Attentat de Lockerbie : Qui a fabriqué la bombe ? La vérité est toujours cachée
Alors que les proches du seul condamné pour l'explosion du vol Pan Am 103 tentent de l'innocenter à titre posthume, des preuves du rôle d'un terroriste palestinien sont occultées
David est le fondateur et le rédacteur en chef du Times of Israel. Il était auparavant rédacteur en chef du Jerusalem Post et du Jerusalem Report. Il est l’auteur de « Un peu trop près de Dieu : les frissons et la panique d’une vie en Israël » (2000) et « Nature morte avec les poseurs de bombes : Israël à l’ère du terrorisme » (2004).
L’attentat à la bombe mené au cours du vol 103 de la Pan Am au-dessus de Lockerbie, en Écosse, le 21 décembre 1988, reste le pire acte de terrorisme jamais perpétré en Grande-Bretagne. Plus de 30 ans après le crash du Boeing 747, qui a entraîné la mort des 259 passagers à bord et de 11 autres au sol, la question des responsabilités n’a jamais été résolue de façon exhaustive et satisfaisante.
Un seul homme a été condamné dans cette affaire, un agent des services de renseignement libyen nommé Abdelbaset Ali Mohamed al-Megrahi. Il a été emprisonné à vie pour 270 chefs d’accusation de meurtre par un tribunal écossais en 2001, puis libéré en 2009 parce qu’il était atteint d’un cancer en phase terminale, et est mort en 2012.
Le tribunal avait alors estimé que Megrahi avait acheté à Malte des vêtements qui étaient emballés dans la valise Samsonite dans laquelle était cachée la bombe – un dispositif de pression barométrique intégré dans un enregistreur de radio-cassette Toshiba – et qu’il avait enregistré la valise sur un vol au départ de Malte vers l’aéroport Heathrow de Londres. À Heathrow, la valise a été transférée sur le vol Pan Am à destination de New York, et les explosifs ont ensuite été déclenché un peu plus d’une demi-heure après le décollage. Son présumé co-conspirateur libyen Lamin Fhimah a été acquitté lors du procès de 2001. Et personne n’a depuis été condamné pour la fabrication de l’engin meurtrier.
Megrahi est mort en clamant son innocence, et sa famille continue de se battre pour laver son nom. Cette semaine, la plus haute cour pénale d’Écosse entend le dernier appel de ses proches contre sa condamnation, après qu’un examen indépendant a déterminé qu’il pourrait avoir été victime d’une erreur judiciaire. Entre autres failles, la défense souligne que Tony Gauci le commerçant maltais qui a identifié Megrahi comme étant l’homme qui a acheté les vêtements incriminés dans la valise, et dont le témoignage a toujours été controversé, avait été payé pour son témoignage, un fait qui n’a pas été divulgué à la défense lors du premier procès.
J’ai suivi l’affaire Lockerbie depuis l’époque de l’attentat à la bombe, lorsque je travaillais pour le Jerusalem Post en tant que correspondant à Londres et que j’ai vu par hasard, au début de l’enquête, des documents qui désignaient non pas la Libye du colonel Kadhafi, mais plutôt l’Iran et l’organisation terroriste palestinienne du FPLP-CG – le Front populaire de libération de la Palestine-Commandement général.
Au début de l’année 1988, le croiseur de missiles guidés USS Vincennes de la marine américaine avait abattu un Airbus d’Iran Air dans le golfe Persique, tuant les 290 passagers et membres d’équipage, dans un cas tragique d’erreur d’identité. Les États-Unis ont déclaré qu’ils avaient mal identifié l’avion de ligne civil comme étant un avion de chasse. L’Iran avait promis de venger ces morts. L’Ayatollah Khomeini avait promis que le ciel ferait « pleuvoir du sang ».
On pense que le FPLP-CG a été payé 10 millions de dollars pour réaliser l’attentat de Lockerbie ; il avait certainement l’expertise nécessaire pour fabriquer des bombes, étant devenu célèbre dans les années 1970 pour une série d’attentats terroristes sur des avions.
Quelques semaines avant l’explosion de Lockerbie, quatre engins remarquablement similaires à celui qui allait bientôt être utilisé avec un effet aussi dévastateur sur le vol 103 avaient été trouvés en possession de membres du FPLP-CG arrêtés dans une banlieue de Francfort. Cette cellule du FPLP-CG aurait à l’époque planifié de faire exploser des avions en direction des États-Unis et d’Israël. Ses bombes, comme celles que le FPLP-CG avait utilisées dans le passé, et comme le dispositif de Lockerbie, étaient déclenchées par un dispositif de pression barométrique et une minuterie, activés lorsqu’un avion atteint une certaine altitude. Une cinquième bombe en possession de la cellule de Francfort était manquante ; il s’agirait de l’engin qui a fait exploser le vol 103.
Les enquêteurs de Lockerbie ont d’abord suivi ces pistes, puis ils se sont tournés vers la Libye. En 2003, Kadhafi a revendiqué l’attentat – bien qu’il ait nié l’avoir ordonné – et a versé des indemnités aux familles des victimes, conformément aux demandes de l’ONU pour la levée des sanctions contre son pays.
Le fabricant de bombes du FPLP-CG
Il y a presque sept ans, un de mes collègues du Times of Israel a remarqué qu’un homme nommé Marwan Khreesat, un ressortissant jordanien, gérait une page Facebook en langue arabe dans laquelle il avait pris l’habitude de poster des photos de l’attentat de Lockerbie. Khreesat était le fabricant de bombes en chef du FPLP-CG, le fabricant présumé de ces dispositifs à pression barométrique. Il a été l’un de ceux qui ont été arrêtés par les autorités allemandes à Francfort, pour être ensuite inexplicablement relâchés peu après. Il promettait maintenant de révéler la vérité sur Lockerbie – d’“écrire sur la Pan Am 103”, y compris « qui était sur le vol et les circonstances de l’incident ».
