À Washington, des posts antisémites d’étudiants agitent deux facultés de médecine
Les publications des futurs médecins sur les atrocités du Hamas utilisent un certain nombre de tropes antisémites, comme le contrôle des médias et autres théories du complot

De l’avis général, la faculté de médecine de l’université de Georgetown est une communauté soudée, collaborative, où les étudiants se consacrent corps et âme à leur cursus. Un endroit où la politique extérieure y reste – à l’extérieur précisément.
C’est en tout cas ainsi que les choses se passaient avant le 7 octobre – ce jour-là, des terroristes du Hamas avaient franchi la frontière séparant Israël et la bande de Gaza et ils avaient massacré 1 200 personnes, des civils en majorité. Ils avaient également kidnappé 240 personnes, prises en otage au sein de l’enclave côtière.
Israël a déclaré la guerre au groupe terroriste suite à ces atrocités.
Un étudiant a ainsi raillé le massacre sur TikTok : « Les gens vont vous affirmer dur comme fer qu’ils ‘tueraient pour leur famille’ et voilà qu’ils ne comprennent pas ce qui s’est passé ». Un autre a critiqué des usagers d’Instagram qui, selon lui, critiquaient ce qu’il a appelé « les efforts livrés par la résistance palestinienne ».
Des publications qui ont choqué les quelques étudiants juifs eux-mêmes inscrits dans cette faculté de médecine catholique et jésuite, la plus grande de toute la nation. Ils représentent 3,8 % des 13 337 étudiants diplômés.
« Ces posts sont des incitations à la haine, ils sont clivants et profondément hors de propos. Les posts font souvent référence aux ‘collègues sionistes’, ce qui est probablement une manière d’interpeller les quelques étudiants juifs de l’école. De plus, les posts s’appuient tous sur des thématiques et sur des tropes antisémites, comme les Juifs qui contrôlent les médias ; ils affirment que les Juifs ont simultanément orchestré le massacre du 7 octobre et qu’ils méritent ce qui leur arrivé », dit un étudiant juif de l’école de médecine de Georgetown.
Craignant des représailles universitaires et professionnelles, tous les étudiants interviewés par le Times of Israel pour les besoins de cet article ont choisi de s’exprimer sous couvert d’anonymat ou en utilisant un pseudonyme.
Depuis le massacre du Hamas, le 7 octobre, les mouvements de protestation anti-israéliens se sont propagés sur tous les campus universitaires des États-Unis – avec de forts relents, souvent, d’antisémitisme.
Même si l’attention s’est largement focalisée sur les étudiants de premier cycle, les élèves et le corps enseignant de deux facultés de médecine du secteur de Washington, DC – la faculté de médecine de l’université de Georgetown et celle de l’université George Washington University (GWU) – indiquent au Times of Israel que les manifestations d’antisémitisme et de sentiment anti-israélien sont devenues plus nombreuses et beaucoup plus ouvertes récemment. Une tendance inquiétante, estiment-ils, en particulier parce que ces étudiants seront responsables, un jour, de la vie et de la santé de leurs patients.

