6 000 ans mais “presque fraîches”, les graines de Massada révèlent l’origine de l’orge
Les grains trouvés dans le désert de Judée, plus vieilles plantes dont l’ADN ait été séquencé, éclaire la domestication des céréales dans la vallée du Jourdain
Ilan Ben Zion est journaliste au Times of Israel. Il est titulaire d'une maîtrise en diplomatie de l'Université de Tel Aviv et d'une licence de l'Université de Toronto en études du Proche-Orient et en études juives

Une nouvelle étude a permis aux scientifiques de remonter de plusieurs milliers d’années dans le temps, par l’intermédiaire d’un grain d’orge trouvé dans le désert de Judée.
Les graines d’orge, âgées de 6 000 ans, sont devenues la plus vieille plante dont le génome a été séquencé, a annoncé une équipe internationale de chercheurs dans un article scientifique publié lundi. L’analyse de la céréale de 6 000 ans soutient l’hypothèse selon laquelle cette importante plante cultivée a été domestiquée il y a des milliers d’années, dans la vallée du Jourdain.
Une équipe de scientifiques d’Israël, d’Allemagne, du Royaume-Uni et des Etats-Unis ont utilisé une vaste gamme de disciplines (archéologie, archéobotanique et génétique) pour étudier le matériel retrouvé dans la grotte de Yoram. Leurs découvertes ont été publiées dans le journal scientifique Nature Genetics.
Les graines de l’époque du Chalcolithique ont été découvertes dans une cave surplombant la mer Morte, à l’extrémité sud de Massada, une cime plus connue pour être la dernière position des rebelles juifs se battant contre l’Empire romain au premier siècle de l’ère commune.
Le climat aride et les falaises abruptes ont préservé les grains pendant des millénaires. Ehud Weiss, de l’université Bar-Ilan, l’un des directeurs de l’étude, a déclaré au Times of Israël que, alors que les plus anciennes graines sont souvent retrouvées brûlées, et inutiles pour une étude ADN, celles découvertes dans la grotte de Massada par une équipe de l’université Hébraïque « semblent presque vivantes, presque fraîches ».
Leur préservation immaculée a permis aux scientifiques de « lire l’ADN de ces graines » et de déterminer si elles ont été domestiquées localement, a-t-il déclaré.
Weiss a déclaré que l’orge trouvé à Massada n’avait pu pousser qu’à 20 kilomètres du plateau. Uri Davidovitch, archéologue de l’université Hébraïque, a suggéré que les personnes qui l’ont apporté dans la grotte ont pu fuir une catastrophe inconnue et cherché refuge dans le désert, tout comme les habitants juifs du sommet de la montagne des milliers d’années plus tard.
Une datation carbone a déterminé que les graines avaient 6 000 ans, et ont donc poussé plusieurs millénaires après que les humains du Croissant fertile ont domestiqué pour la première fois des graines comme l’orge et le blé, il y a environ 10 000 ans.
Jusqu’à présent, le maïs était la céréale la plus ancienne dont l’ADN avait été complètement cartographié. Le génome de l’orge n’avait été étudié qu’à partir d’échantillons modernes.
Les graines trouvées à Massada sont « bien plus proches dans le temps et l’espace de la domestication », a déclaré Weiss. Elles sont une « capsule temporelle » qui donne aux scientifiques un raccourci d’environ 6 000 ans sur les mutations génétiques, et propose un aperçu de ce que mangeait nos ancêtres.
Séquencer de l’orge préhistorique est « simplement le commencement d’une nouvelle et excitante piste de recherche », a déclaré Verena Schuenemann, de l’université de Tübingen, l’un des directeurs de l’étude.
L’examen du génome des graines d’orge a montré qu’elles diffèrent de manière significative des variétés sauvages, et sont similaires aux cultures modernes, qui poussent toujours dans la région. Les conclusions de l’étude renforcent l’hypothèse d’une domestication de l’orge dans la vallée du Jourdain, ont déclaré les chercheurs.
L’année dernière, une étude de chercheurs des universités de Tel Aviv, Harvard et Bar-Ilan avait montré que les plantes cultivées en Galilée remontaient à 23 000 ans, repoussant l’origine des variétés domestiquées d’au moins 11 000 ans.
Une étude publiée en 2015 avait montré que l’analyse génétique de variétés d’orges indiquait que la domestication de la plante avait eu lieu en plusieurs endroits du Moyen Orient pendant la préhistoire.
« L’analyse ADN des restes archéologiques des plantes préhistoriques nous fournira de nouvelles informations sur l’origine, la domestication et la propagation des plantes cultivées », a déclaré Schuenemann dans un communiqué.