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Après le gel des transferts d’armes, Biden est critiqué par la communauté pro-Israël des États-Unis

Les groupes juifs et les politiciens dénoncent le président qui, citant le nombre élevé de victimes civiles à Gaza et l'offensive lancée à Rafah, a décidé de suspendre des livraisons de bombes à Israël

Le président Joe Biden avant d'embarquer à bord d'Air Force One à la base aérienne Andrews, dans le Maryland, le 9 mai 2024. (Crédit : AP/Alex Brandon)
Le président Joe Biden avant d'embarquer à bord d'Air Force One à la base aérienne Andrews, dans le Maryland, le 9 mai 2024. (Crédit : AP/Alex Brandon)

WASHINGTON (JTA) — John Kirby, le porte-parole du Conseiller à la sécurité nationale américain qui est devenu, pendant le conflit opposant l’État juif au Hamas, le visage de l’affection portée par l’administration Biden à l’égard d’Israël, a tenu à le dire : Non, Joe Biden n’est pas défavorable à Israël.

« Les arguments qui laissent entendre que nous prendrions nos distances avec Israël ne tiennent pas face aux faits », a indiqué Kirby, jeudi, lors d’une conférence de presse téléphonique avec les journalistes, d’une voix passionnée.

Kirby s’exprimait vingt-quatre heures après la confirmation apportée par le président américain à une information déterminante : celle qu’il suspendait la livraison de bombes à Israël au moment où les soldats israéliens se préparaient à entrer à Rafah, la ville située à la frontière entre Gaza et l’Égypte qui serait, selon Jérusalem, le dernier bastion majeur du Hamas. Dans un entretien accordé à CNN, le président indiquait également qu’il n’approuverait plus de transfert d’armes offensives à l’État juif si ce dernier devait envahir Rafah.

« Des civils ont été tués à Gaza en conséquence de ces bombes et en conséquence des autres moyens qui ont été utilisés par Israël dans des centres de population », a-t-il dit au journaliste. « J’ai établi clairement que si les Israéliens entrent à Rafah… Je ne fournis pas les armes qui ont été utilisées jusqu’à présent pour s’attaquer à Rafah, pour s’attaquer aux villes, pour s’attaquer au problème », a-t-il ajouté.

La décision prise par Biden a entraîné la consternation chez de nombreuses personnalités pro-israéliennes, et elle a été immédiatement exploitée par des Républicains soucieux de courtiser le vote juif.

Ces propos indiquent aussi autre chose : que le président risque dorénavant de perdre sa réputation pro-israélienne, une réputation qu’il s’est forgée au fil de plusieurs décennies, dont il tire une fierté personnelle et sur laquelle il espérait s’appuyer au cours d’une année électorale. Certains ont laissé entendre qu’il pourrait perdre le soutien des donateurs et des électeurs juifs.

« Retarder ces transferts d’armes à Israël est dangereux », a commenté l’American Israel Public Affairs Committee (AIPAC) dans un message qui a été adressé en urgence à ses membres. « L’Amérique doit continuer à se tenir fermement aux côtés de notre allié, Israël, alors qu’il œuvre aujourd’hui à vaincre le Hamas et à défendre ses citoyens ».

Le message a marqué un tournant dans la communication qui a été celle du lobby pro-israélien depuis l’assaut meurtrier commis par le Hamas dans le sud d’Israël, le 7 octobre – l’AIPAC mentionnant de manière répétée les antécédents pro-israéliens du président américain.

Abe Foxman, le directeur national à la retraite de l’Anti-Defamation League (ADL), qui avait renoncé à la politique traditionnellement non-partisane de l’organisation en faisant campagne pour Biden, en 2020, a estimé que Biden s’était dorénavant mis en danger dans sa campagne à la réélection – au moins parmi les électeurs juifs, qui accordent depuis longtemps leur préférence au parti Démocrate.

Le conseiller en communication pour la sécurité nationale de la Maison Blanche, John Kirby, s’exprimant lors de la conférence de presse quotidienne, à la Maison Blanche, à Washington, le 4 avril 2024. (Crédit : Olivier Douliery/AFP)

« J’espère que cette réponse à ce qui est arrivé hier vous transmettra un message, celui que ce ne sont pas seulement les Républicains qui vous critiquent mais aussi des Démocrates », a déclaré Foxman au cours d’une interview. « Les ventes d’armes en temps de guerre sont une ligne rouge pour la majorité des Juifs américains aujourd’hui, qu’ils soient de droite, du centre et même de gauche. Le seul moyen pour régler le problème est de revenir sur votre décision ».

