Bouchons monstres causés par la fermeture d’Ayalon durant 24h sous pression des Haredim
Un important projet d'installation de passerelle sur l'Ayalon réalisé la nuit de jeudi à vendredi, pour ne pas transgresser le Shabbat
Stuart Winer est journaliste au Times of Israël
La route la plus fréquentée d’Israël a été fermée à la circulation jeudi en début de soirée pour une durée de 24 heures afin de permettre la réalisation d’un important projet d’infrastructure, créant des embouteillages monstres dans l’agglomération de Tel Aviv. L’opération aurait été réalisée un jour ouvrable pour éviter de contrarier les partis ultra-orthodoxes de la coalition qui s’opposent avec véhémence à la réalisation du chantier un week-end, car cela constituerait une violation du Shabbat, le jour de repos des juifs.
La société gouvernementale Ayalon Highways a annoncé jeudi que la route 20 – plus connue sous le nom d’autoroute Ayalon – serait bloquée le long des voies ferrées adjacentes pendant la durée des travaux dans la ville de Rishon Lezion, au sud de Tel Aviv.
L’autoroute a été fermée à la circulation dans les deux sens au niveau du croisement Moshe Dayan. Les voies en direction du sud ont été fermées jeudi à 17 heures et le trafic en direction du nord a été interrompu à 19 heures. Les deux voies devraient rester fermées jusqu’à vendredi à 19 heures, quelques minutes avant le début du Shabbat.
Les véhicules ont été détournés vers d’autres itinéraires afin de contourner le carrefour.
La fermeture a provoqué des embouteillages massifs, car l’autoroute Ayalon relie Tel Aviv à une série de villes le long de la côte méditerranéenne, et même les jours ordinaires, elle est en proie à des embouteillages dans les deux sens.
Comme la semaine de travail de la plupart des Israéliens se termine le jeudi, les embouteillages ont surpris de nombreux navetteurs qui rentraient chez eux pour le week-end. Qui plus est, de nombreux soldats en permission quittent généralement leur base le jeudi soir ou tôt le vendredi matin, ce qui signifie que ceux qui se rendent dans la métropole de Tel Aviv ou en reviennent seront confrontés à d’importants retards, qui pourraient se poursuivre vendredi.
Des ouvriers étaient en passe d’utiliser des grues pour installer un nouveau pont piétonnier de 340 mètres de long reliant la gare Moshe Dayan à un nouveau complexe à Rishon Lezion connu sous le nom de « Complexe 1000 ». Ayalon Highways a déclaré que les sections du pont pèsent jusqu’à 300 tonnes et qu’elles devront être transportées par-dessus la Route 20. Elle a demandé au public de ne pas s’approcher de la zone.
Selon le quotidien Haaretz, le député Moshe Gafni, chef de la commission des Finances de la Knesset, aurait été le fer de lance de cette initiative.
Selon l’article, un plan précédent visant à effectuer les travaux pendant un week-end en mars a été interrompu, apparemment en raison de la pression exercée par les ultra-orthodoxes.
Le ministère des Transports a déclaré dans un communiqué qu’il cherchait à éviter de perturber le « statu quo » – un terme vague décrivant un équilibre fragile entre la religion et l’État en Israël – et que les travaux publics des infrastructures ne sont exécutés le Shabbat que « lorsque des vies sont en jeu. »
Le député Boaz Toporovsky, du parti d’opposition Yesh Atid, a indiqué qu’il avait envoyé une demande de renseignements à la ministre des Transports Miri Regev, exigeant de savoir pourquoi le projet était mené un jour de semaine au lieu du week-end, et si le public serait dédommagé pour les perturbations qui en résulteraient.
La décision d’éviter la réalisation de travaux le Shabbat « est motivée par des considérations politiques, ce qui entraîne des perturbations en semaine et des préjudices économiques », a écrit Toporovsky mercredi. Le projet Ayalon, a-t-il ajouté, « illustre la priorité politique accordée au confort du public et à la stabilité économique ». Y a-t-il une raison non politique à l’arrêt des travaux ? Et le gouvernement dédommagera-t-il le public pour les torts subis ? ».
Plus tard mercredi, le vice-ministre des Transports Uri Maklev de Yahadout HaTorah a déclaré au Parlement que « la valeur de l’observation du Shabbat a son prix, et nous le payons avec une grande joie. »
Lors d’une réunion d’un comité de la Knesset sur la sécurité routière, il a répondu à la question de Toporovsky.
Il a déclaré que réaliser les travaux le Shabbat aurait violé le statu quo entre les communautés religieuses et laïques.
En ce qui concerne l’indemnisation, Maklev a déclaré : « Nous dédommagerons les résidents d’Israël en renforçant le respect du Shabbat. Telle est ma vision du monde. »
Toporovsky a rétorqué qu’il s’agissait d’un « exemple de la conversion d’Israël en un État sombre et religieux. Un État dans lequel ses dirigeants ignorent les citoyens et les dommages qui leur sont causés, et ne font même pas le minimum pour vérifier s’il y a des événements à forte affluence le jour où ils ferment les routes principales ».
Le service ferroviaire a également été interrompu jeudi à 20h30 et ce jusqu’à vendredi 16h dans les gares suivantes : Holon Junction, Holon Wolfson, Bat Yam-Yoseftal, Bat Yam-Komemiyut, et les gares Moshe Dayan de Rishon Lezion. Les trains ne devaient être rétablis que dans la nuit de samedi à dimanche.
Les travaux ont également eu un impact sur les services ferroviaires de la ligne Ashkelon-Herzliya, les trains ne circulant qu’entre Ashkelon et Yavneh, et entre Herzliya et la station Savidor de Tel Aviv. Les trains ne s’arrêteront pas aux stations Hashalom et Haganah de Tel Aviv.
Le quotidien financier The Marker a rapporté que le groupe de défense des droits Israel Hofsheet (Israël libre) avait évalué à 4,9 millions de shekels le coût induit par la réalisation des travaux un jour de semaine au lieu du week-end pour l’économie. Ce coût résulte de la perte de salaire pour les travailleurs, du manque à gagner pour les entreprises, des embouteillages et de l’augmentation de la consommation de carburant. Les économistes du groupe ont déclaré que pendant la période de fermeture, 34 trains auraient dû passer dans la région, ainsi que 500 bus et environ 94 000 véhicules privés.
La semaine prochaine, la Route 1, la principale autoroute reliant Jérusalem à Tel Aviv, sera fermée tous les soirs de la semaine pour terminer les travaux sur un pont ferroviaire. L’autoroute sera fermée de 22 heures à 4h30 du matin du dimanche au mercredi. La nuit du jeudi au vendredi, elle sera fermée de minuit à 9 heures. Une fermeture supplémentaire aura lieu la semaine suivant la nuit du jeudi au vendredi, les 12 et 13 juin, de minuit à 9 heures.
Les 16 et 17 juin, la route 1 sera fermée de 22 heures à 5 heures.
Il est déjà arrivé que des partis ultra-orthodoxes fassent pression pour empêcher la réalisation de travaux d’infrastructure le Shabbat, notamment en 2018 lorsque les travaux ont été interrompus sur un autre pont au-dessus de l’autoroute Ayalon.