« Les médecins sont des guérisseurs et des scientifiques qui basent leur pratique sur des faits, sur des débats académiques et sur la compassion. Ces étudiants ont propagé des discours de haine, de la propagande et des contenus antisémites en violation directe des standards professionnels et éthiques de la médecine », déclare un étudiant juif de Georgetown.
Dans les écoles de médecine américaines, l’antisémitisme n’est pas une nouveauté. Dans les années 1920, la majorité des facultés de médecine avaient établi des quotas pour limiter le nombre d’étudiants juifs autorisés à s’inscrire. Des quotas qui n’avaient été enlevés que dans les années 1970. Toutefois, ce qui est en train de se produire actuellement est potentiellement plus préjudiciable, note Liora Rez, directrice exécutive de StopAntisemitism.org.
« Il est impératif qu’il n’y ait pas de haine antisémite dans le milieu médical. Les médecins fanatisés ne posent pas seulement un risque pour leurs patients mais ils menacent la crédibilité même de la profession. Ces étudiants auront bientôt la tâche sacrée de défendre la vie et la santé de tous leurs patients et leurs collègues ont la responsabilité de garantir qu’ils mèneront scrupuleusement à bien cette mission », explique Rez.
Entre le 7 octobre et le 7 décembre, l’ADL a enregistré 2 031 incidents antisémites – il y en avait eu 465 pendant la même période, en 2022. Un bilan qui comprend 40 agressions physiques ; 337 actes de vandalisme ; 749 faits de harcèlement oral ou verbal et 905 rassemblements où des propos antisémites ont été tenus et où les manifestants ont également affiché leur soutien au terrorisme contre l’État d’Israël ou à l’antisionisme, a précisé l’ADL.
Exemple de fait de harcèlement, au moins dix étudiants en médecine de la faculté de Georgetown ont publié des contenus antisémites sur les réseaux sociaux depuis le 7 octobre, selon des captures d’écran datées qui ont été partagées avec le Times of Israel.

Par exemple, un étudiant a publié sur Instagram : « C’est tellement rageant de voir que la majorité du monde est du côté de la Palestine, du bon côté de l’Histoire, et que c’est pourtant impossible de faire quelque chose parce que le pouvoir mondial est concentré entre les mains d’un petit groupe qui est très, très démoniaque ».
Les posts semblent violer les valeurs jésuites de « Cura Personalis, » ou de soins à la personne dans son intégralité, qui sont au cœur de l’enseignement à la faculté de médecine de Georgetown.
« Il y a des étudiants qui ont posté des choses vraiment ignobles et c’est ma mission de protéger les étudiants juifs. Ce comportement est contradictoire avec l’exercice même de la médecine. C’est contradictoire avec ce qu’ils veulent devenir. Que feront-ils s’ils prennent en charge un patient juif ou un patient israélien ? », s’interroge le docteur Aviad Haramati, professeur de physiologie intégrative et co-directeur du programme d’études supérieures en médecine intégrative & sciences de la santé à la faculté de médecine de Georgetown.
Et pourtant, si Haramati, qui est Juif orthodoxe et Israélien de la huitième génération, dit croire que les responsables de l’école accordent de la valeur à la diversité des points de vue, il explique également qu’il y a eu des exemples clairs d’antisémitisme – avec notamment des internes qui se sont montrés agressifs à l’encontre d’internes juifs ainsi qu’un étudiant non-juif qui a envoyé le message « Free Palestine » à un pair juif pendant des cours qui avaient lieu via Zoom.
Après l’incident survenu sur Zoom, le doyen de l’enseignement médical à l’Université de Georgetown, le docteur Lee Jones, a envoyé un message à tous les étudiants.
« Je vous écris aujourd’hui pour partager avec vous des informations sur un incident survenu pendant un cours, incident qui a entraîné une plainte auprès du bureau de la Diversité, de l’Équité et de l’Action affirmative (IDEAA) de l’université. Pendant un cours, via Zoom, de la faculté de médecine qui était destiné à tous les étudiants de M1, le 16 novembre, un participant qui n’a pas été identifié a envoyé un message en direct à un étudiant de confession juive, un message qui n’était pas le bienvenu, au cours de ce qui paraît dorénavant être un incident ciblé », a dit ce courrier écrit en date du 17 novembre. « Les actes de harcèlement et les préjugés sont contradictoires avec notre engagement en faveur d’un environnement d’apprentissage à la fois inclusif et respectueux et ils ne sont pas convenables de la part de médecins s’engageant à ne pas nuire à autrui ».
La faculté a aussi créé une nouvelle page web qui propose des ressources à toute la communauté de Georgetown, fait savoir un porte-parole de l’université.

