Avec un accord africain d’un milliard $, les exportations en énergie solaire israéliennes éclipsent les usages locaux
Une entreprise israélienne a le projet d'installer des champs d'énergie solaire en Afrique de l'ouest, mais affirme que les paperasseries diverses et variées et d'autres problèmes empêchent le marché domestique d'adopter les mêmes énergies renouvelables
Une entreprise israélienne va superviser des projets – à hauteur d’un milliard de dollars – dans le secteur du solaire en Afrique, exploitant l’énergie du soleil alors même qu’Israël doit lutter pour mettre en production ses propres plans de larges champs d’énergie photovoltaïque.
Cet accord massif portant sur l’installation de panneaux solaires entre dans le cadre d’une convention issue du voyage du Premier ministre Benjamin Netanyahu au Liberia où il a assisté au sommet de la CEDEAO (communauté économique des pays d’Afrique de l’ouest).
L’accord passé avec l’entreprise Energiya Global qui se trouve à Jérusalem commencera par la mise en place d’un champ d’énergie solaire pour un coût de 20 millions de dollars. Il sera situé à proximité du principal aéroport du Liberia et produira 10 mégawatts. De tels champ photovoltaïques devraient ultimement s’étendre à d’autres pays de la CEDEAO, même si de prochaines réalisations n’en sont qu’à des stades préliminaires de planification.
Le directeur-général d’Energiya Global, Yossi Abramowitz, qui s’est rendu au Liberia aux côtés de Netanyahu et a fait partie de l’équipe de négociation israélienne lors des Accords de Paris sur le climat de la COP 21, explique que la tradition bureaucratique lourde et des infrastructures israéliennes en difficulté auront pour conséquence que les pays africains passeront avant l’état juif en termes de pourcentage de consommation d’énergie durable grâce à cet accord signé avec Energiya Global.
Gigawatt Global, une autre entreprise supervisée par Abramowitz, explore les champs solaires photovoltaïques dans 10 pays africains. Au Rwanda, le champ solaire photovoltaïque qui avait été construit en 2005 produit dorénavant environ 5 % de l’électricité consommée dans le pays.
« En Afrique, on ressent profondément les effets du changement climatique en raison de la désertification croissante », explique Abramowitz.
« On considère Israël comme un leader mondial en termes de lutte contre la désertification et un grand nombre des conflits de la région sont dus à une eau rare et à des disputes sur les ressources alimentaires. »
Il note que le communiqué conjoint émis par la CEDEAO et Netanyahu ont établi que le plus important secteur de la coopération entre les pays était l’agriculture, mais que le deuxième en termes de collaboration est le changement climatique et ses atténuations.
« S’ils possèdent des énergies dans ce pays, ils utilisent du fioul, qui est très cher, très polluant, et très émetteur de gaz à effet de serre », poursuit-il.
« Pourquoi les peuples les plus pauvres de la planète, qui n’ont l’électricité que s’ils ont de la chance, paieraient-ils le montant le plus élevé possible pour le pire genre d’électricité ? L’économie est bien plus facile à faire ici [en Afrique] où on préfère ne pas se satisfaire du gaz naturel peu coûteux de la mer Méditerranée ».
« C’est bien mieux de faire du solaire en Afrique aujourd’hui qu’en Israël », ajoute Abramowitz. « Parce qu’ici, on vous veut ».
Abramowitz et d’autres affirment qu’Israël a encore beaucoup de chemin à parcourir avant d’utiliser les capacités solaires exportées par l’état juif dans le reste du monde, attribuant la responsabilité de ces retards à une bureaucratie tatillonne.
« Nous faisons partie des leaders dans la recherche énergétique », dit le docteur Jonathan Aikhenbaum, qui gère les campagnes à Greenpeace Israel et qui a pris la tête du combat visant à alléger les réglementations en termes d’énergie solaire. « Vous pouvez trouver énormément de solutions pour la collecte des énergies solaire et énergétique, mais la bureaucratie crée une situation telle que de nombreuses start-ups qui ont des solutions ne décolleront jamais ».
