Israël en guerre - Jour 425

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Après avoir perdu espoir, des rescapés du sud commencent à pencher vers la droite

Les civils qui ont participé aux pillages du Hamas en Israël le 7 octobre ont montré leur vrai visage, dit un survivant de Nir Oz qui ne croit plus à la possibilité d'une conciliation

Irit Lahav dans sa maison temporaire à Kiryat Gat le 14 février 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)
Irit Lahav dans sa maison temporaire à Kiryat Gat le 14 février 2023. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

Irit Lahav, militante pacifiste de Nir Oz, où un habitant sur quatre a été tué ou kidnappé, affirme qu’elle n’a pas été surprise que les terroristes du Hamas qui ont envahi son kibboutz le 7 octobre voulaient assassiner toutes les personnes qui s’y trouvaient.

Déjà avant le massacre, Irit Lahav ne se faisait pas d’illusions sur le Hamas. Comme beaucoup d’autres kibboutznikkim et moshavnikkim plus tolérants situés près de la frontière avec Gaza, elle avait déjà remarqué que le groupe prenait délibérément les civils pour cible, en tirant notamment des roquettes sur des zones résidentielles aux heures où ils savaient pouvoir faire le plus de victimes.

Elle était néanmoins convaincue que les actions du Hamas étaient distinctes et non représentatives des souhaits de la majorité silencieuse des membres de la société civile palestinienne – des gens ordinaires et honnêtes qui, pensait-elle, se préoccupaient avant tout de subvenir aux besoins de leurs enfants et d’améliorer leur propre vie dans des circonstances difficiles.

Cette conviction a été ébranlée le 7 octobre par ce qu’elle appelle « des centaines de civils, dont des femmes et des enfants, qui ont emboité le pas » aux terroristes qui envahissaient les communautés israéliennes, pour célébrer et participer au pillage, au saccage et à la destruction des communautés israéliennes.

« Jamais je ne l’aurais imaginé », a déclaré Lahav.

Au lendemain du 7 octobre, Lahav et d’autres Israéliens, qui soutenaient et militaient en faveur de compromis territoriaux avec les Palestiniens comme moyen de parvenir à la paix, se disent aujourd’hui contraints de reconsidérer leur point de vue.

« Je pensais que les Palestiniens étaient des gens bien, comme vous et moi. Et que le Hamas était une bande de voyous qui empêchait son peuple d’aspirer à une vie décente : une jolie maison, une belle voiture, un bon emploi, un beau jardin, de bonnes écoles pour les enfants ». Lahav s’exprime depuis le logement provisoire qu’elle partage avec sa fille Lotus, un nouvel appartement de trois chambres au cinquième étage d’un projet résidentiel à Kiryat Gat où de nombreux survivants de Nir Oz ont été relogés.

« Après le 7 octobre, j’ai réalisé que j’avais tort. Tout comme le gouvernement israélien représente les Israéliens, le Hamas représente les habitants de Gaza ».

Pour Lahav, une agente de voyage qui faisait partie d’un groupe de bénévoles conduisant les Palestiniens de Gaza qui nécessitaient des soins et des traitements médicaux vers les hôpitaux en Israël, pense aujourd’hui que « tous les habitants de Gaza, tous, nous haïssent à un point tel qu’ils sont prêts à assassiner des bébés et à piller nos maisons sans le moindre scrupule. »

Un Palestinien et ses enfants assis dans la voiture d’un bénévole de Road to Recovery, un groupe israélien qui conduit les Palestiniens Israël pour leur permettre d’être soignés. (Crédit : Road to Recovery)

Road to Recovery, une organisation non gouvernementale (ONG) israélienne qui aide les Palestiniens à se faire soigner en Israël, reste opérationnelle, même si, depuis le 7 octobre, ses bénévoles n’amènent plus que des patients de Cisjordanie, parce qu’Israël ne délivre plus d’autorisations d’entrée à partir de la bande de Gaza. « Ce n’est pas facile, mais je veux continuer à me sentir humaine », a expliqué Yael Noi, la directrice de l’ONG, à la Douzième chaîne (en hébreu) en décembre.

Remise en question

Au kibboutz Gvulot, à environ 13 kilomètres de la frontière avec Gaza, Bella Shoah, une survivante de la Shoah dont le petit-fils, Yotam Haim, a été enlevé à Gaza puis tué par erreur par l’armée israélienne, « réévalue également la situation », a-t-elle déclaré lors d’une réunion le mois dernier avec des délégués de la Conférence des présidents des principales organisations juives américaines.

