Baharav-Miara : Netanyahu encore lié par l’accord sur les conflits d’intérêt de 2020
Répondant à une requête devant la Haute cour, la procureure-générale a rappelé l'interdiction pour le Premier ministre de s'impliquer dans des nominations et dans des lois impactant son procès
Le Premier ministre Benjamin Netanyahu reste tenu de respecter l’accord sur les conflits d’intérêt qui lui interdit de nommer de hauts-responsables judiciaires ou de la police et qui lui interdit également de s’impliquer dans des dossiers législatifs qui pourraient avoir un impact sur son procès pour corruption en cours, a établi clairement la procureure-générale Gali Baharav-Miara dans la journée de mardi.
Dans un avis rendu auprès de la Haute-cour de justice, Baharav-Miara a noté que l’accord sur les conflits d’intérêt qui avait été mis en place par son prédécesseur, Avichai Mandelblit, à la fin de l’année 2020, restait encore en vigueur aujourd’hui.
Netanyahu avait prétendu qu’il n’était pas soumis à l’accord mais la Haute-cour de justice avait statué, en mars 2021, qu’il devait s’y plier.
Cet accord précise que Netanyahu ne peut s’impliquer dans aucune affaire susceptible de toucher les témoins ou les autres accusés intervenant dans son procès et qu’il ne peut pas se compromettre dans des lois qui auraient un impact sur les procédures judiciaires lancées à son encontre.
Il ne peut pas intervenir non plus dans les questions qui sont relatives au statut de certains hauts-responsables de la police et du ministère public israélien, il lui est interdit d’interférer dans plusieurs domaines placés sous l’autorité du ministère de la Communication ou dans la Commission des nominations judiciaires qui nomme les magistrats siégeant à la Cour de district de Jérusalem – c’est là que son procès se déroule actuellement – et à la Cour suprême, qui sera tenue de prendre en charge les éventuels appels lancés dans le cadre de son dossier pour corruption.
L’avis donné par Baharav-Miara devant la plus haute instance judiciaire d’Israël est venu répondre à une requête qui réclamait qu’elle réactualise l’accord sur les conflits d’intérêt signé par Netanyahu. Une requête qui a été rejetée par Baharav-Miara, qui a affirmé qu’elle était « hors de propos » dans la mesure où elle a estimé que l’ancien accord était encore en vigueur.
La procureure-générale a écrit dans l’avis qu’elle avait envoyé, lundi, une lettre au Premier ministre qui soulignait qu’il était encore tenu de respecter les règles établies par Mandelblit.
Elle a aussi noté que Netanyahu recevrait un accord sur les conflits d’intérêt qui s’appliquera à tous les ministres.
Netanyahu est actuellement traduit devant les juges dans trois affaires de corruption. Il doit répondre de fraude, d’abus de confiance et de pots-de-vin. Il n’a cessé de clamer son innocence, affirmant, sans apporter de preuves, être la victime d’une tentative de coup d’état politique de la part de la police, des procureurs, des médias et de ses adversaires de gauche qui, affirme-t-il, ont fabriqué les dossiers l’incriminant de toutes pièces.
L’intervention de Baharav-Miara a aussi eu lieu alors que le nouveau gouvernement tente actuellement de faire avancer une législation controversée qui affaiblira le système judiciaire. Les propositions qui ont été faites ont suscité l’indignation d’une partie des Israéliens, de l’opposition politique et des spécialistes du droit.
Les réformes envisagées par le ministre de la Justice, Yariv Levin, limiteraient drastiquement la capacité de la Haute-cour de justice à réexaminer les lois et les décisions gouvernementales ; elles autoriseraient la Knesset à réadopter des lois invalidées au préalable par la Cour ; elles accorderaient au gouvernement le contrôle de la commission chargée des nominations judiciaires et elles transformeraient les conseillers juridiques des ministères en relais politiques, rendant de surcroît leurs avis non-contraignants.
Levin a estimé, lundi, que les mises en examen de Netanyahu avaient convaincu le public de la nécessité de réduire le pouvoir judiciaire, faisant pour la toute première fois le lien entre son projet de refonte controversé et les déboires rencontrés par le Premier ministre.
Cela fait longtemps que les critiques accusent Netanyahu et ses alliés à la Knesset, de chercher à réformer de manière radicale le système judiciaire avec pour objectif de permettre au Premier ministre d’échapper aux mises en examen qui lui valent actuellement de comparaître devant les juges dans trois dossiers pour corruption. Si Levin n’a pas explicitement déclaré que le procès de Netanyahu avait donné l’élan nécessaire pour lancer le plan de refonte qu’il a lui-même annoncé le 4 janvier, ses propos prononcés lundi en séance plénière ont souligné l’enchevêtrement étroit des intérêts politiques et personnels qui entrent en jeu dans cette problématique plus que brûlante.
Netanyahu et son gouvernement soutiennent les réformes en disant qu’elles sont indispensables pour rééquilibrer le pouvoir entre ce qu’ils appellent un tribunal « activiste » et les représentants élus par la population. Baharav-Miara, la présidente de la Cour suprême et les leaders de l’opposition, de leur côté, ont dénoncé avec force la réforme qui, à leurs yeux, est destructrice pour la démocratie et dangereuse pour les libertés civiles.
Les détracteurs du plan soulignent qu’avec les autres législations prévues, la refonte aura un impact sur la nature démocratique de l’État juif en bouleversant son système de contre-pouvoirs, créant un exécutif tout puissant et laissant les minorités sans défense face à ce dernier.
La réforme de la Haute-cour est un objectif majeur poursuivi par les conservateurs depuis plus d’une décennie, avec un grand nombre de politiciens de droite et ultra-orthodoxes qui se disent frustrés par ce qu’ils appellent un tribunal « activiste et progressiste » qui saperait les plans privilégiés par la majorité de droite du pays.
Samedi soir, environ 80 000 Israéliens sont descendus dans les rues de Tel Aviv et des mouvements de protestation ont aussi été organisés à Jérusalem et Haïfa pour rejeter le plan de réformes du gouvernement de droite, d’extrême-droite et religieux. Une contre-manifestation en soutien à ce projet est prévue en fin de semaine.