Après 11 jours, les grévistes de la faim continuent à porter la cause des otages israéliens
"Nous ne pouvons pas être - et nous ne sommes pas - une société plus heureuse de tuer ses ennemis que de sauver ses enfants", a commenté le rabbin Avidan Freedman, l'un des jeûneurs
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
En signe de protestation contre l’incapacité du gouvernement à obtenir la remise en liberté des otages israéliens détenus dans les geôles du Hamas depuis un an, un groupe d’activistes a entamé une grève de la faim dans le cadre d’initiatives plus larges qui visent à conserver l’attention du public sur le sort réservé aux captifs.
À l’initiative d’Orna Shimoni, 83 ans, une militante israélienne anti-guerre, ce sont quatorze militants qui sont actuellement en grève de la faim. Ils se sont installés devant la Knesset au cours des deux dernières semaines pendant leur jeûne forcé.
« Nous avons entamé une grève de la faim pour faire entendre la voix de ce que nous pensons être la majorité des citoyens israéliens, pour dire que le gouvernement israélien doit faire tout ce qui est en son pouvoir pour rapatrier les otages, pour que tous ceux qui sont encore en vie puissent être réintégrés et pour que ceux qui ne le sont plus puissent avoir droit à une inhumation digne », a déclaré le rabbin Avidan Freedman.
Le rabbin Freedman en est actuellement au 11e jour de sa grève de la faim – d’autres ont commencé plus tard. Lui et les autres ne mangent pas, mais ils boivent de l’eau et d’autres liquides pour rester en bonne santé.
« Je me sens fort, je me sens bien. Ce que vivent les otages est bien pire », a noté le rabbin, qui est éducateur et directeur de l’organisation Yanshoof, qui fait campagne contre les ventes d’armes israéliennes à des pays dont le bilan en matière de droits de l’Homme est médiocre.
Freedman explique qu’il est essentiel de ramener les otages – parce que cela fait partie de l’éthique fondatrice d’Israël « de se soucier davantage de nos vies que de tuer nos ennemis » et que cet objectif doit être une priorité absolue.
« Si nous devenons une société qui se soucie davantage de tuer des ennemis que de sauver des vies, les vies de citoyens qui ont été abandonnés, que le gouvernement n’a pas su protéger, non seulement les vies de soldats mais aussi celles de citoyens arrachés à leur sommeil alors il s’agira d’une violation majeure de ce qui, je pense – comme le considère également la majorité des citoyens israéliens – est le contrat fondamental entre non seulement un gouvernement et ses citoyens, mais aussi l’éthique fondamentale de la société israélienne », a expliqué le rabbin.
« Ce qui nous donne du pouvoir et de la force – plus que la puissance militaire – c’est notre solidarité et notre volonté de nous entraider et de nous sacrifier les uns pour les autres, c’est le fait que nous formions une famille », a-t-il poursuivi, affirmant que ne pas rapatrier les otages au sein de l’État juif constituerait une « violation fondamentale » de cette famille.
Répondant aux affirmations faites par le Premier ministre Benjamin Netanyahu et d’autres membres du gouvernement – qui déclarent que ce n’est pas Israël mais le Hamas qui empêche la finalisation d’un accord – Freedman a insisté sur le fait que c’était bien le gouvernement israélien qui avait « torpillé plusieurs occasions » de parvenir à un accord avec le Hamas qui aurait ouvert la porte à la libération des otages.
Il a reconnu que l’administration Biden avait fait remarquer que le Hamas se refusait obstinément à conclure un accord, mais il a affirmé que le groupe terroriste palestinien avait accepté l’accord présenté par le président américain Joe Biden le 27 mai – et que c’était Netanyahu qui avait ensuite insisté sur des changements dans le cadre de la proposition.
Il a également noté que Biden lui-même avait déclaré que Netanyahu n’en faisait pas assez pour parvenir à un accord.
« Il est évident qu’il existe des forces, au sein de la coalition, qui s’opposent à tout accord prévoyant la libération de terroristes, ce qui est le cas de tous les accords », a dit Freedman qui a accusé le Premier ministre de « jouer un jeu » dans le but d’éviter que ses partenaires de la coalition ne renversent le gouvernement.
« Nous ne pouvons pas être – et nous ne sommes pas – une société qui est plus heureuse de tuer ses ennemis que de sauver ses enfants », a continué Freedman, qui a dit craindre que l’opération terrestre de cette semaine au Liban et l’attaque aux missiles lancée par l’Iran, mardi, ne renvoient la question des otages au second plan dans l’esprit des Israéliens.
« Ils nous attendent, ils vivent depuis 361 jours en captivité et ils prient chaque jour pour que nous les sauvions », a-t-il souligné.
97 des 251 otages enlevés par le Hamas le 7 octobre, selon les estimations, se trouvent toujours à Gaza – y compris les corps de 33 otages dont le décès a été confirmé par l’armée. 105 civils ont été libérés au cours d’une trêve d’une semaine à la fin du mois de novembre, et quatre otages ont été remis en liberté avant la trêve. Huit otages, dont une soldate, ont été secourus vivants par les forces israéliennes, et les corps de 37 otages ont également été récupérés, dont trois ont été tués par erreur par l’armée lors d’un incident tragique en décembre.
Le Hamas détient par ailleurs les corps des soldats de Tsahal Oron Shaul et Hadar Goldin depuis 2014, ainsi que deux civils israéliens, Avera Mengistu et Hisham al-Sayed, qui sont tous deux censés être en vie après être entrés dans la bande de Gaza de leur propre chef en 2014 et 2015 respectivement.