Après le lycée et avant de s’engager, des étudiants s’activent en temps de guerre
Pour les participants à un programme de préparation à l'armée, engagés dans un large panel de tâches bénévoles sur le front intérieur, cette expérience est "unique"
Eden Mimoun, 18 ans, étudiante en année sabbatique dans le nord du Golan, a été réveillée tôt le matin du 7 octobre.
« Ma colocataire m’a réveillée et m’a dit que c’était la guerre », raconte-t-elle. « J’ai eu peur (…). Nous avions un programme pour Shabbat, mais personne ne pouvait se concentrer, c’était vraiment difficile. Mais c’était bien que nous soyons ensemble. »
Ils se trouvaient au kibboutz Amir, à sept kilomètres à peine de la frontière libanaise, et faisaient partie d’un groupe d’étudiants réunis depuis la fin du mois d’août. Ils venaient de célébrer Souccot – une fête qui dure une semaine – lorsqu’ils ont entendu tôt samedi la nouvelle de l’attaque barbare du groupe terroriste palestinien du Hamas depuis Gaza.
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Mimoun, originaire de Tel Aviv, avait immigré de France en Israël avec ses parents lorsqu’elle était enfant et parle l’hébreu avec un léger accent français. Elle est l’une des neuf élèves participant à Shvilim, un module de Mechinat Galil Elyon, l’Académie de leadership de Haute Galilée. Deux douzaines d’autres étudiants issus d’autres programmes de l’académie – l’un des nombreux programmes de préparation – ou mehina – à l’armée et d’année de césure qui sont populaires en Israël – étaient également présents.
Shvilim, qui signifie « parcours », est unique en son genre car ce programme de dix mois compte un nombre important d’étudiants juifs originaires d’Europe et des États-Unis. Il comprend des unités de formation sur la hasbara – mot hébreu pour désigner la diplomatie publique israélienne – et la culture juive à Oslo, en Norvège, ainsi qu’un mini-stage à New York. Le programme se déroule en anglais et les étudiants venus de l’étranger acquièrent des compétences en leadership, un peu d’hébreu, de la culture juive et bien d’autres choses encore, même s’ils n’ont pas l’intention de faire leur service dans les rangs de Tsahal.
Barak Kaufman, 19 ans, originaire de Palo Alto, en Californie, est venu en Israël dans le cadre de ce programme après deux années d’études de premier cycle dans son pays.
« Je suis venu pour vivre des choses qui me manquaient à l’université (…) et puis la guerre a commencé. Nous étions tous paniqués et on nous a renvoyés chez nous », raconte Kaufman.
Pour Kaufman, le « chez lui » était chez ses grands-parents, dans le centre d’Israël.
« Je me sentais inutile. Il n’y avait pas grand-chose à faire ; il y avait un peu de bénévolat, mais tous les endroits avaient suffisamment de monde. J’avais l’impression de ne pas faire grand-chose », a déclaré Kaufman.
Les organisateurs de la mehina ont renvoyé les élèves après le déclenchement de la guerre, qui a donné lieu à des scènes choquantes et traumatisantes.
Le 7 octobre, une horde de quelque 2 000 terroristes du Hamas au moins ont pénétré par groupe dans des localités israéliennes proches de la bande de Gaza, massacrant des hommes, des femmes et des enfants de tous âges dans leurs maisons et lors d’une grande fête en plein air. Les images de ces scènes – d’une barbarie insoutenable qui ont horrifié Israël, le monde entier, jusqu’à faire craquer des grands reporters de guerres – ont été comparées par les dirigeants israéliens aux pires atrocités nazies.
Les victimes ont été abattues, poignardées, torturées, violées et brûlées vives. La mort de plus de 1 400 Israéliens a été confirmée, dont au moins 1 200 qui étaient des civils non armés. Le processus d’identification des morts se poursuit. Au moins 210 autres civils ont été enlevés à Gaza, certains vivants et d’autres morts, dont de nombreux enfants et personnes âgées.
Depuis lors, Israël est sur le pied de guerre et a appelé quelque 360 000 réservistes en prévision d’une probable incursion terrestre à Gaza. En outre, quelque 100 000 habitants des zones situées à proximité de Gaza et de la frontière du Liban ont été temporairement évacués.
Face au désarroi du pays, des pans entiers de la population se sont tournés vers le bénévolat, l’organisation et la participation. De nombreux vols ayant été annulés dans les jours qui ont suivi le déclenchement de la guerre, de nombreux programmes d’année sabbatique et d’études universitaires à l’étranger ont été confrontés à la question de savoir comment – ou s’ils devaient – continuer.
