Israël en guerre - Jour 643

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Chahut à l’audience sur la nomination du chef du Shin Bet

La Cour ordonne au secrétaire du cabinet et au bureau du procureur général de prendre cinq jours supplémentaires pour trouver une solution au conflit d'intérêts

De vifs échanges durant une audience de la Cour suprême portant sur des recours sur la question de la capacité du Premier ministre Benjamin Netanyahu à nommer le chef du Shin Bet, le 1er juillet 2025. (Yonatan Sindel / FLASH90)
De vifs échanges durant une audience de la Cour suprême portant sur des recours sur la question de la capacité du Premier ministre Benjamin Netanyahu à nommer le chef du Shin Bet, le 1er juillet 2025. (Yonatan Sindel / FLASH90)

Le président de la Cour suprême Isaac Amit a qualifié les interruptions répétées des procédures judiciaires par les députés et les membres du public « d’atteinte à la démocratie » lors d’une audience clé, mardi, sur le droit du Premier ministre Benjamin Netanyahu à nommer le prochain chef de l’agence de sécurité du Shin Bet.

Le chahut continu dans le public a d’abord conduit Amit à suspendre l’audience deux fois, puis à évacuer complètement le tribunal, le président accusant les chahuteurs de tenter de « faire échouer le processus judiciaire ».

L’audience elle-même a été le théâtre d’une rare démonstration publique de désaccord ouvert entre les juges de la Haute Cour. Amit et le juge Alex Stein se sont affrontés sur des questions centrales concernant la capacité du Premier ministre à nommer le prochain chef du Shin Bet, la juge Gila Canfy Steinitz semblant se ranger du côté de Stein.

Les remarques de Stein et Canfy Steinitz sur la primauté de la loi habilitant le Premier ministre à nommer le chef du Shin Bet, sur les complications découlant du conflit d’intérêts de Netanyahu, peuvent être le signe que le tribunal cherchera un moyen d’approuver le candidat du Premier ministre pour le poste, le Major général David Zini.

Et en effet, à l’issue de l’audience, la Cour a rendu une décision enjoignant au secrétaire du cabinet Yossi Fuchs et aux représentants du bureau de la procureure générale de prendre plus de temps pour trouver une solution mutuellement acceptable au problème.

Les juges ont ordonné aux deux parties de comparaître devant eux lors d’une audience le 6 juillet afin de les informer de l’état d’avancement des négociations.

« Nous espérons qu’une solution consensuelle sera trouvée, qui évitera de statuer sur les recours en cours d’examen », a déclaré la cour.

L’audience portait sur deux recours contestant la position de la Procureure générale Baharav-Miara selon laquelle Netanyahu ne détient pas la capacité de nommer le prochain chef du Shin Bet et doit déléguer cette tâche à un autre ministre. La procureure générale a pris cette décision après que la Haute Cour de justice a statué que le licenciement par Netanyahu de l’ancien chef du Shin Bet, Ronen Bar, était illégal en raison d’un conflit d’intérêts dû à l’enquête du Shin Bet sur ses proches collaborateurs et sur leurs liens présumés avec le Qatar. Bar a démissionné de son poste le mois dernier.

Au vu de cette décision, Baharav-Miara avait statué que Netanyahu devait déléguer son autorité à un autre ministre du cabinet pour nommer le remplaçant de Bar, et que le bureau de la procureure générale devrait superviser l’ensemble du processus. Le Premier ministre, néanmoins, avait quand même nommé Zini comme prochain chef du Shin Bet – une nomination que le bureau de la procureure générale n’a pas tardé à déclarer entachée de graves irrégularités.

Un manifestant est expulsé de la Cour suprême à Jérusalem lors d’une audience de la Haute Cour sur des recours portant sur la capacité du Premier ministre Benjamin Netanyahu à nommer un nouveau chef pour le Shin Bet, le 1er juillet 2025. (Yonatan Sindel / Flash90)

Le premier recours, déposé par le groupe Choose Life, qui représente les membres des familles endeuillées des victimes du terrorisme, soutenait que la position de Baharav-Miara nuisait à la sécurité d’Israël en entravant la nomination rapide d’un nouveau chef pour le Shin Bet.

