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A Gaza, le mur du silence face aux agressions sexuelles sur des enfants

Ces crimes sont "un phénomène présent mais caché à cause du poids des traditions et de la culture de la honte," selon une responsable d'un centre d'accueil et d'aide psychologique

Des jeunes enfants qui vendent du pain sur la plage de Gaza le 13 juin 2015 dans la ville de Gaza (Crédit : Christopher Furlong / Getty Images via JTA),
Des jeunes enfants qui vendent du pain sur la plage de Gaza le 13 juin 2015 dans la ville de Gaza (Crédit : Christopher Furlong / Getty Images via JTA),

Depuis cinq mois, la famille de Fatma vit un calvaire. Son aîné, âgé de 11 ans, a été victime d’une agression sexuelle, un traumatisme qui l’a détruit et avec lui ses proches, obligés de déménager.

Cette Gazaouie de 30 ans, mère de sept enfants, a choisi un nom d’emprunt pour raconter son histoire à l’AFP.

Tout a commencé un soir où son fils est rentré à la maison en retard et visiblement très troublé.

« Il m’a dit que quelqu’un de notre famille élargie et un voisin l’avaient emmené dans une maison isolée », rapporte-t-elle.

« Ils m’ont déshabillé et ont lancé une vidéo pornographique sur leur ordinateur, j’ai voulu m’enfuir mais ils m’ont attrapé… », lui a expliqué son fils.

Fatma a aussitôt prévenu la police. Les deux hommes d’une vingtaine d’années ont été arrêtés. L’un a été relâché mais l’autre est toujours sous les verrous. « Même s’il fait partie de la famille, j’ai demandé la peine de mort aux juges ».

Fatma est une des rares mères ayant décidé de parler et de porter l’affaire devant un tribunal. Elle s’est rapidement heurtée au mur de la honte et du silence. « Le conseiller scolaire qui a été interrogé sur les troubles du comportement de mon fils a eu honte de parler des vraies raisons, il a prétexté des mésententes familiales ».

Plus de 75 % des 693 enfants violentés recensés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza en deux ans connaissaient leur agresseur

Les séquelles, dit-elle, sont irréparables pour toute la famille, désormais suivie par des travailleurs sociaux.

« Nous avons déménagé et dépensé tout notre argent pour nous reloger. Moi, j’ai beaucoup souffert et je suis tombée malade et tous mes enfants ont été affectés indirectement », dit-elle dans une structure d’accompagnement du centre de la bande de Gaza.

‘La peur du qu’en-dira-t-on’

Des enfants victimes d’attouchements sexuels ou de viols, Asma Saoud en voit souvent passer dans son centre d’accueil et d’aide psychologique. Encore ne représentent-ils que la partie émergée de l’iceberg car « très peu de familles viennent ici », dit-elle.

Ces agressions sont « un phénomène présent mais caché à cause du poids des traditions et de la culture de la honte », explique-t-elle.

La société gazaouie, traditionnellement conservatrice et religieuse, s’est davantage encore repliée sur elle-même lorsque le mouvement terroriste du Hamas a remporté les élections de 2006 avant de prendre le pouvoir l’année suivante, et qu’Israël a décrété le blocus de l’étroite bande de terre coincée entre l’Egypte, Israël et la Méditerranée.

La peur du qu’en-dira-t-on a dissuadé Nadia (un pseudonyme également) de saisir la police. Cette femme de 42 ans a préféré s’en remettre à une médiation des aînés entre les deux familles, la sienne et celle de l’agresseur de son fils.

Un matin, alors que son fils handicapé attendait le bus scolaire, « un voisin l’a attiré en lui offrant de l’argent puis l’a entraîné dans un coin et l’a agressé sexuellement », raconte-t-elle à l’AFP.

« J’ai prévenu l’école et je l’ai fait examiner discrètement par un médecin que je connais », poursuit-elle.

Physiquement, l’enfant n’a pas eu de séquelles. En revanche, « depuis, il est perturbé, il s’est renfermé sur lui-même et a peur de sortir ». A l’école, il a pris beaucoup de retard et n’a plus le goût de rien.

L’agresseur de son fils vit toujours dans le même quartier.

Selon une étude menée par le Centre palestinien pour la démocratie et la résolution des conflits (CPDRC), plus de 75 % des 693 enfants violentés recensés en Cisjordanie et dans la bande de Gaza en deux ans connaissaient leur agresseur. Cette proximité complique encore davantage le dépôt de plainte.

Education sexuelle

Mahassim, 48 ans et mère de huit enfants, en a fait la douloureuse expérience avec sa fille de six ans qui a subi des attouchements de la part d’un employé de son école.

« Ma fille n’arrive pas à oublier, elle est toujours choquée et je me demande comment elle va pouvoir mener une vie normale », s’interroge-t-elle.

Mahassim a porté plainte mais elle dit avoir subi des pressions de la part de tiers qui se sont proposés pour jouer les conciliateurs loin des tribunaux. « Ils m’ont demandé de faire preuve d’humanité et de retirer ma plainte ».

Iyad Abou Houjayer, vice-président du CPDRC, note que sur les 693 cas recensés par son centre, « seules 22 familles ont fait appel à la justice et la plupart ont fini par retirer leur plainte ».

Sur les 693 cas recensés par son centre, « seules 22 familles ont fait appel à la justice et la plupart ont fini par retirer leur plainte »

Ayman al-Batniji, porte-parole de la police gazaouie, déplore « la peur du scandale qui, dans notre société conservatrice, retient beaucoup de familles d’approcher la police ».

Le viol d’un enfant de moins de 14 ans, s’il est prouvé et avéré, peut valoir à son auteur la peine capitale, selon la loi palestinienne. Avant l’accession du Hamas au pouvoir, deux hommes ont été exécutés, le premier sous la présidence de Yasser Arafat, le second sous celle de Mahmoud Abbas.

Le texte portant sur le harcèlement et les attouchements, qui date de 2003, « prévoit entre six mois et un an de prison pour l’agresseur », renchérit M. Abou Houjayer. Il faut durcir cette loi, dit-il, mais surtout, il faut « des juges, des médecins légistes, des experts et des centres d’accueil spécialisés ».

Abou Houjayer plaide aussi pour une véritable éducation sexuelle « à l’école et à la maison » et pour une sensibilisation au danger dans la bande de Gaza, où un habitant sur deux a moins de 18 ans et où, selon l’Unicef, 300.000 enfants, confrontés à une décennie de guerres et de restrictions, ont besoin de soutien psychologique.

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