Amazonie toujours en feu : Bolsonaro accepte l’aide de Netanyahu
Israël va envoyer un avion et une cargaison de produits chimiques ignifuges ; le président brésilien a été fustigé dans le monde pour son inertie
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu s’est entretenu dimanche soir avec le président brésilien Jair Bolsonaro, et a offert l’aide d’Israël dans la lutte contre les feux qui ravagent actuellement l’Amazonie, et qui inquiètent le monde entier.
Le bureau de Netanyahu a déclaré qu’Israël enverrait une cargaison de produits chimiques ignifuges, ajoutant que le Premier ministre avait félicité Bolsonaro pour avoir finalement envoyé des dizaines de milliers de soldats pour aider à lutter contre les flammes qui ravagent le poumon de la planète.
Bolsonaro a annoncé vendredi que son gouvernement enverra 43 000 soldats pour aider à lutter contre les flammes qui dévastent la partie de l’Amazonie située sur le territoire brésilien, une superficie équivalente à 10 fois le Texas, et considérée comme un rempart international au réchauffement climatique. Seulement une centaines de soldats avait été déployée jusqu’alors.
De son côté, Bolsonaro a tweeté qu’Israël enverrait un avion spécialisé pour aider les efforts des pompiers. On ignore quel type d’équipement sera envoyé.
– Em contato telefônico com o Primeiro-Ministro Benjamin Netanyahu, este reconhece os esforços do Brasil no combate aos focos de incêndio na Amazônia. Aceitamos o envio, por parte de Israel, de aeronave com apoio especializado para colaborar conosco nessa operação. pic.twitter.com/fASU9MEr6r
— Jair M. Bolsonaro (@jairbolsonaro) August 25, 2019
Il s’agira de la deuxième aide accordée cette année par Israël au Brésil.
En janvier, une équipe de chercheurs-sauveteurs de l’armée israélienne a été dépêchée au Brésil afin de prêter main forte aux équipes locales, qui étaient à la recherche de centaines de personnes disparues après l’effondrement d’un barrage.
Les liens entre Israël et le Brésil se sont resserrés depuis l’élection de Bolsonaro l’an dernier.
Les incendies continuaient de faire rage lundi dans l’Amazonie brésilienne, malgré le déploiement d’avions bombardiers d’eau, de pompiers et de soldats pour lutter contre les gigantesques feux.
L’Amazonie, dont 60 % de la surface se trouve au Brésil, s’étend aussi en Bolivie, Colombie, Equateur, Guyane française, Guyana, au Pérou, au Suriname et au Venezuela.
Sous la pression internationale, le Brésil a fini enfin par entrer en action dimanche en Amazonie, deux avions C-130 Hercules larguant les premières dizaines de milliers de litres d’eau au-dessus de la forêt tropicale où le nombre d’incendies progressait.
Première action concrète du gouvernement : deux C-130 Hercules capables de larguer 12 000 litres d’eau et de produit retardant ont été déployés par la Force aérienne brésilienne (FAB), a annoncé le ministère de la Défense.
Ces bombardiers d’eau opèrent à basse altitude à partir de Porto Velho, la capitale de l’Etat de Rondônia (nord-ouest), qui s’est encore réveillée sous un inquiétant couvercle de fumée.
Des manifestations ont eu lieu dans diverses villes brésiliennes en défense du « poumon de la planète », tandis que les pays du G7 annonçaient une aide à l’Amazonie « le plus vite possible ».
Le président Jair Bolsonaro, auquel l’allié américain a offert son aide, a remercié dans un tweet non pas le G7 mais « les dizaines de chefs d’Etat qui (…) vont nous aider à surmonter la crise qui n’a d’intérêt que pour ceux qui veulent affaiblir le Brésil ».
Il a à cet égard annoncé dans la soirée avoir accepté la proposition d’Israël de fournir un avion dans le cadre de la lutte contre les incendies.
Peu après, tandis que la sphère bolsonariste se déchaînait sur Twitter contre Emmanuel Macron, le ministre de l’Education Abraham Weintraub traitait de « crétin opportuniste » le président français, qui a été en pointe dans les pressions sur Jair Bolsonaro pour qu’il agisse en Amazonie.
