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Yoni Rosensweig, le rabbin qui veut mettre fin aux stigmates de la maladie psychique

Ce qui avait commencé par une tentative de trouver quelques réponses s'est transformé en livre puis en travail à plein temps. Objectif : l'équilibre entre halakha et santé mentale

Judah Ari Gross est le correspondant du Times of Israël pour les sujets religieux et les affaires de la Diaspora.

Or discute de sa lutte contre la maladie psychique à la synagogue Neve Habaron de Zichron Yaakov, dans le nord du pays, le 232 janvier 2023. (Crédit :  Judah Ari Gross/Times of Israel)
Or discute de sa lutte contre la maladie psychique à la synagogue Neve Habaron de Zichron Yaakov, dans le nord du pays, le 232 janvier 2023. (Crédit : Judah Ari Gross/Times of Israel)

Pour commencer, le rabbin Yoni Rosensweig cherchait simplement à trouver des réponses à quelques questions qui lui avaient été posées sur la loi juive et la santé psychique. Ce qui a rapidement débouché sur l’écriture d’un livre et l’ouverture d’un centre, dont il est l’un des dirigeants. Aujourd’hui, le Centre a d’ores et déjà offert une formation sur le sujet à des dizaines de rabbins.

« C’est le sujet qui m’a choisi, d’une certaine manière. Je suis tombé dedans et j’ai réalisé qu’il y avait de quoi faire. Et avant même que j’en sois réellement conscient, il y avait déjà une réponse significative de la part de la communauté. Je me suis dit que si c’était si important aux yeux des gens, il fallait peut-être que je m’attelle à la tâche », explique Rosensweig lors d’un entretien avec le Times of Israel.

Même s’il réfléchit avant tout à la problématique de la nécessité de trouver un équilibre entre santé psychique et loi juive, Rosensweig a de nombreuses cordes à son arc. Ordonné par la yeshiva orthodoxe Birkat Moshe, qui se trouve dans l’implantation de Maale Adumim, il est à la tête de la communauté de Netzach Menashe à Beit Shemesh, il enseigne à la Midreshet Lindenbaum à Jérusalem en direction d’un public orthodoxe progressiste et il conserve un nombre considérable de fidèles dans le cadre de son travail de posek, un rabbin chargé de rendre des jugements pratiques sur la loi juive ou halakha. Sa session de questions-réponses organisée avant Pessah – qui porte sur tous les sujets sans restriction – est incontournable (et pour ne rien cacher, ce rabbin a aussi officié lors du mariage du journaliste que je suis en 2019).

Le voyage entrepris par Rosensweig dans le domaine de la santé psychique avait commencé il y a à peu près cinq ans, quand des membres de sa communauté avaient commencé à lui poser des questions. Cherchant à mieux comprendre le sujet, Rosensweig s’était alors tourné vers le docteur Shmuel Harris, psychiatre et responsable de Machon Dvir, une clinique prenant en charge les troubles comportementaux à Jérusalem.

« Mon objectif, ce jour-là, était seulement de répondre à quelques questions. Mais une fois que je me suis penché sur le sujet et que je me suis rendu compte qu’il y avait beaucoup, beaucoup de travail à faire, nous avons pris la décision d’écrire un livre », explique Rosensweig.

Le livre écrit par les deux hommes, « Nafshi BSheelati », est sorti dans sa version hébréophone par le biais de la maison d’édition Koren Publishers en 2022. Une traduction anglaise devrait être mise à disposition des lecteurs à la fin de l’année, mais le travail du rabbin a d’ores et déjà fait grand bruit dans les communautés anglophones en Israël et dans le monde entier.

« Dans la Loi juive, il y a de nombreux sujets que j’aurais pu choisir d’étudier. Mais ce sujet-là touche des centaines ou des milliers de personnes chaque jour qui passe. Il me paraît incroyable, en fait, qu’un livre tel que le nôtre n’ait jamais été écrit auparavant. C’est un sujet qui est d’une importance monumentale pour les gens, qui touche à leur qualité de vie et, parfois même, qui affecte leur vie elle-même », s’exclame-t-il.

« Nafshi BSheelati » et ses 512 pages s’adressent aux rabbins et autres professionnels, avec des explications détaillées de la terminologie technique – à la fois sur le plan psychiatrique et rabbinique – et avec des notes de bas de page qui sont souvent plus longues que le texte principal. Mais même pour les novices, l’ouvrage reste une lecture fascinante, abordant des sujets tels que la schizophrénie, la dépression, les troubles de l’alimentation, les phobies et les démences.

Avec la sortie du livre, Rosensweig avait également fondé Maaglei Nefesh: Le Centre pour la Santé mentale, la communauté et la halakha, qui aide à mettre en lien les personnes atteintes de troubles psychiques, les thérapeutes et les rabbins. Le Centre diffuse aussi des documents sur la santé mentale et la halakha et il offre des sessions de formation sur la thématique de la psychiatrie aux rabbins, un cursus de 50 heures.

On sait comment parler du cancer mais pas de la dépression

Même s’il est loin d’être le seul rabbin à examiner le lien entre santé psychique et halakha, Rosensweig s’est particulièrement distingué sur le sujet, qu’il aborde très régulièrement dans les communautés religieuses – dans les synagogues ou dans les séminaires – ou devant des personnels médicaux ou spécialistes de la psychiatrie, dans les hôpitaux ou devant des groupes de travailleurs sociaux.

Rosensweig a organisé un tel événement dimanche soir encore, évoquant son travail devant un public réuni dans la synagogue Neve Habaron de Zichron Yaakov, dans le nord du pays, où il a été rejoint sur scène par une femme religieuse qui a partagé un vécu douloureux d’anxiété, de dépression et d’idées suicidaires avec l’assistance.