Israël a annoncé en 2015 que dans le cadre des Accords de Paris, le pays s’engageait à obtenir 10 % de sa consommation énergétique depuis des sources renouvelables comme le solaire, l’éolienne et le biogaz à l’horizon 2020, un chiffre qui s’élèverait ensuite à 17 % en 2030.
Les chiffres sont bien en-deça des objectifs définis par l’OCDE de 20 % de production énergétique obtenue à partir de ressources durables en 2020 et de 27 % en 2030. En 2016, 32 % de la consommation d’énergie en Allemagne provient déjà de ressources renouvelables.
« Israël a l’objectif le plus bas de tous les pays de l’OCDE en matière d’énergie renouvelable », constate Abramowitz.
Aujourd’hui, 2,6 % seulement de l’énergie en Israël viennent de ressources renouvelables, ce qui rend l’objectif de 10 % au cours des deux prochaines années et demi hautement improbable, estime Abramowitz.
‘Vous pouvez trouver énormément de solutions pour la collecte solaire et énergétique, mais la bureaucratie créer une situation telle que de nombreuses start-ups qui ont des solutions ne décolleront jamais’
Jusqu’à il y a huit mois, les régulations mises en oeuvre par une des nombreuses autorités rendaient difficile l’installation de systèmes solaires susceptibles de répondre aux besoins en énergie des foyers, sur les habitations individuelles, l’excès étant assuré par la compagnie d’électricité, ainsi que pour les entreprises la construction de larges champs solaires photovoltaïques.
« Il n’y avait aucun leadership de la part des ministres ou de quiconque, avec notamment un Premier ministre comme [David] Ben-Gourion, qui avait poussé le problème des [régulations] solaires », dit Aikhenbaum. « En résultat, cela a créé beaucoup de bureaucratie compliquée ».
Toute autorité qui se trouve d’une façon ou d’une autre impliquée dans le solaire a fait ses propres régulations. L’Autorité fiscale a exigé que ceux qui se dotaient d’un système d’énergie solaire s’inscrive en tant qu’entreprise commerciale, notamment en classant les taxes et les reçus comme le ferait une entreprise.
Chaque autorité locale dans le pays présente des exigences différentes pour les systèmes d’énergie photovoltaïque dans sa juridiction. Le ministère des Finances a demandé des documents supplémentaires de la part de ceux qui désiraient installer un tel système. La compagnie électrique israélienne a traîné les pieds, ne sachant pas comment faire payer les gens à la fois consommateurs et créateurs d’énergie.
Greenpeace a travaillé avec diverses autorités depuis plus de deux ans et demi pour rationaliser le processus. Après une certaine résistance, l’Autorité fiscale et le ministère des Finances ont pleinement collaboré, abrogeant un grand nombre des exigences strictes pour les installations photovoltaïques privées au mois d’octobre dernier. Aikhenbaum explique qu’un grand nombre de ces autorités désiraient alléger le fardeau bureaucratique, mais que sans leadership gouvernemental, elles ignoraient comment procéder et avaient besoin d’une pression extérieure.
Même s’il est maintenant plus facile d’obtenir des systèmes solaires photovoltaïques aux niveaux individuel et privé, Aikhenbaum estime que la prochaine étape consistera à garantir le financement des consommateurs intéressés.
Actuellement, un système d’énergie photovoltaïque de 8 kilowatts – ce qui est, en gros, ce qui est nécessaire pour une habitation privée – coûte environ 50 000 shekels à installer, dit Aikhenbaum. Un système de cette taille permettrait à une famille d’économiser environ 7 500 shekels par an sur une facture électrique, et il faudrait en conséquence environ sept ans pour amortir le coût de l’installation.
Les panneaux solaires ne peuvent pas fournir 100 % de l’électricité pour un foyer parce qu’ils produisent l’électricité pendant la journée, mais que les gens ont aussi besoin d’électricité la nuit. Actuellement, stocker de l’énergie produite pendant la journée pour être ultérieurement utilisée a un coût prohibitif sur une base individuelle.
Un système d’énergie solaire dans une habitation privée peut fonctionner pendant 30 à 40 ans, ce qui en fait un investissement solide. Mais parce que le secteur est encore nouveau, certaines banques sont réticentes à l’idée d’accorder des prêts pour une installation solaire. C’est pour cela que Greenpeace et Aikhenbaum s’efforcent d’identifier des fondations qui pourraient offrir des prêts à des taux favorables pour tous ceux qui désirent faire installer des panneaux solaires.
