Cisjordanie: La Cour ordonne à Israël de faciliter le retour des Palestiniens qui avaient fui
Des villageois avaient fui, fin octobre, suite aux violences des habitants des implantations ; la Haute Cour a critiqué la police pour son manque d'enquête, exigeant des mesures pour protéger les civils palestiniens
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
La Cour suprême a ordonné au gouvernement de prendre des dispositions pour faciliter leur retour chez eux d’habitants de deux villages palestiniens de Cisjordanie qui avaient fui les violences commises par les résidents d’implantations extrémistes dans la région des collines du sud d’Hébron, à la fin du mois d’octobre.
À la suite d’une ordonnance provisoire rendue par le tribunal en mai, l’État avait déclaré au tribunal qu’il n’y avait aucun obstacle à ce que les villageois de Khirbet Zanuta et d’Um Darit rentrent chez eux. Lundi, la cour a ordonné à la police, à Tsahal et à l’administration civile du ministère de la Défense d’organiser leur retour dans les plus brefs délais.
Décrivant les violences commises par les habitants des implantations contre les Palestiniens comme « troublantes, et c’est un euphémisme », la Haute Cour a souligné dans son arrêt que le gouvernement et les organismes publics sont tenus de par la loi de protéger tous les résidents palestiniens de la région contre toute violence, et notamment les villageois de Khirbet Zanuta et d’Um Darit, après leur retour dans leurs villages d’origine.
La Cour a également ordonné à l’État de trouver un autre mécanisme par lequel les villageois pourront signaler de telles agressions lorsque la police ne réagit pas assez rapidement.
Elle a souligné que la police était légalement tenue de répondre aux demandes d’assistance des résidents locaux lorsqu’elle est confrontée à des « incidents de violence active » et d’arriver sur les lieux « avec la rapidité appropriée ».
Le tribunal a également réprimandé la police en déclarant que son arrivée sur les lieux n’était pas suffisante et qu’elle devait prendre des mesures d’enquête efficaces, ajoutant que cela « devrait être évident ».
Dans une décision provisoire rendue en mai sur la requête, le tribunal avait noté que la police ne se rendait presque jamais sur le site d’une attaque pour y rassembler des preuves.
Le tribunal a également fait remarquer qu’en dépit des dizaines d’attaques violentes perpétrées contre des résidents palestiniens de la partie sud des collines d’Hébron depuis le 7 octobre – 175 selon les plaignants – aucun acte d’accusation n’a été déposé contre les auteurs des violences, résultat du manque de volonté apparent de la police à enquêter de manière appropriée sur les allégations.
La décision a été prise à l’unanimité par les juges Isaac Amit, Daphne Barak-Erez et Yechiel Kasher.
L’avocat Quamar Mishirqi-Assad, codirecteur de l’organisation Haqel : In Defense of Human Rights, qui représentait les villageois, s’est félicité de la décision, mais il s’est dit préoccupé par le fait que la Cour n’ait pas donné d’ordres plus détaillés. Il a par ailleurs dit craindre qu’en l’absence d’instructions précises, il ne soit difficile de faire respecter les diverses décisions de la Cour.
Au lendemain du pogrom du 7 octobre et des atrocités commises par le groupe terroriste palestinien du Hamas dans le sud d’Israël, il y avait eu un déferlement de violences de la part des résidents d’implantations et d’individus qui avaient été mobilisés dans les bataillons régionaux de défense de Tsahal, en Cisjordanie. Les communautés d’éleveurs – des catégories vulnérables – dans le sud des collines d’Hébron et dans la vallée du Jourdain ont été particulièrement visées par ces violences.
Dans sa première plainte déposée en novembre, Haqel avait souligné que les habitants des implantations et les soldats armés « débarquent presque quotidiennement dans les maisons des résidents, s’amusent à saccager et à ravager les lieux, et à détruire en particulier les infrastructures essentielles » de ces villages.
Les résidents de la région ont également déploré le fait que lorsqu’ils appelaient le centre d’appel d’urgence de la police pendant les attaques, les policiers ne répondaient presque jamais à leur demande d’aide et les invitaient à porter plainte au poste de police de Kiryat Arba. Mais même là, la police ne se rendait que rarement, voire jamais, sur les lieux des incidents violents pour y collecter des preuves et des témoignages, ont indiqué les villageois.
À la suite de ces violences, au cours desquelles des infrastructures villageoises telles que des installations de stockage d’eau essentielles, des panneaux solaires et du matériel agricole avaient été été détruits, plus de 1 000 Palestiniens issus de 15 communautés avaient fui leur domicile.
Les attaques comprenaient des agressions physiques et des menaces de violence et de meurtre, ainsi que du harcèlement pour les bergers.
Khirbet Zanuta comptait quelque 250 habitants, mais fin octobre, tous les habitants étaient partis, ainsi que les trois familles du minuscule hameau d’Um Darit. Les habitants ont depuis trouvé d’autres logements dans les villes et villages voisins, soit chez des membres de leur famille, soit en location.
Dans sa décision de lundi, la Cour a noté que l’État avait accepté de permettre aux résidents de retourner dans leurs maisons et il a demandé aux autorités de faciliter ce retour « dès que possible ».
Les habitants de Khirbet Zanuta qui s’étaient rendus dans le village fin novembre pour voir si un retour sans assistance était possible avaient été harcelés et menacés par des habitants extrémistes des implantations voisines et des avant-postes illégaux.
Cinq jours plus tard, l’école du village, construite par l’Union européenne (UE), avait été démolie lors d’un incident qui, selon la police, aurait fait l’objet d’une enquête – sans déboucher sur d’éventuelles mises en examen. Des étoiles de David avaient été peintes sur ce qui restait de la structure après sa démolition.
Haqel avait également fourni à la police le numéro de la plaque d’immatriculation d’une camionnette dans laquelle les résidents d’implantations étaient arrivés, à partir d’images prises par les villageois, ainsi qu’une vidéo de l’incident montrant les résidents d’implantations proférant leurs menaces, avec leurs visages clairement visibles.
Le secteur du village avait été déclaré zone militaire fermée par Tsahal en décembre, et les habitants des implantations ont depuis érigé une clôture autour du village pour empêcher les habitants d’y retourner.
"Israelis” set up a barbed wire fence around “Zanuta” village to prevent Palestinians from returning. pic.twitter.com/gePareN64q
— Roya News English (@RoyaNewsEnglish) February 1, 2024
En ordonnant à l’État de fournir une méthode alternative qui permettra de joindre les autorités chargées de l’application de la loi au-delà de la ligne téléphonique d’urgence, la Cour a déclaré qu’elle laisserait aux agences de l’État le soin de fixer les détails de cette méthode.
« Nous répétons et soulignons qu’à première vue, la situation décrite par les requérants est troublante – et c’est un euphémisme », ont écrit les juges.
« Les requérants sont des résidents protégés qui ont le droit de recevoir une réponse appropriée de la part des autorités de la région, en particulier lorsqu’il s’agit d’allégations de violences répétées à leur encontre. »
« Les forces de l’ordre de la région sont donc tenues de protéger la sécurité des requérants et de maintenir l’ordre public, même dans les circonstances complexes de la période actuelle. »