Israël en guerre - Jour 593

Rechercher

Ahmed al-Sharaa voudrait la paix avec Israël et envisage l’adhésion de la Syrie aux accords d’Abraham

Pour obtenir la levée des sanctions américaines, le leader islamiste a dit au législateur américain que la Syrie entendait normaliser ses relations avec Jérusalem

Le président syrien par intérim Ahmed al-Sharaa tient une conférence de presse conjointe à l'issue d'une réunion avec le président turc, au palais présidentiel d'Ankara, le 4 février 2025. (Crédit : OZAN KOSE / AFP)
Le président syrien par intérim Ahmed al-Sharaa tient une conférence de presse conjointe à l'issue d'une réunion avec le président turc, au palais présidentiel d'Ankara, le 4 février 2025. (Crédit : OZAN KOSE / AFP)

Le nouveau président syrien, Ahmed al-Sharaa, a déclaré que Damas souhaitait revenir à des relations normales avec Israël, a confié jeudi à Bloomberg le membre du Congrès américain, Cory Mills, à l’issue d’un entretien avec lui la semaine passée, en Syrie.

Selon cette mêne source, Mills a expliqué s’être entretenu avec Sharaa sur les conditions de levée des sanctions économiques imposées par les États-Unis, ainsi que sur la possibilité d’une paix avec Israël.

Sharaa l’aurait assuré que la Syrie souhaitait, « dans de bonnes conditions », faire partie des accords d’Abraham – série d’accords de normalisation négociés par la précédente administration Trump entre Israël et les Émirats arabes unis, Bahreïn et le Maroc.

Selon Mills, Sharaa est également prêt à expliquer de quelle manière il entend gérer la présence de combattants étrangers en Syrie tout en apportant des garanties à Israël, qui demeure très méfiant envers le dirigeant syrien et s’oppose à tout assouplissement des sanctions.

Les nouvelles autorités islamistes de la Syrie tentent d’obtenir des États-Unis et de l’Europe la levée de leurs sanctions dans le but de relancer une économie décimée par une dizaine d’années de guerre civile.

M. Mills, qui siège à la commission des affaires étrangères et à celle des forces armées de la Chambre des Représentants, et Marlin Stutzman, membre du Congrès américain originaire de l’Indiana, ont atterri vendredi dernier à Damas pour s’entretenir avec des responsables syriens. Il s’agit là de la toute première visite de législateurs américains dans ce pays ravagé par la guerre depuis que Bachar al-Assad a été chassé du pouvoir par des rebelles menés par les islamistes, en décembre dernier.

Accompagné de membres non identifiés de la délégation, le membre du Congrès américain Cory Mills, deuxième à partir de la droite, marche dans la vieille ville de Damas, le vendredi 18 avril 2025. (Crédit : AP Photo/Omar Sanadiki)

Mills s’est donc entretenu, vendredi soir, avec Sharaa, toujours sous le coup de sanctions américaines et de l’ONU pour ses relations antérieures avec Al-Qaïda. Au cours de cet entretien, les deux hommes ont évoqué les sanctions américaines et l’Iran pendant près de 90 minutes.

Mills a déclaré à Bloomberg qu’il rentrerait au Etats-Unis avec une lettre de Sharaa pour Trump, sans plus de détails, et qu’il ferait un compte-rendu de son déplacement au président américain et à son conseiller à la sécurité nationale, Mike Waltz.

« Je suis prudemment optimiste, désireux de laisser la porte ouverte au dialogue », a déclaré Mills.

Mills et Stutzman, tous deux membres du parti républicain, celui de Trump, se sont rendus dans différents quartiers de la capitale syrienne détruits par la guerre, ont rencontré des chefs religieux chrétiens et annoncé qu’ils verraient prochainement d’autres ministres syriens.

« Il y a une opportunité – et ces opportunités ne se présentent qu’une fois dans une vie », a confié Stutzman à Reuters. « Je ne veux pas que la Syrie se sente poussée dans les bras de la Chine, ou ceux de la Russie ou de l’Iran. »

Le mois dernier, les États-Unis ont donné à la Syrie la liste de leurs conditions à un allègement partiel des sanctions – à commencer par le retrait des combattants étrangers des fonctions de direction – mais l’administration Trump parle peu aux nouveaux dirigeants.

Accompagné de membres non identifiés de la délégation, le membre du Congrès américain Cory Mills, deuxième à partir de la droite, se promène dans la vieille ville de Damas le vendredi 18 avril 2025. (Crédit : AP Photo/Omar Sanadiki)

Stutzman a déclaré que les Syriens, à Damas, lui avaient parlé des frappes d’Israël, qui prenaient pour cibles des emprises militaires dans le sud et autour de la capitale. Israël a également envoyé des troupes terrestres dans une zone tampon située dans le sud de la Syrie et a exprimé à plusieurs reprises sa méfiance envers Sharaa.