Les habitants des appartements peuvent eux aussi installer des panneaux sur les toits des habitations – chaque appartement a besoin d’un espace d’environ 30 à 40 mètres carrés sur le toit pour y installer un panneau solaire, mais l’approbation des copropriétaires de l’immeuble est également indispensable par le biais d’un processus séparé.
Aikhenbaum espère que le secteur du photovoltaïque dans le pays saura rattraper le réputation de ce dernier, leader dans la recherche sur l’énergie solaire.
« Tout ce que fait Israël avec l’agriculture high-tech et la technologie médicale, [le gouvernement] le soutient véritablement, mais avec l’énergie, ce n’est pas le cas. Les responsables ne se sont pas encore saisis de l’énergie pour la mettre au même niveau que le reste stratégiquement parlant », explique-t-il. « Prendre de large champs photovoltaïques et apprendre comment stocker l’énergie, c’est vraiment l’avenir et c’est ainsi qu’Israël se sauvera ».
Abramowitz note qu’Israël a d’ores et déjà prouvé que le solaire peut être efficace. « Quand nous avons lancé l’industrie du solaire en Israël, nous avions un objectif audacieux : Nous voulions que, de la mer Rouge à la mer Morte, il y ait 100 % de solaire pendant la journée mais la compagnie d’électricité et tout le monde a dit que c’était bête et stupide », poursuit Abramowitz, qui a été l’un des trois fondateurs d’Arava Power aux côtés d’Ed Hofland et de David Rosenblatt.
Actuellement, la région d’Arava est approvisionnée à 70 % par le soleil durant la journée. Ce chiffre devait s’élever à 100 % en 2020.
Cet été, Arava Power a installé un champ d’énergie photovoltaïque de 40 mégawatts près du Kibbutz Ketura, qui fournit un tiers de l’énergie d’Eilat pendant la journée. Au cours des cinq prochaines années, un champ de 60 mégawatts sera construit à proximité de Timna.
En 2018, les trois champs du projet d’Ashelim devraient être achevés. La pièce centrale sera une tour solaire –
la plus grande du monde – qui mesurera 250 mètres. Ashelim devrait générer environ 310 mégawatts d’énergie, environ 1,6 % des besoins énergétiques du pays – ce qui sera suffisant pour 130 000 foyers ou à peu près 5 % de la population israélienne, selon l’Autorité chargée de l’électricité.
Abramowitz déclare que la découverte de champs massifs de gaz naturel au large des côtes d’Israël a réduit la motivation de l’état juif à mettre en exergue l’énergie solaire. « Le gaz naturel a un pouvoir à la fois financier et politique », estime-t-il.
Abramowitz met également en cause la compagnie électrique israélienne pour n’être pas parvenue à moderniser les infrastructures de manière à permettre plus d’énergie solaire, en particulier pour les habitations privées. « Sans un investissement en infrastructures, le pays ne peut pas passer à la vitesse supérieure », dit-il. « Il n’y a même pas de projets sur la table et il n’y a pas de volonté politique de le faire ».
Un porte-parole de la compagnie électrique israélienne explique pour sa part qu’il n’y a pas de problème pour amortir une installation solaire dans une habitation privée mais que l’entreprise a des difficultés avec les nouvelles installations de champs photovoltaïques ou avec les grandes entreprises qui utilisent l’énergie solaire dans des zones reculées parce que le réseau existant ne peut les gérer.
La CEI et l’Autorité chargée des services publics ont publié un appel d’offres le mois dernier pour travailler en tandem avec les entreprises du secteur de l’énergie solaire, de manière à ce que lorsque une entreprise construit une grande installation de ce type, la compagnie électrique soit en mesure de moderniser simultanément le réseau dont dépend la nouvelle installation.
« Nous soutenons vraiment les énergies renouvelables, c’est très important et nous pensons qu’elles sont l’avenir », ajoute le porte-parole. « Nous savons que la majorité de la production électrique dans le futur pourrait provenir d’entités privées [comme les panneaux solaires ou les parcs d’éoliennes].