Yosef Elron soumet sa candidature au poste de président de la Cour suprême
Le juge conservateur défie ainsi la tradition consistant à nommer le président de la plus haute instance d'Israël sur la base de son ancienneté ; il remplacerait Esther Hayut
Yosef Elron, magistrat à la Haute-cour, a fait part de sa candidature, mercredi, au poste de président de la Cour suprême en remplacement d’Esther Hayut, qui va prendre sa retraite – une initiative sans précédent qui pourrait bouleverser la tradition qui a prévalu jusqu’à présent et qui consistait à nommer le juge ayant le plus d’ancienneté comme chef de la plus haute instance judiciaire d’Israël.
Cette demande soumise par Elron survient dans le contexte du projet de refonte radicale du système judiciaire israélien avancé par le ministre de la Justice, Yariv Levin, qui veut instituer un nouveau système de désignation du président de la Cour suprême, une fonction de pouvoir, dont le titulaire a de nombreuses responsabilités. Le président a notamment une influence majeure sur la composition de la Cour suprême et sur d’autres sujets déterminants.
Jusqu’à présent, les présidents de la Cour suprême étaient nommés sur la base de leur ancienneté uniquement et aucun autre magistrat n’a jamais soumis sa candidature auprès de la Commission de sélection judiciaire pour ce poste. C’est le juge Isaac Amit qui devrait devenir président après le départ de Hayut, le 16 octobre, qui prendra sa retraite obligatoire à l’âge de 70 ans.
La candidature d’Elron, qui a été soumise à Hayut et Levin, survient à un moment critique pour le tribunal de premier plan, alors que le gouvernement de droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu s’efforce actuellement d’affaiblir l’indépendance du système judiciaire et de privilégier la présence de magistrats proches du pouvoir au sein de la Cour. Elron, un conservateur, est considéré comme moins hostile à l’égard de l’initiative prise par le gouvernement qu’Amit qui, comme Hayut, est considéré comme un progressiste.
Suite à la demande soumise par Elron, Hayut a décidé que ce dernier ne siègerait pas le mois prochain quand la Haute-cour se réunira pour débattre des plaintes portant sur le refus de Levin de convoquer la Commission de sélection judiciaire.
Levin s’est opposé, jusqu’à aujourd’hui, à toute convocation du panel alors qu’il tente d’effectuer des changements dans la loi qui accorderaient aux politiques un plus grand pouvoir sur les nominations judiciaires. Le président de la Cour suprême, entre autres, siège au sein de la Commission de sélection judiciaire aux côtés de deux autres magistrats de la Haute-cour désignés pour ce faire.
Levin, qui est l’artisan du projet de refonte du système judiciaire israélien, cherche à accorder à une majorité au pouvoir un plus grand contrôle sur les nominations des juges au sein du tribunal à des fins, dit-il, de « rééquilibrage » – ils souhaite ainsi qu’après des années d’activisme « progressiste », un plus grand nombre de juges conservateurs puissent intégrer l’institution. La législation qui a été proposée pour changer la Commission de sélection judiciaire offrirait ainsi à la coalition de nommer presque tous les magistrats israéliens.
Ce texte de loi très controversé, qui avait été proposé dans le cadre du plan de refonte du système de la justice israélien, a été suspendu au mois de mars suite aux pressions intenses de ses opposants mais il a été inscrit au programme de la Knesset – ce qui signifie qu’il est dorénavant prêt à être présenté pour ses dernières lectures devant le parlement à brève échéance. Netanyahu a indiqué qu’il avait bien l’intention de mener à bien la législation – mais pas nécessairement sous sa forme actuelle – lors de la prochaine session de la Knesset qui commencera au mois d’octobre.
Selon un reportage de la Douzième chaîne qui n’a pas cité ses sources, mercredi soir, Elron s’oppose au projet de loi sous sa forme actuelle.
La chaîne a ajouté qu’il était improbable qu’Elron ait coordonné sa candidature à la présidence du tribunal avec Levin et qu’il était plus probablement motivé par la rancœur qu’il nourrit à l’encontre de Hayut et d’Amit, qui s’étaient immédiatement opposés à l’idée qu’il puisse intégrer la Cour suprême quand son nom avait été avancé, une première fois, devant la Commission de sélection judiciaire, à l’époque où Ayelet Shaked était ministre de la Justice.
Sa nomination avait finalement été approuvée à l’unanimité au mois de février 2017 et Elron, fils d’immigrants juifs irakiens, était entré à la Cour suprême au mois d’octobre de la même année, soit huit ans après Amit.

Au mois de janvier, il avait été le seul juge – dans un panel formé d’onze magistrats – à désapprouver le jugement qui avait estimé que la nomination du leader du Shas, Aryeh Deri, au poste de ministre de l’Intérieur et de ministre de la Santé était « déraisonnable à l’extrême » en raison de ses condamnations judiciaires passées.
En tant que président, Elron serait chargé notamment de déterminer combien de magistrats traiteront un dossier ou une requête soumise à la plus haute instance judiciaire d’Israël, et il aurait la responsabilité de nommer les juges.
Si la majorité des dossiers, à la Cour suprême, sont alloués par le biais d’un système automatique, le président peut intervenir pour imposer un choix spécifique, explique Guy Lurie, expert au sein de l’Institut israélien de la démocratie.
Le président choisit également le panel siégeant lors d’une audience disciplinaire mettant un magistrat en cause et il a le droit de disqualifier un juge s’il estime qu’il y a un conflit d’intérêt à un moment de sa carrière. Il gère aussi des questions variées concernant l’administration quotidienne du tribunal.
« Le président a de nombreux, de très nombreux pouvoirs », explique Lurie. « Il est considéré comme le chef du système judiciaire ».

La loi actuelle prévoit que le président de la Cour suprême est choisi parmi les juges qui y siègent par la Commission de sélection judiciaire – qui est constituée de trois magistrats, de trois politiciens de la coalition, d’un député de l’opposition et de deux membres du Barreau.
Si la Commission ne se réunit pas pour désigner un président avant le départ de Hayut, au mois d’octobre, ses pouvoirs seront automatiquement transférés au juge Uzi Vogelman, qui est le vice-président de la plus importante insistance judiciaire d’Israël.
Si Vogelman n’est pas considéré comme le candidat idéal par la coalition, Haaretz avait noté, au mois de mai, qu’il souhaite prendre sa retraite dans environ un an – un temps suffisant pour que les députés qui soutiennent Levin fassent adopter les changements qu’ils défendent devant le Parlement.

Outre le principe d’ancienneté et la constitution de la Commission de sélection judiciaire, Levin voudrait s’attaquer au mécanisme qui permet de choisir le président de la Cour suprême, envisageant notamment la possibilité que le poste soit occupé par un juge qui n’y siège pas.
Au mois de janvier, la Treizième chaîne avait fait savoir que Levin avait préparé une note qui disait que « un président ou un vice-président de la Cour suprême sera désigné de la même manière que les juges sont nommés, qu’ils soient déjà magistrats au sein du tribunal ou non. »
Le plan de refonte radicale du système judiciaire qui est avancé par le gouvernement a entraîné des mois de manifestations massives de la part d’opposants qui expliquent que les changements envisagés ôteront aux tribunaux leur capacité à servir de contre-pouvoir face à une majorité qui deviendra, de fait, quasiment toute puissante.