Shvilim est l’un des rares programmes à encore fonctionner, alors que la plupart ont dû fermer ou fonctionnent avec une capacité fortement réduite parce que trop de personnel a été rappelé par l’armée.
La plupart des étudiants étrangers de Shvilim étant encore dans le pays, les organisateurs ont décidé de rappeler tous les participants au programme. Ils ont pu les loger dans le kibboutz Beit Zera, juste au sud du lac de Tibériade, sur un site où se déroulait une autre mehina. Ce programme n’a pas pu se poursuivre en raison d’un manque de personnel.
« Nous sommes arrivés ici et je me suis senti vraiment soulagé. Travailler en groupe est beaucoup plus facile que de travailler seul (…) J’ai l’impression que la mehina m’aide à avoir plus d’impact en général », a déclaré Kaufman.
Les élèves de Shvilim sont capables de planifier leurs propres activités, ce qui est un aspect de leur formation au leadership, explique Omer Avital, l’un des conseillers. Peu après le début de la guerre, les élèves ont lancé une campagne de crowdfunding afin de collecter des fonds pour leurs activités.
« Ils nettoient des maisons pour les évacués, organisent et apportent des affaires pour les soldats, remplissent des fonctions de garde d’enfants », tout en suivant des cours et en faisant du sport, explique Avital. Il ajoute que les étudiants « créent également des vidéos ou des documents écrits pour expliquer la situation, en particulier pour notre groupe d’anciens élèves ».
De nombreux étudiants connaissent des personnes qui ont été tuées ou blessées, et Shvilim a mis en place des services psychologiques élargis et d’autres outils pour les aider à faire face à la situation.
Lors de la récente visite du Times of Israel à Beit Zera, un groupe d’étudiants était occupé à nettoyer une ancienne maison d’hôtes du kibboutz, qui allait bientôt accueillir plusieurs familles évacuées des environs de Gaza. Un autre groupe était allé acheter des fournitures afin de préparer un dîner et des encas pour ces familles.
« Nous faisons des choses en rapport avec la situation dans le pays », explique Naama Altman, 18 ans, une sabra – mot qui désigne les Juifs nés en Israël – qui dit que c’est merveilleux de retrouver une routine.
« C’est bien (…) nous faisons des choses importantes que nous ne ferions pas à la maison. »
Il existe 60 programmes de mehina en Israël, avec quelque 4 500 étudiants pour l’année 2023-24, selon le Conseil conjoint des académies prémilitaires (JCM), le groupe de coordination qui représente les programmes. La concurrence est rude : chaque année, Mechinat Galil Elyon dispose d’environ 250 places et de plus de 2 000 candidats. D’autres programmes de mehina font état de taux d’acceptation encore plus faibles.
Il existe des programmes de mehina avec tous les niveaux de religiosité. Shvilim est théoriquement laïc, bien que quelques étudiants portent une petite kippa et que la nourriture soit casher.
Les étudiants israéliens qui choisissent de suivre un programme de mehina sont à un âge où ils auraient déjà pu être incorporés dans le service militaire obligatoire, mais ils choisissent littéralement de faire une année supplémentaire de préparation. De nombreux élèves de mehina rejoignent ensuite des unités de commandos d’élite, suivent une formation d’officier ou trouvent d’autres rôles de haut niveau à jouer dans l’armée. Selon le JCM, 25 % des diplômés de l’école des officiers de Tsahal sont des anciens élèves de mehina.
Pour Ofir Behar, 18 ans, le fait d’être dans une mehina plutôt que dans l’armée « n’affecte en rien ce que nous pouvons donner. Je me sens tout à fait à l’aise ici, même si j’ai le sentiment de manquer quelque chose. Nous ne sommes pas sur la ligne de front, mais je suis certain que cela arrivera ».
Kaufman, originaire de Californie, a déclaré qu’il envisageait de s’engager dans l’armée israélienne, mais qu’il devait d’abord retourner à l’université pour terminer ses études.
La combinaison intense de la guerre, de l’expérience de la jeunesse et de l’internationalisme juif particulier du programme Shvilim a forgé un lien profond entre les étudiants, qui ont plus d’une fois utilisé l’expression « une fois dans une vie » pour décrire leur expérience.
Behar a fait remarquer qu’avant, il ne se souvenait pas de la dernière fois qu’il avait pleuré, mais que maintenant, il avait pleuré « cinq fois ». « Et j’ai beaucoup ri ! »
« Nous vivons tellement de choses ici que les émotions sont extrêmes », reconnaît Mimoun. « Ce n’est pas une mauvaise chose. On ressent tellement de choses, mais on est toujours avec des gens. Toute émotion, est quelque chose de bénéfique en fin de compte. »
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