Le second, déposé par le BaShaar – Academic Community for Israeli Society, a avancé l’argument inverse, affirmant que la solution de la procureure générale était trop clémente pour le gouvernement, et que l’ensemble du processus de nomination du prochain chef du Shin Bet devrait être confié à une commission professionnelle non gouvernementale.

L’audience était présidée par Amit, un libéral, accompagné des juges Stein et Canfy Steinitz, tous deux conservateurs modérés.

De vifs échanges durant une audience de la Cour suprême portant sur des recours sur la question de la capacité du Premier ministre Benjamin Netanyahu à nommer le chef du Shin Bet, le 1er juillet 2025. (Yonatan Sindel / FLASH90)

Amit avait également présidé le panel de trois juges qui avait statué sur l’existence d’un conflit d’intérêts pour Netanyahu au moment du renvoi de Bar.

Des interruptions répétées bloquant les procédures

L’audience de mardi a mal commencé. Des membres du public ont interpellé les juges à plusieurs reprises, malgré les avertissements d’Amit qui avait annoncé que toute personne interrompant la procédure, comme cela s’était produit lors de récentes audiences sur des questions épineuses, serait renvoyée.

« Le public n’est pas partie à l’audience », a-t-il prévenu.

Ces avertissements n’ont toutefois eu que peu d’effet et plusieurs personnes ont dû être expulsées de force de la salle d’audience pour avoir hué, hurlé et applaudi à divers intervalles. Un homme a été évacué après avoir insulté le président de la Cour suprême alors qu’il quittait la salle pour une séance à huis clos durant laquelle il devait être mis au courant des derniers développements de l’enquête sur le Qatargate.

Alors que les juges étaient sortis de la salle d’audience, certains membres du public ont également scandé le mot « honte ! » en attendant leur retour.

Plusieurs députés de droite étaient présents, notamment la députée du Likud Tali Gotliv et les députés d’Otzma Yehudit Limor Son Har-Melech et Yitzhak Kroizer.

Le député du Likud Tally Gotliv lors d’une audience de la Haute Cour sur les requêtes concernant la nomination du chef du Shin Bet à la Cour suprême à Jérusalem, le 1er juillet 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/FLASH90)

Gotliv et Son Har-Melech ont été expulsés de la salle d’audience après avoir d’interrompu la procédure en entraînant le public à scander à nouveau le mot « honte ! ».

Gotliv avait interrompu à plusieurs reprises les récentes et très médiatisées audiences de la Haute Cour. Elle avait été expulsée du tribunal durant l’audience d’avril sur le renvoi de Bar par Netanyahu.

Alors qu’Amit tentait de reprendre le cours de l’audience, celle-ci a de nouveau été interrompue, cette fois par Itzik Bonzel – le père d’Amit Bonzel, tué au combat à Gaza en décembre 2023 -, qui a accusé le président de la Cour suprême de créer des divisions dans le public et de normaliser le « harcèlement » des parents endeuillés.

« Toutes les lignes morales et éthiques ont été franchies », a-t-il fulminé, exhortant Amit à suspendre à nouveau l’audience.

Après plusieurs autres interruptions, le président de la Cour suprême a ordonné à l’ensemble du public de quitter la salle pour le reste de l’audience.

Plusieurs personnes qui refusaient de sortir ont dû être évacuées de force, parmi lesquelles des parents endeuillés dont les enfants ont été tués dans des attaques terroristes ou sont tombés au combat.

« Nous avons été témoins d’une tentative de faire échouer un processus judiciaire », a rapporté Amit après la reprise de l’audience sans public. « Je ne connais pas d’autre pays occidental où cela se produit. C’est une véritable blessure infligée à la démocratie. »

Le secrétaire du Cabinet Yossi Fox et l’avocat Michael Rabello assistent à une audience de la Haute Cour de justice concernant des requêtes relatives à la capacité du Premier ministre Benjamin Netanyahu à nommer un nouveau chef du Shin Bet, à la Cour suprême de Jérusalem, le 1er juillet 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/Flash90)

Il a précisé que le fait de faire sortir l’auditoire ne portait pas atteinte au droit du public à accéder aux informations sur l’audience, celles-ci étant diffusées depuis la salle.