Une conversation qui a traité de la nécessité, pour la communauté, d’élargir son horizon sur la problématique de la santé psychique et qui a été l’occasion de mieux comprendre les réflexions qui ont entraîné les jugements du rabbin en matière de halakha.

Rosensweig explique qu’il espère qu’avec ce type d’événement, les communautés apprendront le vocabulaire nécessaire pour discuter ouvertement des questions relatives à la santé mentale, comme elles le font s’agissant de santé physique.

« Même si vous n’avez pas la formation d’un professionnel, d’un médecin, vous pouvez parler un tant soit peu de la santé physique. Si vous avez quelqu’un dans votre entourage – Dieu nous en préserve – qui est atteint d’un cancer, vous saurez dire : ‘Alors, tu as vu ton oncologue ? Tu as commencé ta chimiothérapie ?’. Je ne sais pas ce qu’est la chimiothérapie – tout du moins pas vraiment – mais je peux encore évoquer le sujet, le faire de manière sensible, avec suffisamment d’information pour que la personne ait le sentiment qu’elle peut m’en parler. Si je la croise dans la rue, je peux lui demander comment elle va, comment elle se sent », commente Rosensweig.

« Mais avec la dépression, on ne sait pas quoi dire. C’est le problème. Je sais qu’il y a encore cinq ans, je ne savais absolument pas comment parler, même de manière peu approfondie, de santé mentale. Si vous découvrez qu’une personne souffre de dépression, souvent, vous ne savez pas quoi répondre après. Tu as vu un psychologue ? Un psychiatre ? Un travailleur social ? Depuis combien de temps es-tu dans cet état ? Que faut-il faire dans ton cas ?… Et si vous croisez cette personne, qu’allez-vous lui demander ? ‘Comment va ta dépression ?’ Quelle est la chose à dire la plus appropriée, la plus respectueuse ? », interroge-t-il.

Halakha et santé psychique

Pour les Juifs religieux, la halakha gouverne la majorité des aspects de l’existence – comment et quand manger, comment interagir avec la famille, comment passer le Shabbat. Des lois religieuses qui peuvent être difficiles à respecter, voire dangereuses dans certains cas, chez les personnes atteintes de troubles psychiques. Le jeûne de Yom Kippour, par exemple, peut entraîner une rechute particulièrement grave chez quelqu’un qui a souffert de troubles de l’alimentation.

Nafshi BSheelati, le livre écrit par le rabbin Yoni Rosensweig et par le docteur Shmuel Harris. (Crédit : Judah Ari Gross/Times of Israel)

Le livre Nafshi BSheelati et une immense partie du travail de Rosensweig se consacrent à l’exploration en profondeur des sources qui permettent de déterminer quels aspects de la halakha peuvent s’avérer être flexibles, de définir les exceptions qui peuvent être autorisées et quelles sont les interdictions divines sans équivoque qui ne peuvent être dépassées. Une partie de cette recherche se base sur la nature du commandement – vient-il directement de la Bible ? A-t-il été développé ultérieurement par les rabbins ? – et une autre s’ancre dans l’impact qu’il aura directement sur la personne concernée.

Toutefois, alors que l’ouvrage « Nafshi BSheelati » se penche beaucoup sur les indulgences halakhiques susceptibles d’être trouvées pour des personnes atteintes de maladies psychiques variées, Rosensweig souligne que les rabbins ne peuvent pas se montrer aveuglément permissifs pour garantir que les malades auront le sentiment de se soumettre à la loi juive et d’appartenir encore à la communauté religieuse.

Il fait remarquer que suivre la halakha n’est pas une obligation. Ceux qui viennent à lui ne cherchent pas à s’extraire des obligations religieuses : Ils veulent les suivre.

« Les gens veulent jeûner lors de Yom Kippour. Si vous leur dites qu’ils ne peuvent pas le faire, alors ils se sentent rejetés du groupe, de la communauté. Ils veulent participer activement à cette journée sacrée. Quand on leur dit qu’ils ne peuvent pas jeûner, ce n’est pas une bonne nouvelle pour eux – c’est difficile à entendre », a déclaré Rosensweig à la trentaine de personnes venues l’écouter à la synagogue de Zichron Yaakov.

Rosensweig leur a présenté l’exemple – relativement commun – d’une personne atteinte de dépression ou de crises d’anxiété que la musique apaise. Que faire alors à Shabbat, quand l’utilisation de l’électricité est restreinte ?

En théorie, a déclaré Rosensweig, un rabbin ne peut tout simplement pas permettre à une telle personne d’utiliser son téléphone ou son ordinateur pour écouter de la musique à Shabbat. De plus, accorder cette permission ne donnerait pas nécessairement à la personne le sentiment de respecter les lois du Shabbat.

« Nous tentons de combattre la stigmatisation. Nous voulons que les personnes atteintes de troubles psychiques se sentent à la fois considérées et comprises, qu’elles ne se sentent pas séparées du groupe, qu’elles ne se sentent pas rejetées, reléguées au rang de fidèles de seconde catégorie. Toute exception accordée à une personne atteinte d’une maladie psychiatrique est ressentie comme un échec par cette dernière – elle serait incapable de respecter le Shabbat, elle ne serait pas aussi forte que les autres », a-t-il dit.

Il a recommandé que la personne prépare une playlist en boucle avant Shabbat de manière à ce que si elle ressent la nécessité d’écouter de la musique, elle n’ait qu’à placer ses écouteurs sans rien avoir à activer de plus.

« Il faut trouver l’équilibre dans nos jugements sur la halakha« , a-t-il expliqué.

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