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Yémen : l’espoir de paix suspendu à une trêve fragile

Le conflit aurait fait depuis 2015 quelque 10 000 morts, en majorité des civils, selon un bilan de l'OMS. Un chiffre sous-estimé, selon des ONG

Au Yémen, un homme victime des mines. (Crédit : AFPTV)
Au Yémen, un homme victime des mines. (Crédit : AFPTV)

Quatre ans après l’intervention militaire au Yémen d’une coalition menée par l’Arabie saoudite, ni le gouvernement ni les rebelles ne sont parvenus à l’emporter et l’espoir de paix repose sur une trêve fragile.

Ce conflit dans le pays le plus pauvre de la péninsule arabique a provoqué la pire crise humanitaire en cours dans le monde, avec des millions de civils au bord de la famine, selon les Nations unies.

Il oppose des forces progouvernementales appuyées par l’Arabie saoudite, qui sont intervenues à partir du 26 mars 2015, aux rebelles Houthis, soutenus par l’Iran et qui contrôlent encore une bonne partie du nord ainsi que la capitale Sanaa.

Après des années de combats meurtriers, la conclusion en décembre 2018, sous l’égide de l’ONU en Suède, d’un accord sur une trêve à Hodeida, principal point d’entrée de l’aide humanitaire internationale, a fait naître un espoir.

Cet espoir a été alimenté par la pression internationale exercée sur l’Arabie saoudite, sur la défensive après l’assassinat en octobre en Turquie du journaliste et opposant saoudien Jamal Khashoggi par un commando venu de Ryad. L’affaire a considérablement terni l’image du royaume.

Des forces yéménites progouvernementales
sur une autoroute à l’est de Hodeida pour reprendre contrôle de la ville, aux mains des Houthis, le 6 novembre 2018. (Crédit : AFP)

Mais la trêve tient à peine dans la ville portuaire de Hodeida (ouest), un échange de prisonniers agréé il y a des mois ne s’est pas concrétisé et un désengagement des belligérants prévu à Taëz, une grande ville du Yémen (sud-ouest), semble lointain.

« Il y a eu une percée en Suède mais elle n’a été en réalité que symbolique », note Elizabeth Dickinson, analyste à l’International Crisis Group.

Toutes les tentatives de l’ONU de faire appliquer l’accord n’ont pas abouti jusqu’ici.

La trêve à Hodeida n’a permis que de stopper une offensive sous la supervision des Emirats arabes unis, autre pilier de la coalition antirebelles, mais les combats continuent sporadiquement.

La coalition a menacé le 31 janvier de recourir à « plus de force » pour « contraindre les rebelles à appliquer l’accord » prévoyant leur retrait de Hodeida et de son port.

« De la Syrie au Yémen »

Pour des experts, les pourparlers en Suède étaient la meilleure occasion offerte pour s’acheminer vers la paix, sur fond d’inquiétudes internationales devant une famine menaçant plusieurs régions du pays.

Des images d’enfants aux allures de squelettes vivants ont fait le tour du monde, mettant davantage de pression sur Ryad.

Ghazi Saleh, 8 kilos pour 10 ans, dans un lit d’hôpital de Taez au Yémén, le 19 novembre 2018. (Crédit : Marzooq AL-JABIRY / AFP)

A Washington, le Congrès a commencé à se mobiliser contre le soutien logistique apporté par les Etats-Unis aux opérations menées par l’Arabie saoudite au Yémen. Il a exigé le 14 mars du président Donald Trump l’arrêt de tout engagement militaire au Yémen.

Auparavant, Washington avait mis fin au ravitaillement en vol des avions de la coalition.

Mais « les parties en conflit, y compris la coalition, n’ont montré aucun signe de faiblesse », relève Aleksandar Mitreski de l’Université de Sydney.

Selon lui, les pressions peuvent servir avant tout à améliorer la situation humanitaire.

« La pression internationale croissante qui s’exerce sur la coalition pourrait ouvrir de nouvelles voies pour l’acheminement de l’aide humanitaire. Cette pression pourrait augmenter si les projecteurs se tournent de la Syrie vers le Yémen ».

Enfants en première ligne

L’Arabie saoudite et ses alliés sont intervenus au Yémen sur fond de volonté saoudienne de stopper l’influence croissante de l’Iran, le rival régional.

Abd Rabbo Mansour Hadi, président du Yémen. (Crédit : domaine public)

Mais les combats avaient commencé dès septembre 2014 lorsque les rebelles venus du nord avaient marché sur Sanaa et pris le dessus sur le gouvernement du président Abd Rabbo Mansour Hadi, aujourd’hui en exil en Arabie saoudite.

Le conflit a fait depuis 2015 quelque 10 000 morts, en majorité des civils, selon un bilan partiel de l’Organisation mondiale de la santé (OMS). Des ONG estiment que le nombre de morts est nettement plus élevé, certaines citant un bilan cinq fois supérieur.

Le choléra a aussi provoqué plus de 2 500 décès, selon l’OMS.

Quelque 80 % de la population, soit 24 millions de personnes, ont besoin d’assistance, d’après l’ONU, et la Haut-Commissaire aux droits de l’Homme, Michelle Bachelet, s’est élevée contre le lourd tribut payé par les enfants.

« Depuis l’accord (en Suède), on estime que huit enfants sont tués ou blessés quotidiennement au Yémen », a déclaré le 20 mars Mme Bachelet.

Elle a cité l’escalade des combats dans la province de Hajjah (nord-ouest), où, début mars, 12 enfants et 10 femmes ont été tués et 30 personnes, dont la moitié des enfants, blessées.

« L’accord de Suède est vivant tant que les deux parties le préfèrent à une confrontation militaire pour Hodeida », souligne Mme Dickinson.

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