Les juges critiquent les deux recours

Durant les plaidoiries du représentant du procureur général Neta Oren, Stein a souligné le fait que les stipulations explicites de la loi de 2002 pour le Shin Bet devaient primer sur le conflit d’intérêts de Netanyahu.

« Quand la loi dit que le Premier ministre nomme le chef du Shin Bet, cela signifie lui, et personne d’autre », a fait valoir Stein, ajoutant que même si Netanyahu était au cœur d’un conflit d’intérêts, « certaines mesures peuvent être prises pour limiter les dégâts » d’une telle situation sans violer la loi elle-même.

Stein a également insisté sur le fait que le Premier ministre avait le pouvoir de contester la position de la Procureure générale, ce à quoi Amit a répondu : « Je ne suis pas d’accord. »

Stein a poursuivi son offensive contre la position de la Procureure générale, exigeant de savoir « comment la solution proposée par la Procureure générale pouvait correspondre » à la loi régissant le Shin Bet selon laquelle « le Premier ministre lui-même » doit nommer le chef du Shin Bet.

Canfy Steinitz, rejoignant les débats, a apporté son soutien à Stern et exigé de savoir pourquoi la Procureure générale n’avait pas réussi à proposer des options moins radicales.

Un homme est expulsé lors des débats sur des requêtes visant à déterminer si le Premier ministre Benjamin Netanyahu peut nommer le chef du Shin Bet à la Cour suprême de Jérusalem, le 1er juillet 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/FLASH90)

« La liste des moyens permettant de gérer un conflit d’intérêts est longue, et la révocation d’un pouvoir statutaire est la dernière option », a-t-elle déclaré.

« Cette nomination [au poste de chef du Shin Bet] est un acte critique, et je n’ai vu aucune autre option être envisagée », a poursuivi le juge.

Plus tôt dans le cours de l’audience, l’avocat Itamar Meron, représentant de l’organisation Choose Life, a soutenu de la même manière que la Procureur générale n’avait manifesté aucune volonté de trouver une solution dans laquelle le Premier ministre pourrait proposer une nomination en évitant tout conflit d’intérêts.

Merton a souligné que Netanyahu lui-même avait suggéré que, pour pallier au problème, le nouveau chef qu’il avait choisi pour le Shin Bet ne soit pas impliqué dans les enquêtes sur le Qatargate.

En réponse, Amit a toutefois fait remarquer qu’une telle décision conduirait à une situation « dans laquelle la personne au coeur d’un conflit d’intérêts annonce qu’elle demandera à quelqu’un d’autre [de s’occuper de l’enquête] ».

« Le Premier ministre, dont les proches collaborateurs font l’objet d’une enquête, décrète qui sera l’enquêteur et quelles seront les limites de l’enquête. C’est une situation problématique », a expliqué Amit.

Le président de la Cour suprême Isaac Amit lors d’une audience concernant la procédure de nomination du chef du Shin Bet, à la Cour suprême de Jérusalem. 1er juillet 2025. (Crédit : Yonatan Sindel/FLASH90)

Le président de la Cour suprême a répété qu’il ne faisait aucun doute que Netanyahu avait créé un conflit d’intérêts en commentant personnellement sur l’enquête du Qatargate visant ses collaborateurs.

« Il ne s’est pas contenté de s’impliquer. Il a dit aux détectives quel serait le résultat [de l’enquête] – qu’ils ne trouveraient rien », a-t-il indiqué. « Si ce n’est pas un conflit d’intérêts, alors je ne sais pas ce que c’est. »

Le général David Zini rendant visite aux familles des soldats israéliens tombés au combat lors de Yom HaZikaron, au cimetière militaire du mont Herzl, à Jérusalem, le 30 avril 2025. (Crédit : Arie Leib Abrams/Flash90)

Amit a également critiqué Netanyahu pour avoir nommé Zini un jour après que la Procureure générale lui a demandé d’attendre qu’elle puisse définir les paramètres de la nomination au vu de la décision de la Haute Cour.

