Affaire Pegasus : Levin réclame l’autorisation d’engager des avocats privés
Le ministre de la Justice dit qu'il y a conflit d'intérêts, puisque le groupe d'experts enquêtera sur Baharav-Miara ; il dénonce les efforts pour limiter la portée de l'enquête
Le ministre de la Justice, Yariv Levin, a demandé vendredi que lui-même et d’autres membres du gouvernement soient autorisés à recourir aux services de juristes privés dans le cadre d’une commission d’enquête mise en place par le cabinet pour examiner l’utilisation de la technologie des logiciels espions par les organismes chargés de l’application de la loi.
Levin a écrit, dans une lettre adressée au procureur général adjoint Gil Limon, que la procureure générale Gali Baharav-Miara, qui est censée représenter le gouvernement et ses membres dans les affaires juridiques, était en conflit d’intérêts dans cette affaire, le bureau de la Procureure-générale devant, lui aussi, faire l’objet d’une enquête de la commission.
« La tentative de la part de ce bureau et de la femme qui le dirige de dicter la portée des investigations dans une affaire qui les implique directement – avec un bureau dont la conduite sera examinée dans ce contexte – est quelque chose d’impensable », a poursuivi Levin.
« La tentative de limiter la portée des investigations du panel et de compromettre sa capacité à mener un examen complet d’une question aussi fondamentale pour les droits fondamentaux et la vie privée est extrêmement grave, d’autant plus qu’elle émane d’un bureau qui fait lui-même l’objet d’une enquête », a-t-il ajouté, faisant référence aux appels du cabinet de la procureure générale pour limiter la portée de l’enquête.
Levin a souligné que le groupe d’experts agirait sans aucune contrainte qui pourrait affecter sa quête de la vérité, et que son mandat ne devrait pas être modifié.
Doté de pouvoirs d’enquête par le gouvernement le mois dernier, le groupe examinera la conduite des forces de l’ordre et du bureau du procureur de l’État dans des dossiers relatifs à l’obtention de ce genre de cyber-outil, aux opérations de surveillance menée grâce à eux et à la collecte de preuves par leur intermédiaire.
Levin, qui a demandé la création d’une commission d’enquête il y a un mois, a précisé que le dossier était directement lié au scandale qui a éclaboussé la police en 2022 concernant l’usage, par cette dernière, de Pegasus — un outil sophistiqué de piratage de téléphone – accédant ainsi de manière potentiellement illégale aux téléphones portables des citoyens israéliens.
Depuis lors, l’utilisation de logiciels espions par la police a été largement gelée, sauf dans certains cas spécifiques et avec l’approbation du procureur général.
Le bureau du procureur général a exprimé son opposition au futur groupe d’experts, craignant qu’il n’interfère avec des affaires en cours. Selon des fuites rapportées par la presse israélienne, Limon aurait fait pression sur Levin pour qu’il limite l’accès du groupe aux affaires en cours.
Une source proche du ministre de la Justice a déclaré qu’il n’y aurait pas d’ingérence, car l’enquête ne viserait qu’à déterminer si les enquêteurs de la police ont utilisé des logiciels espions, et non à examiner les affaires de manière plus générale.
Dans une lettre envoyée à Levin le mois dernier, Baharav-Miara a écrit que le ministre n’était pas habilité à créer un groupe d’experts chargé d’enquêter sur des affaires judiciaires en cours, et s’est dit particulièrement préoccupée par le fait que la commission pourrait interférer avec le procès pour corruption en cours du Premier ministre Benjamin Netanyahu. L’insinuation était que le logiciel espion aurait pu être utilisé par la police et/ou le parquet pour recueillir des preuves liées à la procédure engagée contre Netanyahu.
Selon la presse israélienne, Baharav-Miara devrait être appelée à témoigner avant la première réunion du panel, afin d’expliquer son opposition juridique à la procédure.
Netanyahu maintient inébranlablement son innocence et impute les accusations à une police partiale, à un procureur général faible et aux médias. Levin est l’architecte du plan controversé du gouvernement visant à assouplir les contrôles judiciaires sur le pouvoir politique.
Compte tenu du conflit d’intérêts, Netanyahu s’est récusé et a quitté la salle pendant la discussion.
La commission sera dirigée par le juge à la retraite Moshe Drori, ex-vice-président du tribunal de district de Jérusalem. Fervent soutien du projet de refonte du système judiciaire, il a souvent et vivement critiqué l’ex-procureur général Avichai Mandelblit, qui a supervisé l’acte d’accusation contre Netanyahu.
Carrie Keller-Lynn a contribué à cet article.