Biden dit à Netanyahu de ne pas entrer à Rafah sans plan « crédible » pour les civils
Dans un appel de 45 minutes, quelques jours après que le président américain a dit que la campagne à Gaza était "excessive", les deux leaders ont évoqué la guerre contre le Hamas, l'aide aux Gazaouis et la libération des otages
Le président américain Joe Biden a déclaré dimanche au Premier ministre Benjamin Netanyahu qu’Israël ne pouvait pas lancer une opération militaire à Rafah, une ville frontalière de Gaza où la population est actuellement très dense, sans un plan « crédible » de protection des civils, a annoncé la Maison Blanche.
L’appel téléphonique entre les deux leaders a duré environ 45 minutes, a fait savoir un responsable de l’administration.
Cela a été le premier entretien entre les deux hommes depuis que Biden a déclaré, jeudi dernier, que la réponse militaire israélienne à Gaza était « excessive« . Cet échange a eu aussi lieu alors que des officiels égyptiens et un diplomate occidental ont indiqué que l’Égypte avait menacé de suspendre le traité de paix signé avec l’État juif si ce dernier devait envoyer des troupes à Rafah – le Caire craint que les combats n’entraînent la fermeture du principal itinéraire utilisé pour l’acheminement des aides humanitaires en direction des civils dans la bande, qui est gouvernée d’une main de fer par le Hamas.
Cette menace de suspension des Accords de Camp David, qui sont un pilier de la stabilité dans la région depuis presque un quart de siècle, a été proférée après que Netanyahu a déclaré qu’il était nécessaire d’envoyer les soldats à Rafah pour gagner la guerre contre le Hamas au sein de l’enclave côtière, un conflit qui dure depuis quatre mois. Le Premier ministre a noté que le groupe terroriste avait quatre bataillons au sein de cette localité.
Plus de la moitié des 2,3 millions de Gazaouis ont trouvé un refuge à Rafah pour échapper aux combats intenses qui déchirent les autres secteurs du territoire. Les habitants se sont entassés dans des campements surpeuplés et dans les refuges placés sous l’égide des Nations unies, à proximité de la frontière. L’Égypte redoute l’afflux massif de centaines de milliers de réfugiés palestiniens -qui pourraient bien ne jamais être autorisés à retourner chez eux un jour.
Dans un entretien accordé dimanche à NBC, Netanyahu a insisté sur le fait que l’opération à Rafah aurait lieu « tout en offrant une porte de sortie sûre à la population civile, de manière à ce qu’elle puisse partir ».
Alors que le journaliste lui demandait, dans cette interview qui a été diffusée dimanche, où la population pourrait aller s’abriter, Netanyahu a répondu : « Vous savez, il y a les secteurs que nous avons nettoyés, au nord de Rafah – il y a plein d’endroits là-bas. Mais nous travaillons actuellement sur un plan détaillé. »
La chaîne de télévision Al-Aqsa, affiliée au Hamas, a cité un responsable du groupe terroriste qui n’a pas été identifié et qui a dit que toute invasion de Rafah ferait « exploser » les pourparlers actuellement en cours, des négociations qui se tiennent par l’intermédiaire des États-Unis, de l’Égypte et du Qatar et qui visent à conclure un accord de cessez-le-feu et à obtenir la libération des otages conservés en captivité par le groupe terroriste au sein de l’enclave côtière.
« Dans les conditions actuelles, nous… ne pouvons pas apporter notre soutien à une opération militaire à Rafah en raison de la densité de la population, » a expliqué le haut-responsable américain lors d’un point-presse qui a suivi l’appel téléphonique entre Netanyahu et Biden.
Il a ajouté que les responsables israéliens avaient dit clairement à leurs homologues américains qu’une « condition préalable » à toute opération militaire à Gaza était le déplacement des Gazaouis qui s’y trouvent actuellement. « Nous avons fait part de nos inquiétudes sur la seule faisabilité d’un tel déplacement », a noté l’officiel américain, semblant ne pas exclure totalement un éventuel soutien apporté par les États-Unis à une telle initiative mais laissant entendre qu’il sera beaucoup plus difficile à obtenir que lors des précédentes phases du conflit.
« Vous avez 1,3 million de personnes à Rafah qui n’ont nulle part où aller. Ils doivent assurément pouvoir partir, être soutenus et nourris », a poursuivi le responsable.
