À Yom HaAtsmaout, sans les enfants, « nous serions tous cloués au lit, la tête sous les couvertures »
Les atrocités du Hamas du 7 octobre ont pesé sur une fête que nombre d'Israéliens n'ont pas célébrée, par respect pour les familles en deuil et les otages de Gaza
JTA – Alors que les foules se rassemblaient pour commémorer le 76e jour de l’indépendance d’Israël, quelque chose d’impalpable mais de bien réel planait sur des célébrations éclipsées par les conséquences durables du carnage perpétré par le Hamas le 7 octobre et de la guerre qui s’en est suivie à Gaza.
Après quelques hésitations, Richard Binstock, un Britanno-Israélien venu de Rishon Lezion, a décidé d’assister à une fête, sur un toit de Tel Aviv, mais il s’est fait la réflexion que les routes menant à cette ville, sur la côte, étaient étrangement fluides. « C’est triste à dire, mais il n’y a personne sur les routes », confie-t-il. « Ce fut l’un des trajets les plus rapides qu’il m’ait été donné de faire. »
Nicole Barrs, de Kiryat Ono, dit avoir renoncé à se rendre à une fête. « Je n’avais pas envie d’aller faire la fête : je suis restée avec mes proches, on l’a fêté à notre manière », explique-t-elle à la Jewish Telegraphic Agency.
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Nataly Peleg, de Tel Aviv, dit être restée chez elle, cette année, parce qu’elle n’était « pas du tout d’humeur à sortir. Totalement au-dessus de mes forces cette année. »
Les fidèles d’une synagogue du sud de Tel Aviv disent peu ou prou la même chose. « Ce n’est pas une fête cette année », confie à la JTA Itzik Cohen, un dirigeant de la synagogue Zichron Baruch. « Nous n’avons pas envie de faire la fête, mais il faut pourtant le faire. Je ne peux pas me permettre de dire : ‘Je ne le fête pas cette année’. C’est une obligation religieuse, un peu comme Pessah. »
Cohen explique que les dirigeants de la synagogue se sont réunis à plusieurs reprises pour déterminer la meilleure manière de marquer cet événement, sept mois après la tuerie perpétrée par des milliers de terroristes dirigés par le Hamas, qui a coûté la vie à 1 200 personnes dans le sud d’Israël et fait 252 otages séquestrés dans la bande de Gaza.
Finalement, conclut Cohen, les dirigeants de la synagogue ont décidé de s’en tenir à ce qui se fait habituellement, à savoir une prière communautaire suivie de festivités, cette année très allégées, sans musique ni danses dans les rues.
« C’est dur à dire, mais je ne ressens rien. Je suis émotionnellement déconnectée », explique à la JTA Yasmin Ishbi, qui n’est pas pratiquante mais est venue avec ses enfants à la fête organisée par la synagogue. « Il y a des gens qui aiment les hauts et les bas, émotionnellement parlant. Pour ma part, je préfère ne pas ressentir les hauts pour ne pas avoir à souffrir des bas. »
Selon Moshiko Balas, directrice de la municipalité, les grandes célébrations prévues dans Tel Aviv – à commencer par deux événements qui, ensemble, attirent pas moins de 20 000 participants – ont été annulées cette année à cause de la guerre. Même les feux d’artifice silencieux – qui ont remplacé l’année dernière les traditionnels feux d’artifice par respect pour les anciens combattants souffrant de syndrome de stress post-traumatique – ont été supprimés.
Le pays a également renoncé à la traditionnelle parade des avions de chasse israéliens pour l’occasion.
« Personne n’est d’humeur à faire la fête », se confie Balas à la JTA, tout en ajoutant : « Pour autant, si on ne fête pas le Jour de l’Indépendance, il faut quand même marquer cette journée spéciale. »
La municipalité arabo-juive de Jaffa a mené un sondage pour savoir de quelle manière les gens voulaient marquer le Jour de l’Indépendance, cette année. Cinquante pour cent des personnes interrogées ont répondu ne pas vouloir assister aux grands événements, dont le concert de la pop star israélienne Zahava Ben.
La nature de l’événement, organisé dans le parc Davidoff de Jaffa, a été modifiée et le concert a été annulé. A la place, c’est un petit groupe inconnu qui est monté sur scène, suivi de plusieurs représentants des autorités locales de santé et de sécurité, auxquels un hommage a été rendu en raison de leur rôle dans la guerre.
Balas remarque que les jeunes célibataires et les personnes âgées avaient clairement manqué à l’appel et que d’aucuns avaient craint des attaques de roquettes, ce qui expliquait sans doute cette faible affluence. On estime au final à un millier le nombre de personnes venues assister au spectacle – soit moitié moins que l’an dernier –, essentiellement des familles avec de jeunes enfants.