Bella Haim, la grand-mère de Yotam Haïm, tué par des soldats israéliens après avoir échappé des mains du Hamas, dans la bande de Gaza, s’exprime lors d’une conférence donnée pour la Journée internationale de la Shoah à la Knesset, le 30 janvier 2024. (Crédit : Chaim Goldberg/Flash90)

« Avant, j’allais à tant de manifestations pour la paix et la coexistence. Et maintenant, je suis à la croisée des chemins en ce qui concerne mes croyances. Le 7 octobre a tout changé et je cherche encore la juste voie », a-t-elle confié.

Le paillasson de Shahar Shnorman, au kibboutz Kfar Aza, où des terroristes ont tué plus de 60 personnes, porte encore l’inscription « bienvenue » en arabe.

Ce militant pacifiste de longue date, l’un des trois seuls habitants à vivre dans la communauté évacuée, pense que les habitants de Gaza devraient être autorisés à retourner dans les maisons qu’ils ont fuies lorsqu’Israël a lancé sa campagne militaire, toujours en cours, pour renverser le Hamas dans la bande de Gaza. Il ne veut pas que l’espace vital de la petite enclave soit dévoré par une zone tampon et s’oppose à une réoccupation israélienne.

Shnorman croit toujours qu’une solution diplomatique au conflit est possible, mais il pense que le moment n’est pas encore propice et il soutient la campagne militaire d’Israël, a-t-il expliqué. Une fois la campagne terminée, Israël devrait, selon lui, adopter une politique de représailles sévères pour toute violation de la « frontière rigide » qu’il souhaiterait voir tracée entre Israël et le territoire palestinien.

Shahar Shnorman et Ayelet Cohen prenant un café dans leur maison, au kibboutz Kfar Aza, le 25 janvier 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

Dans les régions plus éloignées de la frontière de Gaza, des membres de l’élite culturelle, qui penchent généralement à gauche, se trouvent confrontés à des dilemmes similaires.

Au début du mois, Idan Raichel, l’un des musiciens les plus en vue du pays et ardent défenseur de la coexistence entre Arabes et Juifs, a déclaré dans une interview au quotidien Yedioth Ahronoth que « la guerre a rendu impossible de ne pas se tourner vers la droite. Même pour les gauchistes ». Il a cité « les terroristes qui sont entrés dans les chambres d’enfants, lieu d’innocence, les viols, les tortures, les enlèvements ».

Ivri Lider, un autre musicien connu et défenseur des droits des homosexuels, a indiqué que, depuis que la guerre a éclaté, il ne pourrait plus écrire les paroles « an enemy may actually be a friend » (un ennemi peut en fait être un ami), qui figurent dans l’une de ses chansons.

Le 7 octobre, a-t-il expliqué à Walla, « complique de manière considérable le désir fondamental de dialogue, de rapprochement et de coexistence dans le respect et la dignité réciproques ».

La chanteuse Achinoam Nini, connue sous le nom de Noa à l’étranger, a contesté les propos de Raichel sur Facebook. Nini, une militante de gauche qui, par le passé, a attribué les attaques terroristes palestiniennes (en hébreu) au racisme présumé des Israéliens, a fait valoir que l’on peut ressentir de la douleur en tant qu’Israélien « tout en pleurant pour les nombreux innocents de l’autre côté et tendre la main pour les aider », a-t-elle écrit. « Ne condamnez pas des millions de personnes à la mort d’un simple geste de la main, même si vos yeux sont inondés de larmes chaque jour, chaque heure. »

Idan Raichel (à gauche) et Emma Shapplin, en duo, en 2019 à Tel Aviv. Shapplin sera de retour à Tel Aviv le 31 janvier 2023 (Capture d’écran YouTube)

Une vision de coexistence réduite

Comme de nombreux autres Israéliens, Lahav est encore en train de mesurer l’impact de sa nouvelle vision du monde sur ses convictions, confie-t-elle depuis son appartement de Kiryat Gat. Les coins ensoleillés sont occupés par ses plantes préférées de son jardin de Nir Oz, qu’elle a récupéré et dont elle s’occupe après des semaines de négligence à la suite de l’évacuation précipitée des résidents survivants le 7 octobre. Au mur est accrochée une tapisserie tibétaine ornée, offerte par le Dalaï Lama lorsqu’elle vivait dans son temple bouddhiste de Dharamsala, en Inde.

