A Berlin, un réalisateur israélien rend hommage à l’otage David Cunio et à sa famille
Le cinéaste Tom Shoval a voulu filmer "une sorte de lettre" "qui aurait été écrite à l'acteur d'un jour" - qui avait joué dans son film "Youth" en 2013 - ainsi qu'à sa famille et à ses amis, dont Yarden et Shiri Bibas
- Le cinéaste Tom Shoval, à gauche, avec les producteurs de "A Letter to David", Alona Refua et Roy Bareket, de Green Productions, lors de la projection du film sur l'otage David Cunio, le 16 février 2025. (Autorisation)
- Des acteurs et actrices allemands tenant des photos de l'otage israélien David Cunio à leur arrivée à l'ouverture du Festival International du Film de Berlin, à Berlin, le 13 février 2025. (Crédit : Markus Schreiber/AP)
- L'otage libérée Sharon Alony Cunio, dont le mari David Cunio est toujours détenu à Gaza, s'exprime lors d'un rassemblement sur la place des otages de Tel Aviv, le 8 février 2025. (Crédit : Avshalom Sassoni/Flash90)
- Sylvia Cunio, à l'extrême gauche, avec ses quatre fils, Louis, Ariel (troisième à partir de la gauche), David et Eitan ; Ariel et David ont été pris en otage à Gaza le 7 octobre 2023. (Autorisation)
En 2013, le cinéaste Tom Shoval était au Festival du film de Berlin. Il était venu avec David et Eitan Cunio, des frères jumeaux du kibboutz Nir Oz qui avaient joué dans son premier long-métrage, « Youth » – l’histoire d’un plan peu judicieux dans le cadre duquel deux frères kidnappaient une jeune femme pour pouvoir obtenir l’argent nécessaire au remboursement des dettes familiales.
Aujourd’hui, douze ans plus tard, Shoval a fait son retour à la Berlinale pour présenter au public « A Letter to David », un film qui a été produit par Maya Fischer, Alona Refua et Roy Bareket de la société Green Productions, dont le siège est à Jérusalem, et par Nancy Spielberg sous sa bannière Playmount Productions.
Shoval évoque son film qui, selon lui, est « une sorte de lettre écrite dans ma tête » à David Cunio, l’ancienne co-star de « Youth », qui a été pris en otage le 7 octobre 2023 dans son habitation de Nir Oz.
David Cunio, 34 ans, son épouse Sharon Alony-Cunio et leurs deux fillettes de trois ans avaient été kidnappés le jour du pogrom – comme cela avait également été le cas de la sœur de Sharon et sa petite fille, qui étaient venues rendre visite à la famille.
Le frère cadet de David et Eitan, Ariel Cunio, 27 ans, avait, lui aussi, été pris en otage avec sa petite amie, Arbel Yehoud.
David Cunio et Ariel Cunio sont toujours aux mains du Hamas. Sharon Alony-Cunio, sa sœur et leurs petites filles avaient été libérées lors d’une trêve d’une semaine, à la fin du mois de novembre 2023.
« Il s’agit d’un processus très complexe qui n’est pas encore terminé », explique Shoval. « Tant que David, Ariel et tous les autres ne seront pas rentrés chez eux, je ne pourrai pas considérer ce projet comme terminé. Jamais je n’avais fait quelque chose de semblable, quelque chose de tellement soumis à la réalité actuelle. C’est nouveau pour moi et ça me secoue ».
Le film est un témoignage d’amour et d’amitié de la part de Shoval pour une famille qu’il avait rencontrée pour la première fois il y a 12 ans, lorsque les jumeaux Cunio avaient pris part à son premier film.
Diplômé de l’école de cinéma Sam Spiegel, à Jérusalem, Shoval a voulu réaliser un film sur les deux frères – et il met l’accent sur cette dimension dans « A Letter to David ». Il y a des images de David et de son frère adolescents, s’amusant dans leur chambre, ainsi que des séquences du casting des jumeaux.
Il y a aussi des extraits de « Youth » et des entretiens qui avaient été réalisés l’année dernière avec Eitan Cunio, avec les parents des captifs et avec Sharon, l’épouse de David Cunio.
Et pourtant, les images les plus poignantes et les plus surprenantes de « A Letter to David » sont des séquences qui avaient été filmées à Nir Oz, il y a plus d’une décennie – une sorte de supplément accordé par la société de production, selon Shoval.
David et Eitan Cunio, âgés de 22 ans, apparaissent en train de se promener à Nir Oz, de dîner avec leur famille ou de réveiller leur jeune frère, Ariel.
Ils sortent avec le meilleur ami de David, Yarden Bibas, et avec Shiri Silberman, alors âgée de 21 ans, avant que le couple ne se marie il y a six ans et qu’elle ne devienne Shiri Bibas.
Des vidéos qui avaient été tournées avant que la famille Bibas n’ait deux petits enfants roux. C’était avant le 7 octobre, date à laquelle tous avaient été pris en otage par des terroristes du Hamas. C’était avant que Shiri et ses fils, Ariel et Kfir, ne soient « brutalement » assassinés en captivité et avant que leurs corps sans vie ne soient rapatriés en Israël dans des cercueils, la semaine dernière.
Shoval chuchote en arrière-plan du film, alors qu’il réalise l’identité des personnes figurant sur ces vieilles images.
« J’ai voulu montrer Nir Oz tel qu’il apparaissait aux yeux de la famille et aux yeux des frères », dit Shoval. « Je n’ai pas voulu seulement montrer les destructions mais aussi la beauté, l’expérience collective qu’ils ont vécue là-bas ».

