À Manhattan, une alerte à la bombe durant Yom Kippour conduit les fidèles d’une synagogue à prier dans la rue
400 personnes assistant à la prière de Kol Nidré ont été forcées d'évacuer la synagogue. Elles ont décidé de ne pas se laisser intimider et de prier malgré tout

Il était un tout petit peu plus de 18 heures, vendredi dernier, et les fidèles de la synagogue Town and Village s’étaient réunis pour le début de Yom Kippour et les prières de Kol Nidre : c’est alors qu’un anonyme a appelé, disant que cinq bombes avaient été placées dans cette congrégation conservatrice du centre-ville de Manhattan, aux Etats-Unis.
L’agent de sécurité de la synagogue a immédiatement donné l’alerte pour faire évacuer les deux étages de ce bâtiment situé sur la 14e rue Est et les 400 fidèles qui s’y étaient réunis, qui se sont donc retrouvés sur le trottoir le temps que la police inspecte les lieux.
Dans un courriel envoyé lundi après-midi à la chorale de la synagogue, la chantre Shayna Postman explique avoir pensé dans un premier temps que quelqu’un s’était évanoui lorsqu’elle a vu le mouvement de foule au fond de la salle. Mais elle s’est très vite rendue compte de ce qui se passait.
« Tout s’est fait dans le calme et le silence : les gens sont simplement sortis de la synagogue », écrit Postman. « Il va sans dire que je n’étais pas tranquille. »
Aux Etats-Unis, des centaines de synagogues ont été victimes d’alertes à la bombe de ce type ces douze derniers mois. Mais la synagogue Town and Village a connu une interruption particulièrement brutale de ce qui est sans doute le moment de prière le plus connu et le plus couru de la liturgie juive – une prière lente et introspective au début du Jour des Expiations.
Pour certains de ces fidèles, déjà affectés par une ambiance angoissante pour les Juifs de New York et d’ailleurs, cet incident apporte la confirmation que l’antisémitisme fait désormais bel et bien partie de leur quotidien.
« J’ai dit à Bill de ne pas mettre sa kippa avant d’être arrivé à la synagogue », explique en parlant de son mari Cheryl Gross, qui a assisté au service. « Avant, nous n’y pensions pas. Maintenant, oui. »

Ce qui s’est passé après l’évacuation, expliquent les participants, est digne d’éloges : tous ensemble, les fidèles ont continué à prier Kol Nidre sur le trottoir.
« La chantre Postman, qui n’avait pas fini de dire les trois ‘Kol Nidre’, a pu le faire en pleine rue avec la chorale autour d’elle », confie Beth Mann, ex-présidente de la synagogue Town & Village présente à la synagogue ce vendredi-là.
« La rabbin [Abby] Sosland et moi avons entonné ‘Oseh Shalom’ et d’autres chants, joyeusement repris par les fidèles, en pleine rue. Les passants – nous étions vendredi soir, à New York – nous regardaient en demandant ce qui s’était passé. »
Les fidèles ont terminé cette partie du service sans leurs machzors – les livres de prières des grandes fêtes – explique Gross. « Nous n’avons pas vraiment eu le temps d’y penser », ajoute son mari Bill.
Mais heureusement, il y avait parmi les fidèles suffisamment de connaisseurs de cette partie de la prière, ce qui leur a permis de continuer sans les paroles devant les yeux. « Nous nous sommes rassemblés dehors, en pleine rue, et nous avons chanté », résume Mann.
Le service d’urgence de la police new-yorkaise a inspecté la synagogue, « sans rien trouver », explique le porte-parole de la police. Comme cela arrive le plus souvent, pour ne pas dire toujours, les alertes à la bombe contre les synagogues américaines sont des canulars.
« Aucun blessé n’est à signaler suite à cet incident », peut-on lire dans le communiqué du NYPD. « Il n’y a pas eu d’arrestation et l’enquête se poursuit. » Le communiqué qualifie l’incident de « harcèlement aggravé ».
Une fois l’inspection terminée, les fidèles et invités ont pu regagner la synagogue et terminer les prières du soir de Yom Kippour.
« Cela ne nous a pas dissuadés de célébrer la fête et de lui donner tout son sens », témoigne Mann.
« Nous avons réagi comme nous le faisons toujours : avec détermination et amour, dans la paix et avec des chants. »
Elle ajoute : « La lueur d’espoir, c’est que cela a donné encore plus de sens à nos prières et notre kavana, notre intention – ça l’a renforcée. Et je crois que c’est ce dont les gens ont besoin. »