De son côté, le 4 décembre, la Coalition anti-racisme, au sein de la faculté de médecine et des sciences de la santé de la GWU, a accueilli un panel en partenariat avec l’Institut d’études du Moyen-Orient. Pendant cette réunion virtuelle qui était intitulée « Comprendre le conflit en Israël et en Palestine », les participants ont indiqué que les terroristes du Hamas bénéficiaient « d’un droit à la résistance » contre Israël et ils ont fait référence à la guerre qui oppose l’État juif au Hamas en évoquant un « nettoyage ethnique », selon plusieurs étudiants qui ont assisté à la discussion.
Et pourtant, Yaakov – étudiant en faculté de médecine à la GWU qui a demandé à être identifié par son prénom hébraïque – déclare que ce n’est pas, à ses yeux, le plus troublant. Il évoque plutôt certains de ses pairs qui ont ouvertement salué le massacre terroriste.
« L’une des choses qui m’a le plus ouvert les yeux, c’est de voir un si grand nombre de mes camarades de cours – un grand nombre d’entre eux veulent devenir gynécologues-obstétriciens – garder le silence face aux viols commis en masse sur des innocentes en Israël par le Hamas et par ses alliés. Ces élèves ont été attirés par la faculté de médecine parce qu’ils avaient le désir d’aider, de s’occuper de ceux qui en ont besoin. Malgré tout, ce n’est pas quelque chose qui semble évident quand on voit les posts qu’ils publient sur les réseaux sociaux », déplore-t-il.

Un porte-parole de l’université note que ses dirigeants ont condamné de manière répétée le Hamas et son attaque atroce en Israël.
« Toutefois, si les professeurs et les étudiants de la GWU ont le droit d’exprimer en toute liberté leur propre point de vue, ils ne s’expriment pas au nom de l’université », fait-il remarquer.
Concernant le panel du 4 décembre, le porte-parole estime que « de nombreuses conférences ne reflètent pas – et on ne peut pas s’attendre à ce qu’elles reflètent – toutes les parties sur tous les sujets ».
Néanmoins, l’université prend très au sérieux son engagement en faveur de la lutte contre toutes les formes de harcèlement, de discrimination, de préjugés ainsi que les éventuelles violations de la politique mise en place sur le campus, ajoute-t-il. La GWU a choisi de restreindre les activités de sa branche du mouvement Students for Justice in Palestine (SJP) suite à des violations du code de conduite de l’établissement d’enseignement supérieur, après que le groupe a projeté des messages pro-Hamas sur un mur extérieur de la Bibliothèque universitaire, où l’on pouvait notamment lire « Gloire à nos martyrs » et « Libérez la Palestine du fleuve jusqu’à la mer ».
L’université a aussi temporairement suspendu, en l’attente des résultats de l’enquête qui a été lancée, un étudiant qui avait arraché des affiches à l’intérieur du bâtiment qui accueille le groupe Hillel à l’université George Washington.
« La GWU reconnaît que les étudiants, et notamment ceux de la faculté de médecine et des sciences de la santé, vivent dans la peur, dans la souffrance et dans l’anxiété en résultat d’une grande variété de propos qui peuvent être tenus, notamment dans des posts écrits sur les réseaux sociaux. Cela fait partie des raisons qui justifient la mise à disposition par l’université de ressources, de soutien et de moyens permettant de mobiliser les administrateurs et les autres responsables », affirme le porte-parole.

Cependant, pour un autre étudiant en médecine juif de la GWU qui a demandé à n’être identifié que par ses initiales, I.G., les ressources ne sont pas suffisantes pour apaiser l’hostilité qui règne dorénavant sur le campus.
« En tant que professionnels de la médecine, nous avons la responsabilité de nous dresser contre les haines de toutes les formes. Nous avons défendu BLM, les droits des femmes, la communauté LGBTQ+ et la haine qui poursuit la communauté asiatique. Nous ne demandons pas un traitement différent, nous demandons juste le même », s’exclame-t-il.
« Les jours où je pouvais me contenter tout simplement d’être un étudiant en médecine me manquent. Devoir sans arrêt défendre notre communauté, devoir dénoncer l’antisémitisme tout en continuant à travailler d’arrache-pied pour nos études est épuisant », déplore-t-il.
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