« Macron n’est pas à la hauteur de ce débat (sur l’Amazonie, ndlr). C’est juste un crétin opportuniste qui cherche le soutien du lobby agricole français », a écrit le ministre Abraham Weintraub, en référence à l’opposition du président français à l’accord de libre-échange UE-Mercosur. Le terme utilisé en portugais (« calhorda »), très loin des usages diplomatiques, n’a pas d’exact équivalent en français mais se trouve à la croisée de « tricheur », « crétin » et « connard ».
« La France est un pays d’extrêmes. Elle a produit des hommes comme Descartes ou Pasteur, mais aussi les volontaires de la Waffen SS Charlemagne », écrit M. Weintraub en référence à la Division Charlemagne du régime nazi intégrée par des engagés volontaires français.
Au milieu d’une rafale de tweets, le ministre de l’Education poursuit : « Ils ont choisi un président sans caractère » et « il faut attaquer ce crétin de Macron ».
Olavo de Carvalho, écrivain et « gourou » de Jair Bolsonaro, exilé aux Etats-Unis, a de son côté forgé sur Twitter le nom de « Macrocon », au moment où la sphère bolsonariste se déchaîne contre le président français.
Le fils de Jair Bolsonaro, Eduardo – député fédéral et possible prochain ambassadeur du Brésil à Washington – avait retweeté vendredi une vidéo de violentes manifestations de gilets jaunes en France avec le texte : « Macron est un idiot ».
Dans la capitale Brasilia, une quarantaine de personnes ont manifesté contre M. Macron devant l’ambassade de France.
Bolsonaro a même été jusqu’à réagir à un post qui se moquait du physique de la première Dame française – apparaissant sur une photo désavantageuse – en le comparant à celui de Michelle Bolsonaro (37 ans), rayonnante le jour de l’investiture de son mari.
« Vous comprenez maintenant pourquoi Macron persécute Bolsonaro ? », lit-on à côté de photos des deux couples présidentiels. « C’est la jalousie (…) de Macron, je parie », écrit l’internaute, Rodrigo Andreaça. « N’humilie pas le type – MDR (« mort de rire »), a répondu en commentaire le président Bolsonaro en référence à son homologue français. Interrogé par l’AFP sur le fait de savoir si ce post avait été publié par le chef de l’Etat lui-même, un porte-parole du palais présidentiel de Planalto a simplement répondu : « Nous ne faisons pas de commentaire ».
A Rio de Janeiro, quelque 2 000 personnes ont eux protesté dans le quartier d’Ipanema, deux jours après les manifestations en Europe. « Bolsonaro va-t’en, Amazonie reste ! » scandaient-elles.
Un protestataire était équipé d’un masque à gaz, déguisé en arbre avec un feuillage fourni, des animaux en peluche et une pancarte clamant : « Vive la nature ! »
« On est en train de détruire la nature », a dit à l’AFP Teresa Correa, de l’Etat amazonien du Para. « La situation a empiré depuis que Bolsonaro est devenu président (en janvier), il veut tout détruire ».
« Cela fait 20 ans que j’habite ici et j’ai vu beaucoup d’incendies », a dit à l’AFP Welis da Claiana, une habitante de cette ville, « mais je n’ai jamais rien vu de tel ».
Le nombre d’incendies a augmenté de 1 130 dans tout le Brésil en 24 heures, selon l’Institut national de recherche spatiale (INPE). Les derniers chiffres arrêtés samedi soir font état de 79 513 feux de forêt depuis le début de l’année dans ce pays, dont un peu plus de la moitié en Amazonie.
Au-dessus de Rondônia, un Etat frontalier de la Bolivie, des feux de forêt envoient des colonnes de fumées avec leurs énormes quantités de carbone, ont constaté des journalistes de l’AFP.
Parfois, un seul arbre resté debout au milieu d’un paysage de cendres, mais totalement calciné, témoigne de la destruction en marche dans la plus grande forêt tropicale de la planète.
Jusqu’à présent, sept Etats, dont celui de Rondônia, ont fait appel à l’armée. Quelque 43 000 soldats basés en Amazonie sont disponibles pour combattre les incendies, a déclaré le ministre de la Défense Fernando Azevedo e Silva.
Les gouverneurs des Etats touchés ont demandé d’urgence un « soutien matériel » à Jair Bolsonaro qui les avait accusés cette semaine de « connivence » avec les auteurs d »‘incendies criminels ».