Dans son message, Khreesat a également parlé de son implication dans l’attentat à la bombe d’un avion d’El Al entre Rome et Tel Aviv en 1972, décrivant cet attentat comme « un défi pour les agents des services de renseignement israéliens qui sont responsables de la fouille des bagages et de tout ce qui se trouve dans un avion ». La bombe dans l’avion El Al de 1972 – un autre appareil à pression barométrique – avait été cachée dans un tourne-disque que deux femmes britanniques avaient accepté de transporter, dupés par deux hommes arabes qui ont été arrêtés par la suite. Bien que la bombe ait explosé, le pilote a pu effectuer un atterrissage d’urgence. « Ce fut un coup réussi contre l’ennemi israélien », a écrit M. Khreesat dans un post du 14 mars 2014 sur Facebook, dans lequel il décrit également avoir passé du temps avec le chef du FPLP-CG, Ahmed Jibril, à Rome, alors qu’ils attendaient que l’attaque se déroule.
Dans plusieurs messages Facebook de 2013-4 relatifs à Lockerbie, Khreesat a rappelé son arrestation deux mois avant l’attentat. Il a publié des photos du cockpit détruit du 747 après l’explosion, des parties de l’épave de l’avion minutieusement reconstruites et un lecteur de radio-cassettes comme celui qui contenait la bombe. Il a également posé une série de questions sans réponse sur l’attentat. « Qui a mené l’opération ? » s’est-il exclamé dans un post à l’occasion du 25e anniversaire de l’explosion. « Israël ? L’Iran ? La Libye ? Qui transportait l’engin explosif Toshiba [dans lequel la bombe était cachée] ? … L’engin explosif venait-il de l’aéroport de Malte comme le disent les agences de renseignement américaines ? … Quand ces énigmes seront-elles résolues ? »
L’appel interjeté cette semaine par la famille Megrahi a reçu le feu vert de la Commission écossaise de révision des affaires criminelles, en partie en raison de la « non-divulgation » des preuves à l’équipe de la défense lors du procès initial. Certaines de ces preuves documentaires auraient été fournies par le défunt roi Hussein de Jordanie et non seulement pour impliquer le FPLP-CG dans l’atrocité de Lockerbie, mais aussi pour préciser que Marwan Khreesat a fabriqué la bombe.
Cependant, vendredi, le chef du pouvoir judiciaire écossais, Lord Carloway, a décidé que les documents devaient encore être gardés secrets pour des raisons de sécurité nationale. En acceptant un ordre de non-divulgation signé par le ministre britannique des Affaires étrangères Dominic Rabb, Carloway a expliqué que « [l’opinion de Rabb] est claire : [la divulgation de la documentation] causerait un réel préjudice à la sécurité nationale du Royaume-Uni car elle nuirait à la liaison anti-terroriste et à la collecte de renseignements entre le Royaume-Uni et d’autres États… Les documents avaient été fournis au gouvernement à titre confidentiel. Leur divulgation réduirait la volonté de l’État, qui a produit les documents, de confier des informations et de coopérer avec le Royaume-Uni ».
Il était « évident que Jibril avait préparé l’opération »
Toutes sortes de théories entourent l’attentat de Lockerbie, dont certaines n’excluent pas la participation de la Libye et de Megrahi, dont la plupart tournent autour du fait que personne n’a été poursuivi pour avoir fabriqué la bombe, et dont beaucoup se concentrent sur le FPLP-CG et Marwan Khreesat.
Au fil des ans, j’ai eu l’occasion de soulever la question de l’attentat de Lockerbie avec plusieurs anciennes figures du renseignement israélien, qui étaient en fonction au moment de l’attentat et connaissaient bien les activités du FPLP-CG à l’époque. Deux d’entre eux ont insisté sans plus de précisions sur le fait que « la Libye l’a fait » et ont balayé d’un revers de main les autres questions. Un troisième, en revanche, m’a dit qu’il était « clair que Jibril avait préparé l’opération ».
Israël « écoutait » le FPLP-CG pendant les mois précédant Lockerbie, a-t-il dit, et entendait parler des préparatifs de ce que « nous pensions être un plan pour cibler un avion israélien ». Il y a eu une « énorme alerte » dans les services de sécurité israéliens en raison d’indications selon lesquelles le FPLP-CG était sur le point de frapper, a poursuivi cette source. « Nous avons dit aux Britanniques et aux Américains ce que nous savions, à savoir qu’il y avait une intention de frapper un avion israélien… Nous n’avons pas averti au sujet d’un avion britannique ou américain parce que nous ne le savions pas », a-t-il dit.
La nouvelle audience d’appel devrait se poursuivre jusqu’à vendredi, avec une décision à une date ultérieure. « Il est établi dans cette affaire qu’aucun jury raisonnable, correctement dirigé, n’aurait pu rendre le verdict qu’il a rendu, à savoir la condamnation de M. Megrahi », a déclaré l’avocate de la défense Claire Mitchell aux juges mardi. Mais cet argument sera plus difficile à faire valoir sans ces documents « jordaniens » qui, selon la Défense, sont au cœur de l’appel. Si ses proches ne parviennent pas à faire annuler la condamnation de Megrahi, leur allégation d’erreur judiciaire persistera.
Marwan Khreesat est mort en 2016.
Sa page Facebook est toujours en ligne.
Mais il n’a jamais dit la vérité sur Lockerbie.
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