Budget : l’opposition dénonce la « capitulation » de Netanyahu face à ses partenaires
Lapid, Gantz, Liberman, Michaeli et Tibi critiquent les fonds alloués aux Haredim, aux habitants des implantations et à l’extrême droite
Les partis d’opposition ont fustigé lundi le Premier ministre Benjamin Netanyahu pour les accords qu’il a conclus avec les partenaires de la coalition afin de s’assurer leurs votes pour le budget 2023-2024, accords qui devraient contribuer à assurer la stabilité à long terme du gouvernement.
Après des négociations marathon, Netanyahu a conclu des accords avec le parti haredi Yahadout HaTorah et le parti d’extrême droite Otzma Yehudit, qui avaient tous deux menacé de voter contre le budget s’il n’incluait pas de fonds supplémentaires pour les communautés ultra-orthodoxes ainsi que pour le ministère du Néguev et de la Galilée.
Bien que peu de gens croient aux menaces des deux partis, étant donné que les sondages indiquent des pertes pour les deux partis en cas d’élections anticipées, un échec de l’adoption du budget d’ici le 29 mai conduirait à l’effondrement du gouvernement. Si la coalition adopte le budget lundi prochain, elle disposera de 22 mois avant d’être à nouveau confrontée à un vote aussi vital.
Les réunions des commissions parlementaires sur le budget se sont poursuivies toute la nuit, jusque dans la matinée de mardi, les représentants de la coalition ayant l’intention d’approuver le paquet au début de la journée de mercredi.
Les sommes importantes que Netanyahu a accepté de verser à Yahadout HaTorah et à Otzma Yehudit en échange de leur accord ont suscité de nombreuses critiques.
« Le prix de la capitulation de Netanyahu s’élève aujourd’hui, à 500 millions de shekels », a tweeté le président de l’opposition, Yair Lapid, en utilisant un chiffre qui représente la somme des montants que le Premier ministre a accepté d’accorder aux deux partis.
Le président du parti HaMahane HaMamlahti, Benny Gantz, a critiqué le budget de manière plus générale, tweetant que « alors que l’on se trouve actuellement dans l’une des périodes économiques les plus difficiles, que le coût de la vie est en hausse, que des centaines de milliers de citoyens luttent pour payer leurs prêts… Netanyahu et son horrible gouvernement entendent faire passer un mauvais budget qui coupe les moteurs de la croissance et qui nuit gravement à l’économie israélienne. »
Il a poursuivi en plaidant auprès des membres de la coalition : « Vous connaissez la vérité. Ne participez pas à la destruction de l’économie israélienne ».
Le chef d’Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman, a également interpellé le ministre des Finances, Bezalel Smotrich, pour son implication dans les négociations budgétaires. Il a ajouté : « Cela ne suffit pas aux pontes ultra-orthodoxes de monopoliser le marché de l’abattage [casher]. Dorénavant, ils massacrent aussi la classe moyenne ».
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La cheffe d’Avoda, Merav Michaeli, a contesté les fonds supplémentaires que Yahadout HaTorah a obtenus pour les étudiants des yeshivot. « Rappelez-moi quelle prime a été versée aux soldats qui ont participé à l’opération Bouclier et Flèche ou aux étudiants qui ne parvenaient pas à joindre les deux bouts. »
Dans des propos tenus lundi lors de la plénière de la Knesset, le député de l’alliance arabe radicale Hadash-Taal, Ahmad Tibi, a soutenu que les sionistes religieux et le mouvement des implantations devraient être les cibles des critiques sur le budget, plutôt que la communauté ultra-orthodoxe. Il a affirmé que les résidents d’implantations sont ceux qui « sucent » le budget, et ce, quelques jours après les vives critiques adressées à l’animatrice de télévision Galit Gutman qui avait comparé les Haredim à des « sangsues ».
Plus tôt lundi soir, Netanyahu a conclu un accord avec le ministre de la Sécurité nationale Itamar Ben Gvir qui verra une augmentation de 250 millions de shekels supplémentaires en 2024 des fonds alloués au ministère du Neguev et de la Galilée. L’argent devrait provenir des fonds non utilisés par d’autres ministères dans leurs budgets de cette année.
Si les excédents étaient insuffisants, le budget de tous les autres ministères serait réduit rétroactivement afin de donner au ministère le montant nécessaire pour 2024.
Quelques heures plus tôt, Netanyahu et Smotrich se sont engagés à augmenter le financement des étudiants ultra-orthodoxes de yeshivot et de leurs familles à hauteur de 250 millions de shekels, en échange du soutien du Yahadout HaTorah au budget de l’État.
À l’instar de l’accord conclu avec Otzma Yehudit, le Likud a déclaré que les fonds seraient transférés du budget actuel sur deux ans.
Le dernier opposant semble être le député d’extrême droite Avi Maoz, qui a menacé vendredi de voter contre le budget si son bureau de l’identité nationale juive ne recevait pas des centaines de millions de shekels qui lui avaient été promis dans le cadre des accords de coalition avec le Likud. Toutefois, comme son parti Noam ne détient qu’un seul siège, son vote n’est pas nécessaire pour l’adoption du budget.
Outre les 4,9 milliards de shekels de fonds discrétionnaires alloués aux écoles orthodoxes et aux érudits religieux à la mi-mai, un autre milliard de shekels a été alloué à un programme de coupons alimentaires réclamé par le parti ultra-orthodoxe mizrahi Shas, ainsi que des fonds supplémentaires pour l’éducation ultra-orthodoxe, la construction d’édifices religieux et le soutien à la culture et à l’identité juives haredi.
Ces demandes combinées ont suscité la colère des secteurs majoritairement laïques de la société israélienne, qui ont critiqué le soutien apporté par l’État aux érudits religieux leur permettant de ne pas devoir travailler ni d’effectuer leur service militaire. Le financement des écoles privées ultra-orthodoxes, qui ne préparent pas bien les enfants à la vie professionnelle parce qu’elles ne sont pas tenues d’enseigner les matières fondamentales telles que les mathématiques, les sciences et l’anglais, a également fait l’objet de critiques.
Avec une augmentation de 5 % entre 2022 et 2023, le budget accroît le déficit d’Israël à un moment où la situation économique est précaire. Le ministère des Finances prévoit des recettes de l’État inférieures aux prévisions initiales, en raison de la contraction du marché mondial et de l’incertitude du marché liée au plan du gouvernement visant à limiter le pouvoir judiciaire.
Les agences de notation internationale ont exprimé leur inquiétude. Moody’s a revu à la baisse les perspectives de crédit d’Israël en avril en raison de la « détérioration de la gouvernance », liée au projet de réforme judiciaire, qui est actuellement interrompu.
Tant l’inflation que le coût de la vie continuent d’augmenter, mais alors que la réduction du coût de la vie était l’une des principales promesses de campagne du Likud et des partis ultra-orthodoxes, on ne trouve aucune mesure significative dans le budget pour lutter contre les facteurs structurels de l’augmentation des prix.
Smotrich a rejeté les critiques selon lesquelles il n’aurait pas abordé la question du coût de la vie, soulignant au contraire les plans visant à aider au développement des régions économiquement moins prospères et éloignées du centre financier d’Israël. Il s’agit d’un plan controversé visant à redistribuer une partie des impôts municipaux des villes commercialement fortes et situées dans le centre vers des régions éloignées qui ne disposent pas d’entreprises locales solides.
Bon nombre de ces promesses sont financées par des fonds discrétionnaires, qui sont passés de 1,2 milliard de shekels en 2022 à 13,7 milliards de shekels pour le budget 2023-2024.