Le gouvernement a débloqué des fonds d’urgence de 38 millions de réais (8,2 millions d’euros) pour les opérations de lutte contre l’incendie effectuées par le ministère de la Défense.
Le ministre de la Justice et de la Sécurité publique, Sergio Moro, a donné son feu vert au déploiement d’effectifs policiers contre la destruction illégale de forêts en Amazonie.
Les incendies ont provoqué une vive émotion sur la scène internationale. Dimanche, le pape François s’est dit « inquiet » pour « ce poumon vital pour notre planète ».
Au sommet du G7 à Biarritz (sud-ouest de la France), les sept pays occidentaux les plus industrialisés se sont dits dimanche d’accord pour « aider le plus vite possible les pays frappés par les feux ».
« Il y a une vraie convergence pour dire ‘on se met tous d’accord pour aider le plus vite possible les pays qui sont frappés par ces feux' », a rapporté le Emmanuel Macron.
Samedi, le président Bolsonaro avait posté une vidéo sur Twitter dans laquelle il clame « une tolérance zéro » pour les crimes environnementaux et affirme : « nous allons agir fermement pour contrôler les incendies en Amazonie ».
Il assure toutefois que les « incendies cette année ne sont pas plus nombreux que la moyenne de ceux des 15 dernières années » et fustige « l’utilisation politique de ces incendies » et « la désinformation ».
Il y a quelques jours, il avait provoqué un tollé en évoquant ses « soupçons » sur une responsabilité des ONG dans les incendies.
Derrière les feux en Amazonie, l’appétit mondial pour le boeuf et le soja brésilien
La déforestation accélérée sous le gouvernement de Jair Bolsonaro qui encourage les cultures et l’élevage bovin (forts consommateurs d’engrais nuisibles à l’environnement) en Amazonie, corrélée à la saison sèche, explique l’ampleur de ces incendies.
De la viande bovine et du soja OGM, achetés goulûment dans le monde entier : voilà les activités agricoles qui rongent l’Amazonie et, selon tous les chercheurs, expliquent la dramatique multiplication des incendies.
« L’élevage bovin extensif est le principal facteur de déforestation de l’Amazonie. Un peu plus de 65% des terres déboisées en Amazonie sont aujourd’hui occupées par des pâturages », explique Romulo Batista, chercheur chez Greenpeace.
Le Brésil est le premier exportateur mondial de boeuf. Ses exportations de viande bovine ont atteint en 2018 le record de 1,64 million de tonnes (source: Association des industries exportatrices de viande au Brésil). Les principaux marchés sont la Chine, suivie de l’Egypte, puis de l’Union européenne.
Derrière cette première place, un peu plus de vingt ans de croissance plus que spectaculaire. Entre 1997 et 2016, par exemple, le pays a tout simplement multiplié par 10 ses exportations de viande bovine (en poids comme en valeur).
Le marché est dominé par trois mastodontes : JBS, Minerva et Marfrig.
Les activités agricoles occupent quant à elles près de 6,5 % de la surface déboisée.
Déjà premier exportateur mondial de soja devant les Etats-Unis, le Brésil a exporté un record de 83,3 millions de tonnes en 2018, soit 22,2% de plus qu’en 2017, selon le ministère brésilien de l’Economie.
Cette performance s’explique surtout par l’appétit de la Chine, premier client du soja brésilien, majoritairement OGM: la guerre commerciale qui oppose Pékin et Washington depuis près d’un an a conduit l’Empire du Milieu à acheter davantage au Brésil pour nourrir son bétail.
Les exportations de soja brésilien vers la Chine ont fait un bond de près de 30 % l’an dernier.
Le soja était l’une des principales cultures à grignoter du terrain sur la forêt amazonienne. Mais depuis un moratoire entré en vigueur en 2006, « moins de 2 % du soja planté en Amazonie provient de zones déboisées après 2008 », précise M. Batista.
L’Europe aussi achète du soja brésilien, qui y sert surtout à l’alimentation animale, selon Greenpeace. L’ONG avait dénoncé en juin une « addiction » européenne à ces exportations de soja venus d’Amérique du sud, utilisées en particulier pour les élevages industriels de volaille et porc.
Principale production céréalière du Brésil, le soja a connu une incroyable ascension dans les années 1970, avec la migration de producteurs du sud vers le centre-ouest du Brésil, le développement de nouvelles techniques de culture et l’usage de pesticides.