Bennett défend son projet visant à bannir la politique de l’université
Rivlin a rejeté cette contrainte imposée aux enseignants ; le code d'éthique proposé par le ministre de l'Éducation pourrait manquer de soutien
Le ministre de l’Éducation et un professeur d’université qu’il a mandaté pour écrire un code d’éthique qui empêcherait les universitaires d’exprimer des opinions politiques ont tous deux défendus le document controversé face aux critiques dont il a fait l’objet dimanche.
Ce code, rédigé par Asa Kasher, a été accueilli par une pluie de critiques de la part des politiciens et des universitaires après que son contenu a été dévoilé la semaine dernière.
Dans le cadre de ce code d’éthique, les conférenciers n’auraient pas le droit d’évoquer leurs opinions politiques durant leurs cours, ni de participer ou de manifester un soutien à des institutions qui boycottent Israël, une mesure que les militants pro-palestiniens encouragent de par le monde.
Bennett a déclaré dimanche que cette mesure servirait à la protection de la liberté d’expression, et Kasher a affirmé qu’elle permettrait à l’université de ne pas être sujette à la pollution politique.
À l’université Bar-Ilan, Kasher a donné une conférence sur la menace du boycott universitaire contre Israël. Il est également l’auteur du célèbre code d’éthique de l’armée israélienne. Il a parlé du tollé qu’a suscité son dernier texte, et a rejeté les critiques qui jugent ce code inutile ou injustement partial.
« 95 % des réactions [sur les réseaux sociaux] ces derniers jours sur le code d’éthique étaient hors-propos, a-t-il déclaré devant son auditoire. Le débat politique est truffé de mensonges. Le principe de vérité ne s’applique pas. On peut mentir à tout moment, exagérer, faire de fausses affirmations. »
« Le problème que ces gens ont avec le code d’éthique, c’est le problème qu’ils ont avec Bennett, a-t-il ajouté. Dès que Bennett a signé, la gauche s’est opposée. »
Bien que le code ne spécifie aucune orientation politique précise, les universités israéliennes sont souvent associées à la gauche politique. Bennett, chef du parti nationaliste religieux HaBayit HaYehudi, a la réputation d’avoir tenté de limiter les voix de gauche dans les institutions éducatives et d’apporter davantage de voix de droite.
« Quand on se penche sur le travail qui m’a été assigné, il n’a rien à voir avec les positions du ministre Bennett, a expliqué Kasher. Le but de ce document est de préserver l’université de la pollution politique. »
Kasher a également fustigé la Commission de présidents d’université, qui, dans un communiqué, a simplement critiqué le fait que Bennett impose un code d’éthique aux enseignants d’université.
« La Commission travaille comme les rabbins ultra-orthodoxes, a dit Kasher, en évoquant la communauté ultra-orthodoxe qui résiste à l’application des études profanes dans ses écoles secondaire. Leur réponse est ‘vous ne pouvez pas décider ce que nos enfants apprennent’. C’est un instinct conservateur d’un groupe qui veut protéger ses intérêts. »
Pour défendre le projet, Bennett a assuré qu’il permet de garantir une certaine liberté d’expression, en protégeant les étudiants des réactions à leurs positions.
« Aujourd’hui, nous œuvrons pour empêcher que les voix universitaires soient réduites au silence », a-t-il dit, avant la réunion hebdomadaire du cabinet à Jérusalem, « afin d’éviter une situation dans laquelle un étudiant peut-être blessé pour ses opinions politiques, et un enseignant payé par le contribuable puisse appeler à un boycott universitaire. »
Le président Reuven Rivlin s’est exprimé dimanche contre ce code d’éthique.
« La liberté d’expression et de pensée ne doivent pas être pris pour acquis », a-t-il dit dans un discours à la Knesset, soulignant l’importance de la pluralité des opinions pour le bien de la société.
« Nous ne pouvons pas construire de systèmes éducatifs prospères si nous ne faisons pas en sorte qu’il encourage la controverse, a-t-il dit. La liberté d’exprimer des différences d’opinions requiert des protections procédurales et une vigilance constante. »
Rivlin, qui a remporté le Prix Wolf pour son travail dans la science et les arts, a mis en garde contre cette proposition qui retardera la recherche et le développement universitaire.
« Nous ne pourrons pas construire de systèmes de recherche scientifiques prospères ni développer des travaux d’art inspirants si nous n’accueillons pas de systèmes éducatifs qui encouragent la diversité, la controverse, l’initiative et l’imprévisibilité. »
Le scepticisme et le désir de découvrir de nouveaux mondes est « la force motrice de l’invention et du développement scientifique », a poursuivi Rivlin, ajoutant que l’art, la culture et la science « ne sont pas la propriété d’un individu, et certainement pas celle d’un camp politique, quel qu’il soit. »
Le ministre de l’Éducation Naftali Bennett et l’auteur du code d’éthique n’auront peut-être pas le soutien nécessaire pour faire appliquer ce code.
Bennett a besoin du soutien du Conseil de l’Enseignement supérieur, l’autorité nationale pour les instituts universitaires, qui compte 14 membres, dont le ministre lui-même, et il semblerait qu’il n’obtiendra pas la majorité des votes, selon le quotidien Haaretz.
La prochaine session du conseil est prévue dans deux semaines, mais ce sujet n’apparaît pas encore à l’ordre du jour, ce qui semble indiquer, selon l’article, qu’il pourrait ne pas être soumis au vote, au regard de son impopularité parmi les membres du conseil.
Lundi, le Dr Ofir Haïvry, membre du conseil, a déclaré à la radio militaire qu’il s’opposait à la mesure de Bennett, et qu’il avait l’intention de voter contre l’application du code d’éthique à la prochaine session.
« De manière générale, je ne pense pas que les codes soient une bonne idée et je ne comprends pas pourquoi les professeurs de philosophie ou de chimie devraient adhérer à un code d’éthique », a expliqué Haïvry.