A Haïfa, des Israéliens d’origine française votent pour la première fois, ‘par peur du FN’
Ce dimanche matin, on pouvait croiser un certain nombre de primo-votants dans la queue du bureau de vote de Haïfa

« Veuillez faire de la place, une bonne sœur handicapée doit passer en priorité, » explique gentiment une employée. Et dans le cadre de la porte du bureau de vote se dessine la silhouette claudicante d’une sœur catholique à l’imposante carrure venue honorer son devoir civique.
Dans la cohorte des Français qui s’est déplacée ce 23 avril au bureau de vote de l’Institut français de Haïfa on trouve aussi quelques prêtres, un jeune soldat, des personnes âgées, des étudiants du Technion, des profils religieux, laïcs, et des habitants de toute la région nord d’Israël.
Dans la queue qui s’étend devant l’Institut et qui surplombe la méditerranée, les gens bavardent tranquillement au soleil. Ils se félicitent de la fraîcheur de ce dimanche d’élections, après le Khamsin (vent chaud du sud) de la veille qui avait écrasé Haïfa sous une chaleur étouffante.
Beaucoup de personnes se connaissent, au moins de loin, la communauté francophone n’est pas si grande. En tout, 75 000 personnes sont inscrites sur les listes en Israël. Aux dernières élections, selon une employée du consulat de Tel Aviv, seules 15 000 personnes s’étaient déplacées pour voter.

Et puis dans la queue, voici deux femmes quadragénaires ne devisant qu’en hébreu, avec un fort accent israélien. Et de fait, elles ne comprennent que quelques bribes de français, héritées de la langue d’un parent né en France. Ce même parent qui leur a ouvert le droit de posséder la nationalité française, et donc, le droit de faire valoir leur voix aux élections.
Se sont-elles déjà déplacées pour une élection française ? « Jamais !, » explique Hava qui est venue à Haïfa depuis Pardes Hana, une petite ville située à une trentaine de kilomètres, uniquement pour glisser son bulletin dans l’urne.
« C’est la première fois que je viens, explique-t-elle. C’est à cause de Marine Le Pen. C’est important à cause de cela ». Son cœur hésite encore, Macron, Fillon, un autre peut-être. Elle verra dans l’isoloir, dit-elle.
Moins inquiet, Rafael B. vote aussi pour la première fois : « La dernière fois je n’ai pas pu voter, indique cet étudiant en ingénierie mécanique au Technion, car j’étais encore à l’armée. Il est persuadé qu’aucun des partis représentant l’extrême-gauche ou l’extrême-droite ne passera le second tour.
Primo-votant également, Tom a 22 ans, et vient de sortir de l’armée. Lunette de soleil, et carrure de soldat, ce garçon qui habite Haïfa est lui aussi persuadé que « ça n’arrivera pas », que Marine Le Pen ne remportera pas les élections.
A cheval sur deux nations, choisira-t-il dans le secret de l’isoloir le meilleur candidat pour Israël, ou pour la France ? Celui ou celle qui, par ses déclarations passées a laissé entrevoir qu’il était un « ami d’Israël et des juifs »; ou celui qui lui semble le plus adapté à la situation française. « Les deux sont importants, répond-il sagement. Je vais choisir le candidat qui remplit toutes ces conditions ».
Dans le hall de l’Institut Français, comme une haie d’honneur, les affiches des candidats aux élections françaises accueillent les votants toutes dents dehors. Mais tous ne sont pas là. Il manque l’affiche de Marine Le Pen. « Le candidat N°2 n’a pas livré d’affiche, » annonce un écriteau.
Dans le bureau, les piles de bulletins en disent long sur les votes du matin. Car chacun devant prendre « au moins deux bulletins » précise la préposée à la tâche, toutes les piles ne sont pas à la même hauteur, peu de personnes se fatiguant à prendre les 11 bulletins.
« J’aurais pu ne pas mettre le même nombre de bulletins dans chaque pile, sourit l’employée à qui on fait remarquer le dénivelé des bulletins qui dit en creux les préférences des votants. Dans l’ordre, et à vue de nez, les bulletins le plus piochés ce dimanche matin ont été ceux d’Emmanuel Macron, François Fillon et Marine Le Pen.