« J’ai l’espoir qu’un gouvernement fort s’établisse en Syrie, â même d’aider la population syrienne, et qu’elle-même soutienne le gouvernement – et aussi que la relation entre Israël et la Syrie se renforce. Je pense que c’est possible, honnêtement, je le pense », a déclaré Stuzman.

Parmi les conditions imposées par les États-Unis pour lever les sanctions contre la Syrie figurent la destruction de la totalité de ses stocks d’armes chimiques et la coopération dans la lutte contre le terrorisme, expliquaient à Reuters des sources, le mois dernier. En échange, Washington pourrait alléger certaines sanctions, soulignent ces sources. Il pourrait, par exemple, y avoir une prolongation de deux ans de l’exemption pour les transactions avec les institutions gouvernementales syriennes et peut-être même l’octroi d’une nouvelle. Les États-Unis pourraient par ailleurs publier une déclaration reconnaissant l’intégrité territoriale de la Syrie, a rapporté Reuters, ajoutant que Washington n’avait pas fourni de calendrier précis pour ces conditions.

Des soldats américains patrouillent à Qamishli, dans la province de Hassaké, principalement contrôlée par les Forces démocratiques syriennes (FDS) dirigées par les Kurdes, le 9 janvier 2025. (Crédit : Delil Souleiman/AFP)

Les objectifs de la Syrie et la méfiance d’Israël

Lors d’une interview à The Economist, en février dernier, Sharaa avait clairement dit ne pas exclure la possibilité d’une normalisation régionale, tout en soulignant la difficulté de le faire avec Israël.

Interrogé sur l’établissement de relations avec Israël dans le cadre d’un vaste accord de paix au Moyen-Orient, Sharaa avait indiqué que son pays voulait « la paix avec toutes les parties, mais qu’il y avait une grande sensibilité concernant la question israélienne dans la région », rappelant les trois grandes guerres entre Israël et la Syrie, ainsi que le contrôle d’Israël sur le plateau du Golan capturé depuis 1967, autant de questions complexes.

Israël a depuis annexé la partie du plateau du Golan conquise en 1967, et cette décision a été reconnue par Trump lors de son premier mandat, mais pas par le reste de la communauté internationale.

« Cela ne fait que deux mois que nous sommes entrés à Damas et nous avons beaucoup de priorités à traiter ; il est donc trop tôt pour évoquer une telle question qui requiert le plus large soutien de l’opinion publique, sans parler des procédures et des lois. Pour être parfaitement honnête, nous n’en avons pas encore parlé », déclarait à l’époque Sharaa.

L’intention de Sharaa d’adhérer aux accords d’Abraham n’a rien de surprenant, estime Carmit Valensi, chercheuse principale sur la Syrie et responsable du programme sur la zone nord à l’Institut d’études de sécurité nationale (INSS) de Tel Aviv.

Des hommes parcourent les lieux ciblés par une frappe israélienne dans le gouvernorat de Hama, dans le sud de la Syrie, le 3 avril 2025. (Crédit : Abdulaziz KETAZ / AFP)

« Al-Sharaa a, à plusieurs reprises, ces derniers mois, tenu des propos disant son intérêt pour la paix avec ses voisins syriens et son absence d’animosité envers Israël », explique-t-elle au Times of Israel.

Valensi évoque « la ligne politique sobre et prudente » de Sharaa envers Jérusalem et ajoute que « malgré la présence de Tsahal en territoire syrien, malgré les frappes aériennes intenses et l’exigence d’Israël de démilitariser le sud de la Syrie, les dirigeants syriens n’ont rien tenté contre Israël – leur discours reste modéré à son égard. »

Au lendemain de la chute du régime Assad, Israël a déployé son armée dans une zone tampon placée sous surveillance de l’ONU pour séparer les forces israéliennes et syriennes sur le plateau stratégique du Golan, où il a désormais une présence militaire. L’armée israélienne justifie sa présence dans cette zone tampon, au sud de la Syrie, en la présentant comme temporaire et défensive, bien que le ministre de la Défense, Israel Katz, ait parlé d’une présence d’une longueur « indéfinie ».

Israël a, à plusieurs reprises, fait part de sa méfiance envers Hayat Tahrir al-Sham, la faction islamiste dirigée par Sharaa qui a renversé Assad, issue d’un groupe affilié à al-Qaïda jusqu’à sa rupture avec cette organisation, en 2016. Elle a par ailleurs manifesté son intention d’empêcher la Syrie de tomber entre les mains d’un régime hostile.

Des délégations israéliennes et turques se sont rencontrées en Azerbaïdjan en début de mois pour des pourparlers de déconfliction en Syrie destinés à prévenir des incidents entre les armées des deux pays, actives en Syrie.