Un membre du kibboutz Nir Oz sur quatre avait été assassiné ou capturé le 7 octobre. Seules quelques rares maisons ont été épargnées ; beaucoup ont été brûlées et détruites par les terroristes du Hamas qui avaient pris d’assaut la communauté.
Le 7 octobre, Shoval se trouvait à Berlin pour rendre visite à un ami qui lui avait demandé de participer à un projet d’écriture de scénario.
Il s’était brièvement entretenu avec son épouse, qui se trouvait dans leur appartement de Tel Aviv, ce matin-là. Elle s’était abritée face aux tirs de roquette incessants. Puis il s’était mis au travail, ignorant son téléphone.
Quelques heures plus tard, il avait repris son mobile et, sur internet, il avait découvert quelle était la situation dans le sud d’Israël, avec la prise d’assaut des communautés et des bases militaires par les hommes armés du Hamas qui commettaient un véritable massacre tout en prenant des otages.
« J’ai vu le sud du pays et les kibboutzim et pourtant, je n’ai rien voulu voir, je n’ai rien voulu comprendre », explique Shoval.
Il lui avait fallu trois jours pour trouver un vol lui permettant de rentrer en Israël. Il s’était trouvé à bord d’un avion qui était rempli de réservistes appelés à combattre, et d’autres passagers qui se rendaient à des funérailles.
« Nous étions à bord d’un vol de larmes », se souvient-il.

Dans les jours qui avaient suivi le 7 octobre, Shoval avait appris que David Cunio et sa famille avaient été pris en otage à Gaza.
Il avait parlé à Sylvia Cunio, la mère des Cunio, qui lui avait raconté ce qu’elle savait.
« Elle m’a dit : ‘Aidez-nous’, » se rappelle Shoval.
Dans les années qui avaient suivi le tournage de « Youth », Shoval et les Cunio avaient gardé des relations, avec des contacts sporadiques lorsque les uns ou les autres avaient des nouvelles à partager. Le réalisateur avait assisté au mariage de David Cunio et de Sharon Alony, qui s’étaient rencontrés pendant le tournage du film – Alony en était l’attachée de presse. Ils s’étaient envoyé des messages à la naissance de leurs enfants.
Dans un premier temps, Shoval avait appelé toutes les personnes qu’il connaissait dans le monde du cinéma pour leur dire que David Cunio, son ancien acteur de « Youth », avait été pris en otage, leur demandant de partager largement la nouvelle.
Il n’avait pas supporté de regarder le film qu’il avait réalisé avec David et Eitan Cunio dans la mesure où il montrait un enlèvement – exécuté par les deux frères, dans le film, dans le cadre de leur plan visant à apporter une réponse malheureuse au problème de l’endettement de leur famille.
« Cela m’a donné la chair de poule », dit Shoval.
Il avait ensuite voulu prendre toutes les images qu’il pouvait trouver et raconter ce qui était arrivé à David Cunio et à sa famille, pour faire connaître l’homme qu’il était et la famille à laquelle il appartenait, dans toute sa simplicité et dans toute son humilité.

« J’ai rassemblé toutes sortes de choses que j’avais envie de dire à David et Eitan, des choses que je n’avais jamais dites », dit Shoval. « C’était un peu comme un processus de guérison, une tentative de remettre les choses en place pour moi ».
Il avait alors eu de la chance, découvrant les vieilles séquences qui avaient été filmées par la société de production, ainsi que les images des caméras vidéo qui avaient été offertes aux frères Cunio.
« J’ai eu la chance qu’elles soient là et j’ai réalisé qu’elles contenaient tout un film », s’exclame Shoval, qui a reçu l’autorisation de la famille Cunio d’utiliser tout ce qu’il a trouvé.
Une partie du film comprend des images de promenade avec Eitan Cunio dans les ruines du kibboutz Nir Oz, ainsi que l’histoire poignante de sa survie le 7 octobre, alors qu’il s’était réfugié dans la pièce blindée de sa maison en flammes, avec son épouse et ses petites filles.
« C’était très bizarre et c’était triste d’être là-bas sans David », déclare Shoval. « Nous sommes comme des frères, nous sommes tous liés, j’ai l’impression que nos âmes sont connectées. Je suis allé voir Eitan et il y avait ce manque énorme ».
Le processus a été difficile et douloureux pour Shoval, qui explique avoir dû décider des images qu’il pouvait utiliser dans le cadre de son film, choisissant de laisser de côté certaines des séquences les plus horribles du 7 octobre et de raconter leur histoire sans les inclure.
Alors que le film était projeté à Berlin et avant d’autres projections, la famille a reçu des signes de vie de David Cunio de la part de certains otages qui ont été récemment libérés.
David et Ariel Cunio ne figuraient pas sur la liste des 33 otages qui devaient être relâchés dans le cadre de la première phase de l’accord de cessez-le-feu actuel, une phase qui est sur le point de s’achever.
Shoval prévoit de montrer le film au plus grand nombre de spectateurs possible, après une première série de projections à Berlin.
« Il y a plus de 12 ans, nous faisions découvrir ‘Youth’ ici même et toutes ces rues que je parcours aujourd’hui, je les avais arpentées avec eux », dit-il.
« Je prie et j’espère simplement que l’accord ne s’effondrera pas », ajoute-t-il.
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