Un avertissement dont Haïm Saban, magnat américano-israélien du divertissement et donateur majeur du parti Démocrate, s’est fait l’écho, semblant laisser entendre que le soutien apporté par les Juifs à sa campagne pourrait s’assécher. Il a aussi accusé le président de faire la course aux votes.

« N’oublions pas qu’il y a plus de donateurs juifs qui s’inquiètent d’Israël que d’électeurs musulmans qui s’inquiètent pour le Hamas », a-t-il écrit dans un courriel adressé à Biden dont le contenu a beaucoup circulé sur les réseaux sociaux. « Une mauvaise… mauvaise… mauvaise décision à tous les niveaux ».

Plusieurs groupes juifs ont, eux aussi, dénoncé cette initiative de suspendre les livraisons d’armes et ils ont déploré les nouvelles tensions apparaissant dans les liens établis entre Jérusalem et Washington.

Des militants anti-guerre manifestant devant le bureau du sénateur Cory Booker, dans le Hart Senate Office Building, alors que la Chambre, contrôlée par les Républicains, a approuvé un programme d’aide militaire partisan de 14,5 milliards de dollars pour Israël, au Capitole, à Washington, le 3 novembre 2023. (Crédit : J. Scott Applewhite/AP Photo)

La décision prise par Biden « sape notre allié Israël ; échoue à exercer de réelles pressions sur le Hamas et encourage le terrorisme tout en dynamisant le Hezbollah et l’Iran, spécialistes d’un antisémitisme toxique et d’un anti-sionisme enragé », a commenté l’ADL.

Les Jewish Federations of North America (JFNA), une organisation-cadre des organisations juives américaines, se sont inquiétées de ce que ce tournant, dans la politique américaine, ne vienne aider le Hamas dans les négociations délicates dont l’objectif est de garantir la remise en liberté des otages qui avaient été kidnappés en Israël, le 7 octobre, et qui sont depuis détenus à Gaza.

« Une fissure entre les États-Unis et Israël, du point de vue militaire, renforce le Hamas et les forces soutenues par l’Iran dans la région ; elle encourage leur tactique de temporisation et elle met en danger les otages en affaiblissant la force de négociation d’Israël à un moment particulièrement critique », ont-elles déclaré dans un communiqué.

Nathan Diament, directeur de la branche de Washington de l’Orthodox Union, a indiqué que les propos tenus par Biden venaient aussi saper les affirmations qu’il avait faites lors de la Journée de commémoration à la Shoah au Capitole, mardi dernier, lorsqu’il avait promis de conserver la mémoire du 7 octobre vivante et de continuer à apporter un soutien « sans faille » à Israël.

« Hier, j’ai salué Biden pour son discours », a-t-il écrit. « La menace faite aujourd’hui de suspendre les livraisons d’armes à destination d’Israël trahit cette vérité ».

De la fumée s’élève après une frappe israélienne à l’Est de Rafah, dans le sud de la bande de Gaza, le 7 mai 2024. (Crédit : AFP)

L’organisation US Israel Education Association, un groupe pro-israélien qui travaille avec le Congrès, a critiqué Biden au vu des 14 milliards de dollars d’aide militaire américaine qui ont été récemment approuvés au Congrès.

« [Biden] revient aujourd’hui sur son soutien à Israël à un moment déterminant dans l’effort de guerre. Ce refus de venir en aide à l’un des alliés les plus importants de notre nation, en particulier alors qu’il livre une guerre existentielle, est perturbant ».

Mais Biden a obtenu l’appui d’au moins un responsable élu juif de premier plan, connu pour son soutien à Israël : celui du sénateur Chuck Schumer, représentant démocrate de New York et leader de la majorité au sénat, qui a confié à The Hill : « Je crois qu’Israël et l’Amérique ont une relation sans faille et je crois également en ce que l’administration Biden est en train de faire ».