Le mois dernier, le ministre des Affaires étrangères, Gideon Saar, s’en est pris à Sharaa et a appelé la communauté internationale à condamner les agissements des nouveaux dirigeants syriens, sur la base d’informations faisant état du massacre d’un millier de civils dans le cœur alaouite du pays.

Des Syriens célèbrent la première prière du vendredi depuis l’éviction de Bachar al-Assad sur la place centrale de Damas, en Syrie, le 13 décembre 2024. (AP Photo/Hussein Malla, fichier)

« Ils étaient djihadistes et restent djihadistes, même si certains de leurs dirigeants portent maintenant des costumes », a déclaré Saar en parlant de Sharaa.

Les ambitions de Trump et les « bonnes conditions »

Trump a promis, devant des journalistes, lors d’une réunion du cabinet à la Maison Blanche en mars dernier, que de nouveaux pays adhéreraient aux accords d’Abraham.

Le vice-président américain JD Vance a ajouté qu’avec le retour de Trump à la Maison Blanche, ils allaient « faire évoluer les accords d’Abraham, y ajouter de nouveaux pays », et que même s’il était « trop tôt pour tirer des conclusions, beaucoup de progrès avaient déjà été enregistrés ». Ce que Trump a redit ce jeudi.

Interrogé sur la pertinence de sa candidature au prix Nobel de la paix, Trump a répondu : « Peut-être pour les accords d’Abraham ».

Depuis le Bureau ovale, le dirigeant américain a réaffirmé que de nouveaux pays allaient normaliser leurs relations avec Israël par l’intermédiaire des États-Unis. « Nous allons le faire très rapidement… De nombreux pays souhaitent adhérer aux accords d’Abraham », a-t-il assuré.

« Il faut manifestement beaucoup de courage pour faire une déclaration pareille », explique Valensi à propos de l’intérêt manifesté par Sharaa envers la normalisation avec Israël.

« Sharaa fait est déjà très critiqué à propos de sa modération et cela va ne faire qu’aller crescendo. La grande inconnue porte surtout sur la deuxième partie de la phrase : qu’est-ce qu’il considère comme de « bonnes conditions » ? Cela reste à découvrir.

Cette photo publiée par l’agence de presse officielle syrienne (SANA) montre le prince héritier d’Arabie saoudite Mohammed ben Salmane (à droite) en train d’accueillir le président par intérim de la Syrie, Ahmed al-Sharaa, avant leur entretien à Riyad le 2 février 2025. (SANA / AFP)

« Je pense qu’il sera plus facile pour la Syrie d’avancer vers la normalisation avec Israël s’il y a aussi des progrès avec l’Arabie saoudite : ainsi, cette décision serait perçue comme faisant partie d’une tendance régionale », poursuit Valensi.

« S’agissant de ces conditions, elles pourraient aller d’une demande minimale de retrait des soldats et d’arrêt des attaques, à des exigences plus stratégiques concernant l’avenir du plateau du Golan – un retrait israélien, ou à tout le moins, l’octroi du statut de zone démilitarisée ou sous contrôle conjoint. »

Signe que Sharaa ne fait pas que parler, les médias palestiniens ont rapporté mardi que le nouveau régime syrien avait interpelé Khaled Khaled, responsable de la zone syrienne au sein de l’organisation terroriste du Jihad islamique palestinien, ainsi qu’Abou Ali Yasser, responsable du comité exécutif de l’organisation en Syrie. Les autorités syriennes n’ont pas confirmé officiellement.

Dans un communiqué officiel, le Jihad islamique palestinien a indiqué que les hommes avaient été arrêtés d’une manière « à laquelle ils ne s’attendaient pas » de la part de la Syrie.

En savoir plus sur :
S'inscrire ou se connecter
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
Se connecter avec
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation
S'inscrire pour continuer
Se connecter avec
Se connecter pour continuer
S'inscrire ou se connecter
Se connecter avec
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un email à gal@rgbmedia.org.
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.
image
Inscrivez-vous gratuitement
et continuez votre lecture
L'inscription vous permet également de commenter les articles et nous aide à améliorer votre expérience. Cela ne prend que quelques secondes.
Déjà inscrit ? Entrez votre email pour vous connecter.
Veuillez utiliser le format suivant : example@domain.com
SE CONNECTER AVEC
En vous inscrivant, vous acceptez les conditions d'utilisation. Une fois inscrit, vous recevrez gratuitement notre Une du Jour.
Register to continue
SE CONNECTER AVEC
Log in to continue
Connectez-vous ou inscrivez-vous
SE CONNECTER AVEC
check your email
Consultez vos mails
Nous vous avons envoyé un e-mail à .
Il contient un lien qui vous permettra de vous connecter.