Cinq mois plus tôt, alors qu’elle se cachait avec sa fille dans la pièce sécurisée de sa maison, Lahav a entendu des jeunes garçons de Gaza piller leur résidence. Sa voisine a raconté qu’elle avait entendu une femme chanter doucement tout en fouillant la maison de sa voisine à la recherche d’objets à voler. Un autre voisin dit avoir entendu au moins un enfant parler en arabe. Parmi les objets volés à Nir Oz il y avait des lunettes de soleil, des appareils électroniques, des bijoux et même des sous-vêtements féminins.

Pour Lahav, qui est par ailleurs opposée aux implantations en Cisjordanie, il est hors de question de rétablir une présence israélienne dans la bande de Gaza. Mais sa vision de la coexistence a été réduite à une version dépouillée de ce à quoi elle aspirait autrefois, a-t-elle confié.

« Nous vivrons ici, ils vivront là-bas, avec une barrière solide et des représailles militaires sévères pour toute rupture de la paix », a-t-elle résumé.

Le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir en visite avec le maire adjoint de Jérusalem Aryeh King avant les prochaines élections municipales, au marché de Mahane Yehuda, à Jérusalem, le 23 février 2024. (Credit : Chaïm Goldberg/Flash90)

Elle n’est pas impatiente de reprendre son travail bénévole et d’emmener des habitants de Gaza se faire soigner en Israël, pas plus qu’elle n’est impressionnée par les images de dévastation en provenance de Gaza, a-t-elle indiqué. « Je ne crois pas un mot de ce qu’ils disent. Ni le nombre de morts, ni les images », a-t-elle déclaré. « Je sais que l’armée israélienne évite de tuer des civils dans la mesure du possible et je ne crois pas au chiffre de 30 000 morts avancé par le Hamas.

Ce chiffre provient de statistiques non vérifiées émanant de sources du Hamas à Gaza, qui ne font pas de distinction entre les civils et les combattants. Israël affirme avoir tué quelque 13 000 terroristes du Hamas.

Les images prises par les troupes israéliennes à Gaza ont poussé Lahav à réajuster sa perception des conditions de vie dans la région avant la guerre. « Quand je pensais à Gaza, j’imaginais des enfants pieds nus sur des chemins de terre. C’est le genre d’image que nous avions l’habitude de voir de là-bas. Aujourd’hui, les soldats nous montrent de belles rues pavées. Des immeubles résidentiels construits en hauteur. Rien n’était vrai ! Ils ont fait venir les médias étrangers sur leurs sets de cinéma. Je ne crois aujourd’hui plus à aucune des vidéos qu’ils nous montrent », déclare Lahav.

Un des bâtiments de Kiryat Gat où logent les survivants du kibboutz Nir Oz, photographié ici le 3 janvier 2024. (Crédit : Canaan Lidor/Times of Israel)

Elle n’était pas très enthousiaste à l’idée d’abandonner les sentiers bucoliques de son kibboutz pour un immeuble de Kiryat Gat. Cette ville ouvrière mizrahi, où les partis de gauche n’ont recueilli que 13 % des voix lors des dernières élections, est bien loin du milieu libéral dans lequel elle évoluait auparavant. Mais l’ancienne participante régulière aux rassemblements de protestation contre le gouvernement de droite du Premier ministre Benjamin Netanyahu n’a que du bien à dire de ses anciens rivaux politiques.

« Pendant près d’un an, les gens de droite de ce pays ont parlé de nous, les kibboutznikkim, avec dégoût, comme si nous étions des élites libérales ashkénazes choyées », a-t-elle déclaré. Mais après le 7 octobre, « ces mêmes personnes ont été bouleversées par ce qui nous est arrivé. Ils nous ont accueillis à Kiryat Gat de la manière la plus extraordinaire qui soit », a-t-elle ajouté.

Lahav garde l’espoir d’une véritable réconciliation israélo-palestinienne, mais pour l’instant, elle doute que ceux avec qui elle a autrefois essayé de promouvoir la paix soient prêts à le faire dans un avenir proche.

« Tant que leurs spectacles scolaires montreront des ‘martyrs’ tuant des Juifs, il n’y aura pas d’avancée », a-t-elle déclaré. « Tout changement me semble donc incertain et lointain. »

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