Truah, un groupe juif de gauche, a aussi fait l’éloge de la décision prise par Biden. Le groupe a ainsi écrit sur X que « nous sommes heureux de voir les États-Unis prendre au sérieux la responsabilité qui est la leur et qui est celle de garantir que l’aide militaire accordée à Israël ne soit pas utilisée en violation de la loi américaine et du droit international ».

Le président américain avait férocement pris la défense de l’État juif dans les jours et dans les mois qui avaient suivi le 7 octobre – quand les terroristes du Hamas avaient déclenché la guerre en massacrant près de 1 200 personnes dans le sud d’Israël et en kidnappant 252 personnes, qui avaient été prises en otage dans la bande de Gaza. Mais il avait aussi exprimé une inquiétude de plus en plus forte alors que l’armée israélienne lançait des ripostes massives qui, selon le ministère de la Santé dirigé par le Hamas à Gaza, ont entraîné la mort de plus de 34 000 personnes, détruit de larges pans de l’enclave et laissé la population plongée dans une crise humanitaire dure.

Le bilan avancé par le Hamas, à Gaza, ne peut pas être vérifié de manière indépendante et il comprend à la fois les victimes civiles et les terroristes des factions palestiniennes tuées dans les combats. L’État juif, de son côté, dit avoir abattu environ 13 000 hommes armés du Hamas dans la bataille.

Pendant toute sa carrière, Biden a placé son attachement à Israël au centre de son identité politique. Il déclare être profondément sioniste et il dit l’avoir été depuis son enfance – depuis que son père, catholique, avait salué l’établissement d’Israël, qu’il avait qualifié de miracle.

Le président américain Joe Biden, à droite, rencontrant le Premier ministre israélien Benjamin Netanyahu, à New York, le 20 septembre 2023 (Crédit : Susan Walsh/AP Photo)

Les critiques de Biden sont également venues des leaders israéliens.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu, dont la relation avec Biden est devenue plus précaire encore ces dernières semaines, a écrit sur X un court extrait de l’un des discours qu’il avait prononcés au début de la semaine, dans lequel il disait qu’Israël se battrait seul contre le Hamas si cela devait être nécessaire.

« Je le dis aux leaders du monde – ni les pressions, ni les décisions prises par une tribune internationale n’empêcheront Israël de se défendre », avait-il dit dans son allocution.

De son côté, le ministre des Finances d’extrême-droite, Bezalel Smotrich, a déclaré crûment que « l’opposition américaine » ne ferait que dynamiser encore davantage la campagne visant à éliminer le Hamas et le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir, qui dirige la formation d’extrême-droite Otzma Yehudit, a écrit simplement sur Twitter : « Le Hamas [aime] Biden », entraînant l’indignation au sein de l’État juif et les critiques du président Isaac Herzog.

Biden est pris au piège entre une base, au sein du parti Démocrate, qui se retourne de plus en plus contre Israël et les anxiétés d’une communauté juive qui, depuis des décennies, est restée fidèle au parti et qui soutient encore majoritairement Israël.

« Il est indubitable, dans mon esprit, que cela le met en porte à faux avec la communauté pro-israélienne plus largement », a estimé un Démocrate pro-israélien de premier plan, qui a demandé à conserver l’anonymat pour pouvoir s’exprimer franchement. « Et je le constate dans ma boîte courriel, je le constate chez les usagers de Twitter qui évoquent la possibilité de changer leur positionnement. Pour ma part, je vais voter pour lui. Mais ce n’est pas le cas pour un certain nombre d’autres ».

Les Républicains se sont saisis de cette opportunité pour tenter d’enregistrer des avancées au sein d’une communauté qui vote, dans une large majorité, pour les Démocrates.

Une femme passant devant une fresque montrant le président américain Joe Biden en superhéros de la défense d’Israël, à Tel Aviv, le 14 avril 2024. (Crédit : Leo Correa/AP)

L’ancien président Donald Trump, qui devrait être candidat à la présidence pour le parti républicain, cette année, s’en est pris, encore une fois, aux Juifs américains qui accordent leur préférence à Biden.

« Ces Juifs qui votent pour Joe Biden devraient avoir honte », a-t-il déclaré aux abords du tribunal de New York où il est actuellement jugé pour avoir falsifié des registres commerciaux. « Il a totalement abandonné Israël ».