« Les gens voulaient que ce soit axé sur les enfants, de façon à privilégier une atmosphère communautaire et d’unité, quelque chose de plus intime », explique Balas.
L’événement a attiré des représentants de toutes les communautés de Jaffa – bulgares, russes, éthiopiennes et arabes – même si la participation arabe a été bien moins importante que les années précédentes. Un Arabe israélien, qui a accepté de témoigner sous réserve d’apparaitre sous l’initiale de son nom – un K -, s’est dit déçu de la faible participation de la communauté arabe et du fait que, dans l’école où il enseigne, une des rares écoles pour Arabes et Juifs israéliens, aucun enseignant arabe ne se soit levé au moment où a retenti la sirène en hommage aux morts d’Israël.
« Cela me fait de la peine que mon quartier ne se sente pas davantage appartenir à ce pays, surtout depuis le 7 octobre », se confie-t-il. « Je ne comprendrai jamais pourquoi. Moi aussi, j’ai de la famille à Gaza, mais ça n’empêche. »
Un autre enseignant, Doron Sabah, dit avoir « beaucoup pleuré » lors de la cérémonie de son école, plus tôt dans la journée.
« Mes enfants ont voulu aller acheter des drapeaux israéliens et des gadgets, mais ça m’a paru bizarre. Des amis nous ont invités à un concert, mais ça aussi nous a paru bizarre, et nous n’y sommes pas allés. C’est pour cela que nous sommes ici », explique-t-il. En évoquant la guerre et l’agitation politique qui a fait son grand retour, Sabah poursuit : « Ce qui est déprimant, dans tout cela, c’est l’impression que cela ne va jamais se terminer. Comment va-t-on sortir de ce pétrin ? »
Maor Damasia estime qu’il est « difficile de ne pas se sentir coupable » envers les familles des victimes du 7 octobre. « Ils ne peuvent pas faire la fête parce qu’ils sont en deuil ou parce qu’ils ont des proches à Gaza. Mais je suppose que nous sommes tous touchés par cette guerre. Si Dieu le veut, l’an prochain, les choses seront différentes et ce sera plus joyeux. »
Près de 100 000 personnes se sont réunies sur la place des Otages de Tel Aviv, à l’occasion de la fête de l’indépendance, pour écouter les rescapés du 7 octobre et les proches d’otages aux mains du Hamas à Gaza.
Une cérémonie alternative placée sous le mot d’ordre « Pas d’otages, pas d’indépendance » a eu lieu à Binyamina, dans le nord d’Israël. Organisée par Noam Dan, dont le cousin Ofer Kalderon est otage à Gaza, la cérémonie a consisté en une extinction des torches, un sombre parallèle avec la cérémonie officielle, à Jérusalem, au cours de laquelle les torches sont allumées.
La cérémonie d’allumage de la torche organisée par le gouvernement a été préenregistrée mercredi, sans public, ce qui n’a pas plu à tout le monde. Cette année, les flambeaux avaient été confiés à des soldats, des membres du corps médical et des civils qui ont sauvé des vies, le 7 octobre, à l’instar de Youssef Ziadna, un Arabe bédouin qui a sauvé 30 personnes lors de la rave Nova.
« C’était très, très émouvant. Je n’arrive toujours pas à croire que j’ai été choisi. Je suis très fier », confie à la JTA Ziadna, les larmes aux yeux. « Je remercie les autorités de m’avoir choisi pour allumer une torche du Jour de l’Indépendance. Nous sommes un seul peuple, Arabes et Juifs, et si Dieu le veut, nous vivrons bientôt en paix dans notre pays. »
Depuis la synagogue du sud de Tel Aviv, Anne Dubitzky explique que, cette année, les célébrations se sont avant tout tenues par respect pour les enfants d’Israël. « Si nous ne célébrions pas Yom HaAtsmaout, nos ennemis auraient gagné. Si les enfants ne le célébraient pas, il leur manquerait la base pour aimer et, un jour, défendre le pays », conclut-elle, utilisant le terme hébreu pour désigner le Jour de l’Indépendance.
Pour l’homme de radio Omer Ben Rubin, les enfants sont au cœur de cette journée.
« Un peu comme le 8 octobre dernier : nous avons tous continué pour les enfants. Est-ce que c’est naturel de faire la fête, en ce moment ? Bien sûr que non », estime-t-il. « Mais vous savez ce qu’on dit, le bonheur est contagieux. Peut-être que le bonheur de nos enfants va nous gagner ? Sans eux, nous serions tous cloués au lit, la tête sous les couvertures. »
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