Israël en guerre - Jour 364

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Bnei Brak : Des Haredim accueillent des diplomates de l’UE dans un mémorial de la Shoah très spécial

Grâce aux collections ultra-orthodoxes de Ganzach, les Juifs ultra-orthodoxes découvrent la Shoah sous l'angle haredi, non seulement historique mais aussi théologique

Matisyahu Grossinger, président du conseil d'administration des Archives du Kiddouch Hachem, musée ultra-orthodoxe de la Shoah à Bnei Brak, allume une bougie commémorative lors d'une cérémonie commémorative le 7 mai 2024. (Yaakov Nachumi)
Matisyahu Grossinger, président du conseil d'administration des Archives du Kiddouch Hachem, musée ultra-orthodoxe de la Shoah à Bnei Brak, allume une bougie commémorative lors d'une cérémonie commémorative le 7 mai 2024. (Yaakov Nachumi)

Face à la vague d’antisémitisme qui « secoue l’Europe et le reste du monde » depuis le 7 octobre dernier, Bruxelles a pris des mesures pour mieux protéger les communautés juives du continent, a déclaré mardi Dimiter Tzantchev.

En présence d’une vingtaine de diplomates européens, l’ambassadeur de l’Union européenne (UE) en Israël a annoncé les mesures prises pour lutter contre les menaces qui pèsent sur les Juifs d’Europe, en insistant sur le fait que les Européens « travaillaient plus que jamais pour lutter contre l’antisémitisme et éduquer les jeunes générations aux traditions juives et aux contributions juives à la vie de l’Europe ».

« La Shoah est une tache indélébile sur l’histoire de notre continent et nous, représentants de l’Union européenne et de ses États membres, considérons qu’il est de notre devoir de veiller à ce que le massacre du peuple juif ne sombre jamais dans l’oubli », a-t-il affirmé.

Le discours peut paraître convenu pour Yom HaShoah, mais le lieu ne l’était pas : Tzantchev s’est en effet exprimé depuis la ville ultra-orthodoxe de Bnei Brak, 24 heures après la célébration officielle de la Journée de commémoration de la Shoah, connue en hébreu sous le nom de Yom HaShoah.

Outre les diplomates européens venus écouter Tzantchev, se pressait une foule nombreuse de Juifs haredim – femmes en jupe longue et perruque et hommes vêtus de costumes noirs avec des tsitsits -. Il y avait par exemple le maire de Bnei Brak, Chanoch Zeibert, et le député de Yahadout HaTorah, Uri Maklev, par ailleurs président de la Commission israélienne des survivants de la Shoah.

Une large part du public connaissait déjà bien, pour y avoir assisté à des cérémonies officielles, le mémorial israélien de Yad Vashem, mais il se trouvait ce jour-là réuni pour une commémoration unique de la Shoah à Ganzach.

L’ambassadeur de l’Union européenne Dimiter Tzantchev prend la parole lors d’une commémoration de la Shoah à Bnei Brak, le 7 mai 2024. (Yaakov Nachumi)

Également connu sous le nom d’archives du Kiddouch Hachem, Ganzach est un musée ultra-orthodoxe dédié à la conservation de la mémoire des Juifs d’avant la Shoah et à mettre en avant la bravoure spirituelle de ceux qui allaient bientôt être anéantis. Le terme hébreu Kiddouch Hachem fait référence aux actions qui « sanctifient » le nom de Dieu.

Après la prise de parole de Tzantchev, les diplomates se sont rendus dans une salle circulaire remplie de fumée pour une présentation sur les « Justes parmi les nations », [référence aux hommes et femmes] qui ont sauvé leurs voisins juifs.

On ne met généralement pas suffisamment l’accent sur les victimes orthodoxes, pas plus que sur l’aspect proprement spirituel de la Shoah, a-t-on expliqué aux diplomates.

Colette Avital, ex-députée et diplomate israélienne actuellement à la tête du Centre des organisations de rescapés de la Shoah en Israël, a expliqué que des générations durant, le génocide européen n’avait pas été un sujet de discussion chez les ultra-orthodoxes.

« Elie Weisel s’est demandé comment Dieu, qui contrôle tout, avait pu laisser faire une chose pareille. C’est l’une des raisons pour lesquelles, je pense, que les Juifs haredim ont éludé la question », a-t-elle suggéré.

« Les rabbins ne savaient pas comment aborder cette crise de la foi aux croyants. C’est l’une des raisons qui font de cette institution un lieu si important. »

La communauté haredi d’Israël commémore la Shoah d’une manière très différente de la plupart des Juifs israéliens. Au lieu d’observer Yom HaShoah, la plupart des Haredim rendent hommage au génocide des Juifs le 10 Tevet, un jour de jeûne mineur.

Bon nombre de jeunes haredim sont empêchés, par leur école ou leur communauté très religieuse, de se rendre en Pologne dans le cadre de la Marche des Vivants, ce programme qui permet à des lycéens juifs de venir à Auschwitz-Birkenau pour la Journée de commémoration de la Shoah.

La commémoration de mardi n’a pas eu lieu le jour de Yom HaShoah afin de permettre aux diplomates d’y assister, a expliqué un porte-parole au Times of Israel.

Rachel Yud, directrice de l’exploitation de Ganzach Rachel Yud, prend la parole depuis un mémorial de la Shoah à Bnei Brak, le 7 mai 2024. (Yaakov Nachumi)

Fondées il y a 60 ans par le rabbin Moshe Prager, les archives du Kiddouch Hachem ont été créées pour combler les vides laissés par Yad Vashem et d’autres monuments commémoratifs de la Shoah, explique Rachel Yud, directrice des opérations.

Selon elle, ces archives – sur la base de laquelle sont conçus des matériels éducatifs et des activités pour les jeunes et qui permettent la conservation des documents d’origine – mettent l’accent sur l’histoire, dans l’avant-guerre, des « belles congrégations » détruites lors de la Shoah ainsi que sur « l’esprit juif » dont ont fait preuve les victimes, dont certaines sont allées très loin pour préserver leur religion et leur culture, même face aux persécutions.

« Nous sommes moins intéressés par ce que les Chrétiens ont fait que par la façon dont les Juifs se sont comportés », commente-t-elle. « Pour nous, c’est ça le plus important. Leurs espoirs, leurs rêves, leurs désirs. Leur foi. Nous parlons de foi et de Dieu. »

Des années durant, les parents haredim n’ont pas parlé de la Shoah à leurs enfants parce que « les rescapés ne voulaient pas parler, et la génération suivante ne savait rien. Ils ne voulaient pas faire face aux questions que cela impliquait sur la foi, mais pas seulement. Ils voulaient avant tout se reconstruire », explique-t-elle.

« Ce passé est effroyable. Mais grâce à nous, les choses changent. »

Interrogée sur la manière dont les archives du Kiddouch Hachem évoquent la question de Dieu au moment de la Shoah, Yud répond : « Il est évident pour nous que Dieu était là, tout comme Il l’était le 7 octobre ».

« Nous ne savons pas pourquoi. Nous ne connaissons pas les considérations du Ciel. Mais il est clair qu’il était là », dit-elle. « Quand nous parlons de la Shoah, nous parlons de l’œuvre de l’homme, pas de celle de Dieu. Où était l’homme pendant la Shoah ? »

En d’autres termes, quelles leçons tirer de la Shoah « pour nous aider à être de meilleures personnes ? »

Charlie Summers a contribué à cet article.

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