Allemagne : l’AfD sanctionne sa tête de liste aux Européennes
La décision fait suite à l'annonce mardi par le parti français Rassemblement national (RN) de mettre fin à sa coopération au Parlement européen avec l'AfD
Le parti d’extrême droite allemand AfD a banni mercredi de tout meeting électoral sa tête de liste au scrutin européen, Maximilian Krah, le sanctionnant pour une série de dérapages qui ont conduit à la rupture avec son allié français.
Cette interdiction s’applique aux événements électoraux du parti et à ses autres événements publics, a précisé un porte-parole de l’AfD (Alternative für Deutschland, Alternative pour l’Allemagne) à l’AFP après une conférence téléphonique du bureau fédéral.
Cet avocat de 47 ans va aussi quitter les instances dirigeantes du parti, a-t-il lui-même confirmé sur son compte X.
Mais il reste tête de liste aux élections du 9 juin. Il est en effet trop tard pour en changer.
La décision fait suite à l’annonce mardi par le parti français Rassemblement national (RN) de mettre fin à sa coopération au Parlement européen avec l’AfD.
Lepénistes et membres de la formation allemande fondée en 2013 se retrouvent au sein du groupe Identité et démocratie (ID) au Parlement européen.
Le dernier incident en date impliquant l’eurodéputé, soupçonné de proximité avec la Russie et la Chine et très actif sur TiKTok, remonte au week-end dernier : il avait estimé qu’un SS n’était « pas automatiquement un criminel » dans un entretien avec le quotidien italien La Repubblica.
« L’AfD va de provocation en provocation », a déclaré mercredi sur la radio Europe 1 Marine Le Pen, la présidente du groupe RN à l’Assemblée nationale.
« Il est temps d’acter la rupture avec ce mouvement qui n’est pas dirigé et qui manifestement subit une emprise de groupements radicaux en son sein », a-t-elle mis au point.
« Dans la main de Dieu »
Dans une réaction sur X, M. Krah a quant à lui déploré que des « déclarations objectives et nuancées de ma part » aient été utilisées « comme prétexte pour nuire à notre parti ».
« La dernière chose dont nous avons besoin en ce moment, c’est d’un débat à mon sujet (…). C’est pourquoi je renonce dès à présent à toute nouvelle participation à la campagne électorale et je démissionne de mon poste de membre du bureau fédéral », a-t-il expliqué.
« On ne peut jamais tomber plus bas que dans la main de Dieu », a jugé ce catholique.
Depuis plusieurs semaines, cet élu d’extrême droite était devenu une source d’embarras pour son parti qui l’avait pourtant désigné il y a environ un an, à une large majorité, pour être tête de liste aux élections européennes du 9 juin.
La justice allemande avait notamment ouvert une enquête préliminaire pour soupçons de financements russe et chinois.
Un de ses assistants au Parlement européen, Jian Guo, se voit par ailleurs reprocher par le parquet fédéral d’avoir espionné pour le compte de Pékin au coeur même de l’institution. Il a été arrêté fin avril.
Radicalisation
Le RN avait déjà pris ses distances avec son allié allemand après une réunion d’identitaires à Potsdam fin 2023, révélée par un média d’investigation en janvier, au cours de laquelle un projet d’expulsion massive d’Allemagne de personnes étrangères ou d’origine étrangère avait été discuté.
Des membres de l’AfD y avaient participé, dévoilant clairement au grand jour une radicalisation qui cheminait pourtant au sein de ce parti depuis des années.
La semaine dernière, Björn Höcke, considéré comme le véritable homme fort du parti, a été condamné à 13.000 euros d’amende pour avoir utilisé un slogan nazi.
L’AfD est désormais créditée d’environ 15 % des intentions de vote aux élections européennes, reléguée à la deuxième ou troisième position, après avoir caracolé à quelque 23 % à la fin 2023. Mais elle reste à niveau plus élevé par rapport aux élections de 2019, quand elle avait obtenu 11 % des suffrages.
La rupture entre RN, qui a travaillé à sa respectabilité en vue de parvenir au pouvoir, et AfD, qui se radicalise, illustre deux stratégies désormais incompatibles, estiment des observateurs.
On peut ainsi comprendre « l’évolution de l’AfD comme le fait que le parti tente simplement d’influer sur le discours en Allemagne – sans pour autant travailler réellement dans la perspective d’une prise de responsabilité gouvernementale », juge notamment Jacob Ross, du groupe de réflexion allemand DGAP.