La guerre a éclaté suite à l’assaut meurtrier commis par le groupe terroriste palestinien, le 7 octobre – des milliers d’hommes armés du Hamas avaient franchi la frontière séparant Gaza et Israël par voie terrestre, maritime et aérienne. Ils avaient semé la désolation dans tout le sud du pays, tuant 1 200 personnes et prenant plus de 250 personnes en otage, commettant des atrocités. Ils s’étaient aussi livrés à des violences sexuelles à grande échelle.
Israël, qui s’est donné pour mission de détruire le Hamas, a lancé une campagne militaire à Gaza qui, selon les chiffres avancés dimanche par les autorités chargées de la Santé dans la bande, a fait au moins 28000 morts depuis le début de la guerre. Des chiffres qui ne peuvent être vérifiés de manière indépendante et qui comprendraient à la fois les civils et les terroristes qui ont été tués dans la bande de Gaza, parfois par les tirs de roquette errants des factions palestiniennes qui, manquant leur trajectoire, sont retombées au sein de l’enclave côtière. De son côté, l’armée a indiqué avoir tué plus de 10 000 terroristes à Gaza en plus d’un millier d’hommes armés sur le sol israélien, le 7 octobre.
Selon un compte-rendu de leur entretien téléphonique, dimanche, Biden et Netanyahu ont aussi discuté « des efforts actuellement livrés pour garantir la remise en liberté de tous les otages encore détenus par le Hamas » en plus de l’augmentation « du débit et de la régularité » de l’acheminement des aides humanitaires aux civils de Gaza.
Selon le haut-responsable de l’administration américaine, un tiers de la discussion a été consacrée à un accord potentiel qui permettrait aux otages de recouvrer la liberté. Il a précisé que les parties ont pratiquement mis en place un cadre après avoir surmonté des obstacles importants et que les négociations à venir se focaliseraient sur les différends qui subsistent.
Les négociateurs travaillant sur un cadre, qui consisterait en plusieurs étapes, ont accompli « de réels progrès » au cours des dernières semaines et s’il y a encore des désaccords « significatifs » à régler, a noté l’officiel, « on en est presque là ».
Le responsable américain a aussi réaffirmé le positionnement avancé par Israël qui consiste à dire qu’un accord ne sera possible que si le Hamas est placé sous pression – et que la même chose a été communiquée à l’Égypte et au Qatar, qui ont été les principaux intermédiaires dans le cadre de ces pourparlers.
« Il n’y aura pas d’accord sur les otages à moins que le Hamas soit soumis à des pressions significatives… et nous l’avons dit clairement aux Égyptiens et aux Qataris. La pression militaire israélienne sur le terrain, en particulier à Khan Younès, est bien réelle », a-t-il ajouté.
Biden a aussi réaffirmé « notre objectif commun, qui est d’assister à la défaite du Hamas et de garantir la sécurité à long-terme d’Israël et de sa population », a dit le compte-rendu émis par la Maison Blanche, ajoutant que les deux dirigeants « ont discuté des efforts qui sont actuellement livrés pour s’assurer que tous les otages qui se trouvent encore entre les mains du Hamas seront remis en liberté. »
En ce qui concerne les aides humanitaires, la Douzième chaîne a fait savoir que Biden avait demandé à Netanyahu si des camions parvenaient à entrer dans la bande à travers le poste-frontière de Kerem Shalom au vu des semaines de manifestations, sur la frontière, qui dénoncent le passage de l’assistance humanitaire aux Palestiniens au moment même où les otages kidnappés, le 7 octobre, restent encore en captivité dans l’enclave.
Biden et Netanyahu ont convenu de rester en contact étroit, selon le compte-rendu.
Le site d’information Ynet a aussi fait savoir que Biden avait encouragé Netanyahu à envoyer une délégation au Caire, cette semaine, pour se joindre aux pourparlers sur une potentielle trêve avec les médiateurs. Le directeur de la CIA, William Burns, est attendu mardi en Égypte et Israël aurait prévu, semble-t-il, d’envoyer une équipe de négociateurs avec parmi eux le responsable de l’agence d’espionnage du Mossad, David Barnea et le dirigeant de l’agence de sécurité du Shin Bet, Ronen Bar.
Netanyahu avait indiqué que les demandes soumises par le Hamas – des demandes qui comprennent un cessez-le-feu permanent, un retrait des soldats de Gaza, la reconstruction de l’enclave et la libération d’environ 1500 Palestiniens incarcérés au sein de l’État juif pour atteinte à la sécurité nationale – en échange de la libération des otages étaient « rédhibitoires ».