélenchon, c’est Pétain à l’envers » ; « Michel Houellebecq, le Droopy des partouzes » ; « Audrey Pulvar, une paire de lunettes restée sur le carreau » ; « Nicolas Sarkozy, un De Funès qui ne jouerait que dans le ‘Gendarme' » ; les « violences » en manifestations, proférées par des « flics qui chient dans leur froc » et qui n’ont « pas les couilles d’aller dans des endroits dangereux » ; la Suisse, « pute », « gestapoland », « pays inutile », « nul » et « fondamentalement antisémite », ses citoyens des « mous salauds », en raison de l’assignation à résidence du cinéaste Roman Polanski…

À ces propos, prononcés sur les plateaux de télévision, s’ajoutent bien sûr de bien plus respectueux et émouvants : l’an dernier, il avait ainsi écrit et lu sur France 2 un poème en hommage à Mireille Knoll, octogénaire juive assassinée.

Dans cette même émission, il avait, plus de deux ans plus tôt, porté une kippa face au Premier ministre Manuel Valls en solidarité avec la communauté juive suite à une attaque à la machette contre un enseignant juif.

« Je ne suis pas Juif mais je porte cette kippa par solidarité », avait déclaré l’écrivain. Il avait également demandé à l’Éducation nationale de faire lire aux élèves un texte du philosophe Emmanuel Levinas, Être juif.

Animal médiatique, il prend malgré tout le temps d’écrire entre ses nombreux passages sur les plateaux télé. Parmi ses plus grand succès, outre ceux déjà évoqués, il a publié en 2004 Partouz, roman dans lequel il liait les attentats du 11-Septembre à la frustration sexuelle des jihadistes.

Être écrivain est ce qui lui importe le plus. « J’ai toujours voulu être écrivain, c’est ma seule identité », a-t-il dit après avoir été couronné par le Renaudot.

Il n’a également jamais hésité à créer une polémique au moment de la sortie d’un de ses livres. En janvier dernier, en marge de la publication de son roman Rompre, l’écrivain a souligné dans une interview pour Marie-Claire qu’il était « incapable d’aimer » une femme âgée de 50 ans, provoquant un déluge de réactions sur les réseaux sociaux.

Orléans, son 17e roman, n’est sans doute pas le meilleur livre de la rentrée littéraire mais c’est celui dont on parle le plus. Et ce n’est pas fini. Yann Moix sera invité samedi de l’émission « On n’est pas couché » sur France 2, où il reviendra certainement sur les polémiques actuelles.

Mercredi soir, à l’antenne de BFM TV, Patrick Klugman, l’avocat de l’écrivain, expliquait souhaiter « attaquer L’Express » suite aux révélations du journal, qui « doit répondre de ce qu’ils ont écrit sur Yann Moix sans aucune prudence ».

Dans le même temps, Grasset, sa maison d’édition, a annoncé au Figaro envisager une troisième réimpression d’Orléans, déjà tiré à 42 000 exemplaires en une semaine – un chiffre record parmi ses publications. Jeudi matin, l’ouvrage était classé 52e des ventes sur le site Amazon.fr.

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