A Tel Aviv, de la mousse et des drapeaux pour fêter le départ de Netanyahu
À Jérusalem, les manifestations de soutien au Premier ministre sortant, où une atmosphère de deuil planait, contrastaient avec les scènes de liesse sur la place Rabin
Les yeux vissés sur un écran de télévision dans une rue de Tel-Aviv, Ossie peine à parler. « C’est un rêve qui se réalise », lâche du bout des lèvres la sexagénaire qui voit partir dimanche le Premier ministre de droite Benjamin Netanyahu, après 12 ans au pouvoir.
En train de promener son chien, elle s’est arrêtée sur la terrasse d’un bar pour regarder en direct à la télévision la secrétaire du Parlement égrainer les noms des députés ayant voté pour ou contre le « gouvernement du changement ».
Les dizaines de clients du bar où flottent des drapeaux multicolores LGBT ont retenu leur souffle, jusqu’à ce que le résultat soit annoncé : 60 pour, 59 contre.
Ossie elle s’est assise. « J’ai la chaire de poule, je ne peux pas parler. J’espère juste que ça va durer, au moins un an », glisse-t-elle.
En remportant le vote de la Knesset, le gouvernement hétéroclite mené par le nationaliste Naftali Bennett met fin à 15 ans de pouvoir de Benjamin Netanyahu ainsi qu’à une crise politique de plus de deux ans, qui a amené quatre fois les Israéliens aux urnes.
Sur l’emblématique place Rabin, où les adversaires de M. Netanyahu ont inlassablement appelé à sa démission tous les samedis depuis plus d’un an, la musique est à plein volume.
VIDEO: Thousands of Israelis flood Tel Aviv to celebrate departure of long-serving PM Benjamin Netanyahu
“Bibi go home”, they sang Sunday night.
A new complicated coalition led by hardliner Naftali Bennett was sworn in Sunday, ending Netanyahu's 12-yr rule, the longest reign pic.twitter.com/8XOpKrvOya
— The Chronicles (@ChroniclesRW) June 13, 2021
Sur cette même place, où l’ancien Premier ministre travailliste a été assassiné en 1995 par un extrémiste juif, un canon envoie de la mousse sur une foule noyée sous une nuée de drapeaux israéliens.
« Bibi à la maison », harangue un homme depuis le podium.
A Tel-Aviv la libérale, le départ de Benjamin Netanyahu est vécu comme un moment « historique », dit Chen Nevo, qui travaille dans le marketing.
« Je suis un peu sous le choc », confesse celle qui est venue sur la place avec ses enfants en bas âge, malgré l’heure tardive. « Ils sont supposés dormir, mais nous avons attendu ce moment si longtemps ! ».
Mais dans les célébrations des habitants de Tel-Aviv, ville où est concentrée la jeunesse libérale et de gauche du pays, pointe déjà aussi la crainte d’un lendemain qui déchante.
Le nouveau Premier ministre Naftali Bennett est le héraut de la droite radicale, donc plus à droite que Netanyahu et proche des religieux, des résidents d’implantations et le nouveau gouvernement, qui inclue deux partis de gauche, met en bonne place des partis de droite.
« C’est un gouvernement étrange mais je crois en ces gens, ils veulent rassembler Israël », estime Mme Nevo. « Je ne sais pas si ça durera, mais c’est un changement et nous en avions besoin », dit-elle alors que résonne la chanson « Imagine » de John Lennon en hébreu et en anglais.
Rubi Sofer, 48 ans, est également venu en famille depuis Rishon Letzion, en banlieue de Tel-Aviv. Lui, son épouse et ses deux filles : tous arborent un tee-shirt noir sur lequel est inscrit les deux lettres blanches du mouvement de contestation anti-Netanyahu qui a rythmé la vie israélienne chaque samedi pendant plus d’un an, « Lekh », ou « Dégage ».
VIDEO: Thousands of Israelis flood Tel Aviv to celebrate departure of long-serving PM Benjamin Netanyahu
“Bibi go home”, they sang Sunday night.
A new complicated coalition led by hardliner Naftali Bennett was sworn in Sunday, ending Netanyahu's 12-yr rule, the longest reign pic.twitter.com/8XOpKrvOya
— The Chronicles (@ChroniclesRW) June 13, 2021
« Ce soir est un soir incroyable pour nous. Ces dix derniers mois, nous avons été à Balfour (la résidence du Premier ministre à Jérusalem ndlr) tous les samedis, même pendant la pandémie », raconte cet employé du secteur BTP.
« Nous n’aimons pas Bibi du tout, il a détruit la société israélienne », dit l’homme au piercing dans le nez, qui lui reconnait des bienfaits sur le plan sécuritaire mais lui reproche d’avoir négligé les problèmes sociaux. « La société israélienne a besoin de guérir ».
« Bennett n’est pas mon rêve le plus doux mais pour gagner la guerre parfois il faut savoir perdre de petites batailles, et pour remplacer Bibi, nous avions besoin de ça ».
À Jérusalem, les manifestations de soutien à Netanyahu contrastaient avec les scènes de liesse de Tel Aviv. Devant la résidence du Premier ministre et à l’occasion d’une prière collective au mur Occidental, réunissant orthodoxes et ultra-orthodoxes, une atmosphère de deuil planait.
Devant la résidence de la rue Balfour, où Netanyahu a passé ce qui sera probablement sa dernière nuit après avoir occupé la résidence officielle pendant 12 ans, des sympathisants du Premier ministre sortant ont agité des drapeaux et chanté « nous t’aimons ».
D’autres criaient à la « honte au gouvernement du Hamas et d’Abbas », en référence au groupe terroriste palestinien à la tête de la bande de Gaza et à Mansour Abbas, le chef du parti islamiste Raam qui a intégré la coalition du changement.
Netanyahu est sorti et les a remercié et a déclaré que les manifestants l’avaient « ému ». Il les a ensuite appelés à prendre part à un mouvement de protestation contre le nouveau gouvernement prévue mardi à Tel Aviv.
La Vingtième chaîne, une chaine télévisée de droite pro-Netanyahu a diffusé une compilation de vidéos de ses grands moments, avec en musique de fond, une chanson de louange à Dieu qui dit « Merci pour tout ce que tu as créé ».
Les partis ultra-orthodoxes, qui sont désormais dans l’opposition, ont également fustigé le nouveau gouvernement et le Premier ministre Naftali Bennett, qu’ils ont taxé « d’impie » et affirment que le nouveau gouvernement met en péril le caractère juif de l’Etat d’Israël.
Bennett, le premier chef du gouvernement israélien à être pratiquant, à rejeté ces attaques, qu’il a jugé embarrassantes et irrationnelles, une « crise d’hystérie », et a promis de protéger la vie religieuse dans le pays.