Canada : une 2e organisation sioniste perd son statut d’organisme de bienfaisance ?
Cette décision rare fait suite aux plaintes répétées d'une organisation juive antisioniste concernant des dons accordés aux bases de l'armée israélienne
Après le KKL-JNF, la Fondation Ne’eman perd aussi son statut d’organisme de bienfaisance d’après une notification de l’Agence du revenu du Canada, privant ainsi ses donateurs d’exonérations d’impôts.
Le Fonds national juif (KKL/JNF) a entamé une procédure judiciaire auprès de la Cour d’appel fédérale pour contester cette décision, que son président juge « erronée et injustifiée ».
Dans un communiqué publié sur son site internet, l’organisation accuse l’Agence d’avoir cédé aux pressions exercées par des groupes qui mènent des campagnes qu’elle considère comme antisémites. « En tant qu’organisation d’inspiration sioniste, JNF Canada a de nombreux détracteurs antisémites véhéments qui, selon nous, ont influencé le processus de prise de décision dans cette affaire », indique le communiqué.
La Fondation Ne’eman, qui, comme le KKL-JNF, finance des projets philanthropiques en Israël, n’a pas annoncé qu’elle risquait d’être révoquée et n’a pas répondu à une demande de commentaire de la Jewish Telegraphic Agency. Son site web canadien accepte toujours les dons.
Comme aux États-Unis, la révocation du statut d’organisme de bienfaisance d’une organisation à but non lucratif pour une raison autre qu’un vice de procédure, comme le fait de ne pas avoir rempli les formalités administratives, est rare au Canada.
Ce n’est toutefois pas la première fois qu’un organisme caritatif juif canadien travaillant en Israël perd ce statut. En 2019, un audit de l’ARC a révélé qu’un important organisme à but non lucratif appelé Beth Oloth avait enfreint la loi en soutenant l’armée israélienne.
Cette décision représente une victoire majeure pour les groupes pro-palestiniens au Canada, notamment l’organisation antisioniste Independent Jewish Voices Canada, qui s’est plainte à plusieurs reprises auprès de l’Agence du revenu du Canada au sujet de dons déductibles d’impôts soutenant des projets d’infrastructure sur des bases militaires israéliennes.
Au Canada, comme dans de nombreux autres pays, la loi interdit aux organisations à but non lucratif de soutenir des armées étrangères.
À la suite de ces plaintes, l’Agence a procédé à un audit du KKL-JNF en 2014 et a notifié au groupe, en 2019, son intention de révoquer son statut d’organisme de bienfaisance. Les raisons pour lesquelles l’agence fiscale a décidé d’agir maintenant ne sont pas claires, mais le lobby antisioniste au Canada et l’attention qui lui est portée se sont renforcés depuis le début de la guerre entre Israël et le Hamas en octobre dernier. L’actualité pourrait donc expliquer l’entrée en vigueur de la révocation.
De nombreuses organisations caritatives américaines font des dons qui soutiennent l’armée israélienne, y compris l’achat d’équipements de combat défensifs, comme l’a montré la Jewish Telegraphic Agency.
Ces dons peuvent être contraires à la législation américaine, mais il est peu probable que l’Internal Revenue Service et d’autres agences gouvernementales prennent des mesures répressives à l’encontre de ces activités, selon Daniel Kurtz, célèbre avocat des organisations à but non lucratif et ancien procureur général adjoint de l’État de New York chargé de la division des œuvres de bienfaisance.
« Contribuer directement à une guerre n’est pas de la charité, cela ne fait aucun doute », a déclaré M. Kurtz lors d’une interview. « Vous ne pouvez pas acheter des chars ou des mitrailleuses pour Tsahal, les Russes ou qui que ce soit d’autre. L’achat de matériel pour les soldats n’est probablement pas non plus conforme à la loi. Peut-on aider indirectement ? Je pense que c’est le cas dans une certaine mesure – en apportant un soutien non militaire aux soldats, par exemple en leur offrant des possibilités de récupération ou d’éducation. Ce n’est pas clair. Et, d’un point de vue pratique, il est probable qu’aucune agence n’aura l’estomac assez solide pour la contester ».
KKL-JNF affirme avoir cessé de soutenir des projets de construction sur les bases militaires israéliennes en 2016 au moment où l’Agence du revenu du Canada a fait savoir qu’une telle activité était incompatible avec son statut d’organisme de bienfaisance.
L’organisation a déclaré qu’elle avait proposé de prendre des mesures supplémentaires pour s’assurer que son travail était conforme à la loi canadienne et que l’Agence avait pris sa décision sans lui laisser la possibilité de se conformer à sa décision.
« Comme indiqué sur son site web, l’Agence s’est engagée à explorer les mesures de conformité telles que les lettres d’éducation, les accords de conformité et les sanctions avant de révoquer le statut d’organisme de bienfaisance d’une organisation », a déclaré le JNF dans un communiqué.
« L’Agence n’a pas seulement sauté les étapes 1 à 3, elle a également refusé d’entamer un dialogue avec nous et de prendre en considération nos suggestions de nouveaux objets pour notre organisme de bienfaisance ou de discuter d’un accord de conformité.
Independent Jewish Voices Canada, qui a participé à quatre plaintes contre le KKL-JNF, a salué la révocation.
« Dans une décision stupéfiante mais attendue depuis longtemps, le statut d’organisation caritative d’un fleuron canadien du sionisme prend fin après des décennies de contestations de la part du mouvement de solidarité avec les Palestiniens », a déclaré le groupe dans un communiqué de presse.