Les leaders républicains des deux chambres, Mike Johnson, représentant de Louisiane, et le chef de la minorité du sénat, Mitch McConnell, du Kentucky, ont écrit une lettre à Biden sur le sujet. « Nous pensons que l’assistance sécuritaire à Israël est une priorité urgente qui ne doit être reportée », ont-ils écrit dans la missive.

De son côté, le sénateur Joni Ernst, républicain de l’Iowa, a parrainé un courrier rédigé par les Républicains du sénat qui ont réclamé des réponses. « Vous aviez promis que votre engagement à l’égard d’Israël était sans failles », a noté la lettre. « Faire une pause dans votre soutien militaire très nécessaire à notre allié le plus proche, au Moyen-Orient, donne un signal différent ».

Le bureau du représentant de New York Hakeem Jeffries, le leader de la minorité à la chambre, n’a pas répondu à nos demandes multiples de commentaires.

Un manifestant pro-israélien brandit un drapeau aux abords du campus de l’université de Californie du sud à Los Angeles, le 8 mai 2024. (Crédit : AP Photo/Jae C. Hong)

L’idée que Biden ait pu déclarer un embargo sur les armes livrées à Israël a mis en colère Kirby, qui a souligné de manière répétée que la suspension ne concernait que des armements limités et que les autres continueraient à être livrés.

Biden « a aussi indiqué, hier, qu’il continuera à garantir qu’Israël bénéficiera toujours des avancées militaires dont le pays a besoin pour se défendre face à ses ennemis, dont le Hamas », a-t-il asséné. « Il va continuer à fournir à Israël toutes les capacités dont le pays a besoin ».

Pourtant, aucun président n’avait jamais suspendu des livraisons d’armes à Israël comme outil de pression depuis plus de 40 ans et certaines des voix les plus favorables à Biden, dans la communauté pro-israélienne, s’en sont émues.

« Nous sommes outrés par la retenue partielle du soutien militaire américain apporté à Israël, un pays victime de menaces aiguës qui sont aujourd’hui brandies par le Hamas et par d’autres acteurs hostiles et à un moment où le partenariat entre les États-Unis et Israël devrait être à son apogée », a commenté l’Israel Policy Forum, un groupe qui prône la solution à deux États au conflit israélo-palestinien et dont le bureau est essentiellement constitué de donateurs et de soutiens du parti démocrate.

Des partisans d’Israël manifestent près du Capitole à Washington le 13 octobre 2023. (Crédit : Daniel Slim/AFP)

Michael Koplow, responsable de la politique de l’IPF, a dit que l’équipe de communication de Biden avait pris tout le monde par surprise, ce qui a permis à ses rivaux de prendre le contrôle du narratif en révélant avant tout le monde l’information de la suspension des aides. L’équipe a ensuite annoncé que cette suspension ne concernait que certaines armes.

« Il y a beaucoup trop de gens qui parlent de ce qui se passe comme s’il y avait dorénavant un embargo américain, ou même comme si les États-Unis avaient coupé tout approvisionnement en armes offensives en Israël, ce qui n’est en rien vrai », a expliqué Koplow.

Le groupe Democratic Majority for Israel, qui est à la tête d’un PAC qui a fait du soutien apporté par Biden à Israël un pilier de son travail, a expliqué être « profondément inquiet ».

« Une forte alliance entre les États-Unis et Israël, comme celle qui a été créée par le président Biden, joue un rôle central pour empêcher un plus grand nombre de guerres et pour rendre possible une éventuelle paix », a-t-il indiqué dans un communiqué. « Mettre en doute la force de cette alliance est dangereux ».

Joel Rubin, Un Juif démocrate et ancienne personnalité du Département d’État de premier plan, a indiqué que Biden avait pris en compte un électorat américain qui, depuis la débâcle de la guerre en Irak, il y a vingt ans, s’inquiète d’un conflit sans limites.

« Ce que Biden tente de forcer les Israéliens à dire, c’est : ‘Dites-nous comment terminer ça’, » estime-t-il. « La population américaine dans son ensemble le récompensera dans les sondages s’il a une vision qui nous amène à une extrémité qui nous apportera, à terme, la stabilité et le calme. C’est l’électorat qu’il vise de façon générale ».

L’équipe du Times of Israel a contribué à cet article.

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