Levin: Les procès de Netanyahu ont renforcé le soutien au plan de refonte judiciaire
Faisant pour la première fois le lien entre les deux sujets, le ministre de la Justice a jugé que les mises en examen de Netanyahu avaient révélé les failles du système judiciaire
Le ministre de la Justice Yariv Levin a jugé, lundi, que les différentes mises en examen du Premier ministre Benjamin Netanyahu dans trois affaires de corruption avaient convaincu le public de la nécessité de réduire les pouvoirs du système judiciaire, – faisant pour la première fois le lien entre son plan controversé de réformes visant à limiter le pouvoir des tribunaux et les sérieux déboires judiciaires de Netanyahu.
Cela fait longtemps que les critiques accusent Netanyahu et ses alliés à la Knesset, de chercher à réformer de manière radicale le système judiciaire avec pour objectif de permettre au Premier ministre d’échapper aux mises en examen qui lui valent actuellement de comparaître devant les juges dans trois dossiers pour corruption.
Si Levin n’a pas explicitement déclaré que le procès de Netanyahu avait donné l’élan nécessaire pour lancer le plan de refonte qu’il a lui-même annoncé le 4 janvier, ses propos prononcés lundi en séance plénière ont souligné l’enchevêtrement étroit des intérêts politiques et personnels qui entrent en jeu dans cette problématique plus que brûlante.
Netanyahu est actuellement sur le banc des accusés dans trois affaires de corruption et il doit répondre de fraude, d’abus de confiance et de pots-de-vin. Il n’a cessé de clamer son innocence et il affirme, sans preuves, que les dossiers ont été montés de toutes pièces dans le cadre d’une tentative de coup d’état lancée par la police, le parquet, les médias et ses adversaires de gauche.
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Les changements proposés par Levin incluent l’affaiblissement du pouvoir de la Cour suprême – de sorte que cette dernière soit incapable d’invalider des lois et des politiques jugées inconstitutionnelles – et la prise de contrôle par le gouvernement de la commission chargée de sélectionner les juges.
Les détracteurs du plan soulignent qu’avec les autres législations prévues, la refonte aura un impact sur la nature démocratique de l’État juif en bouleversant son système de contre-pouvoirs, créant un exécutif tout puissant et laissant les minorités sans défense face à ce dernier.
La réforme de la Haute-cour est un objectif majeur poursuivi par les conservateurs depuis plus d’une décennie, avec un grand nombre de politiciens de droite et ultra-orthodoxes qui se disent frustrés par ce qu’ils appellent un tribunal « activiste et progressiste » qui saperait les plans privilégiés par la majorité de droite du pays.
« Cela fait des années que je me bats dans ce but, pour une réforme dans laquelle je croyais aux côtés de quelques rares autres », a commenté Levin.
Il a alors été interrompu par les députés de l’opposition qui ont déclaré que le seul facteur ayant changé dans l’intervalle était les mises en examen de Netanyahu.
« Je vais vous dire la vérité, trois inculpations de ce genre ont vraiment contribué à faire comprendre à un très large public qu’il y a des défaillances dans le système qui doivent être corrigées. Il est indubitable qu’elles y ont beaucoup contribué », a alors répondu Levin.
Or, une enquête publiée dimanche par l’Institut de la démocratie israélien (IDI) a révélé le soutien croissant, au cours de la dernière décennie, à la capacité de la Haute cour à invalider des lois qui contreviennent au caractère démocratique d’Israël, – avec une majorité de citoyens apportant leur soutien au principe de réexamen judiciaire.
Levin a par ailleurs rejeté les importants mouvements de protestation contre ses propositions qui ont eu lieu ce week-end, affirmant, à l’instar de Netanyahu, qu’il ne se laisserait pas dissuader.
Il a clairement indiqué être favorable au droit à manifester tout en notant que les tentatives visant à semer la panique et « à dépeindre le plan dans des couleurs qu’il n’a pas en réalité ne changeront rien ».
Lors de la séance plénière, le chef de l’opposition, Yair Lapid, a indiqué que la seule raison pour laquelle Netanyahu et le ministre de l’Intérieur, Aryeh Deri, apportaient – aujourd’hui – leur soutien au plan après avoir refusé de le faire durant des années, était qu’ils rencontraient tous deux des problèmes avec la justice. Deri a en effet été condamné pour délits fiscaux à deux occasions et il attend actuellement une décision de la Haute cour de justice pour savoir s’il peut continuer à être ministre de l’Intérieur et ministre de la Santé.
Cherchant à contrer l’opposition à la réforme, la ministre de la Diplomatie publique Galit Distel Atbaryan a de son côté annoncé qu’elle était entrée en contact avec le bureau du Premier ministre pour établir un forum « d’urgence » qui aidera à promouvoir le plan du gouvernement auprès des Israéliens.
« Au vu de la panique entraînée par la supercherie délibérée des médias et des partis gauchistes, j’ai l’intention de rendre publics les détails de la réforme », a écrit Atbaryan sur Twitter, ajoutant que Netanyahu lui avait donné son feu vert. « Israël deviendra bientôt plus démocratique et le public pourra bénéficier d’informations plus organisées et factuelles ».
Dans le cadre des appels lancés par le parti HaMahane HaMamlahti de Benny Gantz, qui demande à ce qu’un travail soit lancé en collaboration avec le gouvernement en vue de négocier des compromis sur le projet de refonte, le député du Likud, David Bitan, a déclaré qu’il était probable que la coalition finisse par céder et par édulcorer ses propositions.
« Je crois qu’il est possible d’adoucir certaines clauses », a-t-il dit devant les caméras de la Douzième chaîne.
L’ex-Premier ministre Bennett, politicien de droite qui, dans le passé, avait aussi appelé à limiter les pouvoirs des tribunaux, est intervenu dans le débat pour la toute première fois. Il a critiqué les propositions faites par Levin tout en semblant chercher un terrain d’entente entre la coalition et la plus grande partie de ses critiques dans l’opposition.
« On ne règle pas une erreur historique par une autre erreur », a écrit Bennett sur Twitter.
L’ancien Premier ministre, qui s’est retiré de la politique avant les dernières élections, a estimé qu’il n’y avait « pas d’autre choix » pour les deux parties que de négocier sans tarder sur les dispositions du plan largement controversé.
Bennett a ajouté que l’opposition devait comprendre que ce gouvernement a été élu par les Israéliens. « Il dispose du mandat nécessaire pour procéder à des changements ; il y aura des changements et c’est une bonne chose », a-t-il affirmé.
Mais le gouvernement doit par ailleurs comprendre « qu’il ne peut pas aller à l’extrême opposé en faisant disparaître les contre-pouvoirs, en neutralisant le système judiciaire et en donnant au Premier ministre le pouvoir de désigner les juges, a-t-il poursuivi.
La proposition actuelle de Levin est « dangereuse » et elle « portera préjudice aux fondations de l’État d’Israël tout en causant des divisions dans la société », a-t-il mis en garde.