Amit a expliqué aux requérants que si le gouvernement avait adopté une « approche plus pratique » de la question, « il aurait été possible de nommer un chef du Shin Bet sans finir dans cette salle d’audience ».

« C’est ce que la procureure générale a essayé de mettre en place, mais le Premier ministre n’a pas attendu et s’est précipité pour annoncer la nomination », a commenté Amit, qui a suggéré qu’il n’était peut-être pas trop tard et que l’affaire pouvait encore être réglée en dehors de la salle d’audience.

Michael Rabello, un avocat privé représentant Netanyahu, a expliqué aux juges que le Premier ministre avait précipité sa nomination en raison de l’imminence de l’attaque israélienne contre l’Iran.

« Nous étions à la veille du lancement de notre opération en Iran », a-t-il annoncé. « Le Premier ministre ne pouvait pas partager ces informations avec la Procureure générale, et il considérait comme urgent d’avancer le processus de nomination du chef du Shin Bet. »

L’opération en Iran a finalement été supervisée par l’ancien adjoint de Bar, connu sous le nom de « Shin »,  assure l’intérim à la tête de l’agence de sécurité jusqu’à ce que Zini – ou un d’autre – soit officiellement nommé à ce poste.

Le tribunal a également eu des mots extrêmement durs envers l’avocat Ran Shprintzak, qui représente le BaShaar – Academic Community for Israeli Society, qui a exigé dans son recours qu’une commission de sélection indépendante et non gouvernementale soit nommée pour choisir le prochain chef du Shin Bet au lieu du Premier ministre et du gouvernement.

« Pourquoi ne devrais-je pas rejeter purement et simplement ce recours puisque ce que vous demandez n’est écrit dans aucune loi ? », a souligné Stein, ajoutant que nulle part dans la loi sur le Shin Bet il n’était fait mention de la convocation d’une telle commission pour procéder à la nomination.

« Il y a une limite à la durée pendant laquelle nous pouvons débattre de quelque chose qui n’a aucun lien avec la loi. Ce que vous demandez est en dehors de la loi, ce que vous demandez n’existe tout simplement pas », a insisté Stein.

Des membres de l’opposition, dont son chef Yair Lapid, ont condamné les tentatives de déstabilisation de la Haute Cour pendant l’audience, les imputant à la rhétorique dure du gouvernement contre le pouvoir judiciaire.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu lors du Conseil des ministres, à Jérusalem, le 1ᵉʳ novembre 2024 ; la procureure générale Gali Baharav-Miara lors de la cérémonie d’adieu au président par intérim de la Cour suprême, Uzi Vogelman, à la Cour suprême de Jérusalem, le 1ᵉʳ octobre 2024. (Crédit : Amos Ben Gershom/GPO ; Oren Ben Hakoon/POOL)

« La tentative honteuse de faire sauter l’audience d’aujourd’hui résulte de l’incitation continue du gouvernement à se soulever contre la Haute Cour de justice. C’est une menace directe pour la démocratie », a fait savoir Lapid. « Dans le prochain gouvernement, nous adopterons une constitution qui empêchera de tels phénomènes et mettra fin au conflit interne qui ravage la société israélienne. »

Le président du parti Les Démocrates, Yair Golan, a critiqué les députés de la coalition pour avoir pris part aux troubles, affirmant que leurs actions n’étaient qu’un aperçu de ce qu’ils pourraient faire en cas d’échec aux prochaines élections.

« Les émeutes des députés du Likud et des porte-parole de la machine à poison de Netanyahu à la Cour suprême aujourd’hui sont un aperçu de la ‘prise d’assaut du Capitole’ qui aura lieu à la Cour suprême après la défaite de la droite aux prochaines élections », a tweeté Golan, faisant référence aux émeutes du 6 janvier 2021 à Washington, DC après l’échec de Donald Trump à l’élection présidentielle américaine.

La « machine à poison » est le nom que certains critiques avoués de Netanyahu utilisent pour désigner ce qu’ils disent être un réseau d’experts, de journalistes, d’influenceurs et d’activistes dont l’unique tâche est de salir les rivaux politiques du Premier ministre.

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