Bnei Brak : Les rabbins demandent aux locaux d’ignorer la marche féministe prévue
Ce rassemblement vise à protester contre les discriminations à l'encontre des femmes et contre l'exemption des ultra-orthodoxes du service militaire
Les rabbins les plus influents de Bnei Brak ont appelé les résidents à ne pas interagir avec les participants à une manifestation en faveur des droits des femmes qui devrait avoir lieu jeudi soir dans cette ville majoritairement ultra-orthodoxe.
« Ne vous retrouvez pas dans une confrontation avec les manifestants quoi qu’il arrive et quelle que soit sa forme », a ainsi déclaré le rabbin Yitzchak Isaac Landa, l’un des principaux chefs religieux de la ville, dans un communiqué qui a été signé par plusieurs autres rabbins jeudi, avant la marche.
« Ne réagissez pas face à eux, pour le meilleur pour le pire, ne vous mêlez pas à eux. Et ne vous querellez pas avec eux par crainte de profaner Dieu », dit le communiqué.
Le défilé, qui devrait partir de la ville voisine de Ramat Gan, à proximité, et se terminer avec les discours d’intervenants à Bnei Brak, jeudi soir, vient répondre à des informations transmises ces dernières semaines par les médias – qui portaient sur des fillettes ou des femmes qui ont fait l’objet de contraintes, d’intimidation, ont été ignorées en lien avec leur sexe dans les transports et dans d’autres circonstances publiques. Certaines ont déclaré que des services leur avaient été refusés.
Sur un prospectus annonçant l’événement, les organisatrices issues de plusieurs groupes de défense des droits des femmes ont écrit que « nous le disons aux responsables de la communauté haredi et nous le disons au gouvernement : Nous en avons assez ».
« Nous n’accepterons plus la coercition religieuse, l’exclusion des femmes et les inégalités face aux devoirs qui incombent pourtant à tous », lit-on sur le flyer, faisant référence à l’exemption de service militaire dont bénéficient la majorité des étudiants ultra-orthodoxes en yeshiva. « Nous ne vous permettrons pas de transformer Israël en dictature religieuse, comme peut l’être la Turquie, dans le cadre de votre coup d’état [judiciaire]. »
Le plan de refonte du système judiciaire israélien avancé par le gouvernement cherche à réduire l’autorité des tribunaux qui, selon les critiques, ont pris le pouvoir qui devrait se trouver entre les mains des responsables élus. Les critiques du gouvernement au pouvoir indiquent que le projet de refonte radicale du système judiciaire met en péril les droits des femmes en raison de nombreux développements – notamment des lois permettant la séparation entre les deux sexes dans certains lieux publics ou en octroyant plus de pouvoirs aux tribunaux rabbiniques qui, selon de nombreux observateurs, désavantagent les femmes parce que la loi juive orthodoxe privilégie de facto les hommes dans les procédures judiciaires.
La soirée est animée à Bnei Brak, le jeudi soir – c’est le moment où les jeunes hommes sortent pour dîner dans les nombreux restaurants installés dans le centre-ville. La police n’a pas approuvé la demande faite par les organisatrices de la marche, qui souhaitaient passer au cœur de la localité. Finalement, l’itinéraire approuvé (lien en hébreu) s’étendra du stade de Ramat Gan au carrefour du rabbin Akiva, situé au nord-ouest de Bnei Brak.
Plusieurs personnalités ont critiqué la décision prise d’organiser le rassemblement à Bnei Brak.
Tamar Ish-Shalom, qui présente le journal télévisé sur la Treizième chaîne, a écrit sur X – anciennement Twitter – qu’elle partageait l’impression que les femmes étaient exclues et harcelées par certains ultra-orthodoxes et que les leaders communautaires restaient largement silencieux sur le sujet. Mais « manifester contre une section toute entière de la population, une ville toute entière, hommes, femmes, enfants, ce n’est pas une bonne chose. C’est une erreur au niveau moral qui pourrait bien ne pas servir la lutte, qui est pourtant plus importante aujourd’hui qu’elle ne l’a jamais été ». Elle a aussi estimé que le défilé « n’est pas une bonne chose et il n’est pas nécessaire ».
D’autres ne partagent pas le même point de vue. Tomer Persico, maître de conférences à l’Institut Schechter de Jérusalem et au département de religion comparative à l’université de Tel Aviv, a lui jugé « nécessaire de manifester dans les villes haredim dans la mesure où ces manifestations sont respectueuses ».
Il a écrit sur X que « la population ultra-orthodoxe doit comprendre que ses représentants ont commencé la bagarre avec le public libéral en Israël et que ce public ne laissera pas tomber : Il y aura un prix à payer ».
Une tentative de dialogue entre des haredim et des activistes, hommes et femmes, défavorables au plan de refonte judiciaire gouvernemental, s’était mal terminée, la semaine dernière, dans un bus parti d’Ashdod et qui se rendait à Bnei Brak. Les manifestants étaient montés à bord du bus – où les sexes sont séparés dans la mesure où la ligne est majoritairement empruntée par des ultra-orthodoxes – pour échanger avec les passagers. Une querelle avait éclaté et la rencontre s’était achevée par de furieuses invectives.
Les opposants au plan de refonte du système de la justice israélien ont organisé à au moins deux reprises des rassemblements à Bnei Brak, notamment au centre de la localité, depuis l’investiture du gouvernement actuel, qui est formé du parti du Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu et de cinq formations religieuses. A chaque fois, les manifestations se sont terminées sans incident majeur et les protestataires ont été accueillis par des friandises, des bouteilles d’eau et des visages souriants dans le cadre d’une offensive de charme lancée par les habitants.