Les villages palestiniens abandonnés en raison des violences, déclarés zones militaires
Les villages ont été fermés pour éviter les heurts entre Palestiniens et résidents d’implantations ; seuls les Israéliens auraient dû être interdits d'accès selon l’avocat des demandeurs
Jeremy Sharon est le correspondant du Times of Israel chargé des affaires juridiques et des implantations.
Deux villages palestiniens abandonnés depuis octobre, suite au harcèlement des habitants par des résidents d’implantations extrémistes, ont été déclarés zones militaires fermées par l’armée israélienne, entraînant l’interdiction d’entrer sur les sites sans une autorisation de Tsahal.
Le village de Zanutah et le hameau adjacent d’Anizan, dans les collines du sud de Hébron, ont été soumis à cette mesure, qui interdit aux citoyens israéliens et aux Palestiniens de se rendre dans la localité. Ni les occupants palestiniens ni leurs représentants légaux n’ont été informés des ordres de l’armée.
Dans le même temps, des activistes israéliens qui aident les communautés palestiniennes rurales ont signalé la présence de résidents d’implantations qui sont arrivés sur les sites pour les informer, de même que les journalistes, que le secteur avait été classé zone militaire.
Les habitants de Zanutah et d’Anizan ont abandonné leurs maisons à la fin du mois d’octobre en raison du harcèlement répété des résidents d’implantations radicaux de la région.
La plupart des structures de Zanutah sont illégales car elles ont été construites sans permis. L’Administration civile, qui est chargée de la planification et de la construction dans la zone C de Cisjordanie, où se trouvent les villages, n’a jamais approuvé de plan directeur de construction pour le village.
Au cours du mois d’octobre, des habitants de Zanutah ont été battus, des panneaux solaires alimentant le village ont été détruits, des réservoirs de stockage d’eau ont été vidés et des habitants ont été harcelés, selon des militants et des rapports du groupe de défense des droits de l’Homme B’Tselem.
Le 25 novembre, les habitants de Zanutah sont retournés dans le village et ses environs pour essayer de récolter des olives, mais les soldats de Tsahal et les résidents d’implantations qui étaient présents leur ont dit de partir, a affirmé Quamar Mishirqi-Assad, avocate et co-fondatrice de l’organisation de défense des droits de l’Homme Haqel, qui représente les habitants du village devant les tribunaux.
Lorsque les habitants se sont de nouveau rendus sur place le 29 novembre pour évaluer s’il était possible de retourner dans leur village de façon permanente, des résidents d’implantations, qui seraient originaires de la ferme de Meitarim – un avant-poste dont les résidents sont connus depuis longtemps pour leurs actes de violence et de harcèlement à l’encontre des résidents palestiniens, sont arrivés et les ont menacés de ne pas revenir. affirment les activistes.
Entre cette date et le 4 décembre, dix bâtiments de Zanutah ont été démolis et une école financée par l’Union européenne dans le village a été détruite, des étoiles de David ayant été peintes à la bombe sur les ruines de l’école lors d’une attaque manifeste de résidents d’implantations.
La police a déclaré qu’une enquête était en cours.
Suite à cela, les activistes qui se sont rendus à Anizan pour inspecter le site le 14 décembre ont été accueillis par des soldats israéliens, qui les ont informés que la région faisait l’objet d’un ordre de fermeture de zone militaire.
L’ordre pour Anizan a été émis le 3 décembre et est valable pour 30 jours, mais peut être renouvelé.
Interrogé par le Times of Israel sur les raisons de l’émission des ordres de fermeture de zone militaire, Tsahal a expliqué « qu’au cours du mois d’octobre, les résidents de Khirbet Zanutah ont évacué de leur propre chef les constructions illégales de la région. Récemment, et conformément à l’évaluation de la situation opérationnelle, la région a été déclarée zone militaire fermée et l’entrée sur le site a été interdite aux citoyens israéliens et aux résidents palestiniens afin de prévenir les frictions dans le district ».
L’armée n’a pas répondu à la question de savoir si les résidents palestiniens de Zanutah étaient autorisés à revenir ; elle n’a pas non plus précisé la durée de l’ordre concernant le village.
Me Mishirqi-Assad a souligné que la réponse de Tsahal indiquait que le village de Zanutah était fermé à tous les civils, israéliens et palestiniens, et non uniquement aux Israéliens.
Elle a également noté que des séquences vidéo prises par des activistes montrent qu’à chaque fois qu’ils – ou des journalistes – arrivent, des résidents d’implantations viennent sur le site pour leur dire qu’il s’agit d’une zone militaire fermée et pour « faire respecter » l’ordre, bien qu’ils ne fassent pas partie du personnel militaire.
« Cela soulève des doutes quant à l’intention de l’État de faire revenir les résidents sur le site », a affirmé Me Mishirqi-Assad, notant que dans d’autres régions de Cisjordanie où des résidents d’implantations extrémistes ont perpétré des actes de violence contre des Palestiniens, Tsahal a fermé le site aux seuls Israéliens.
« La réponse indique également que le commandant militaire se soustrait à sa responsabilité de protéger les résidents [palestiniens], puisque selon lui ils sont partis de leur plein gré, malgré les nombreux incidents que nous avons détaillés dans notre recours, et qui prouvent que les résidents ont été expulsés de force par des résidents d’implantations locaux, soutenus par des soldats », a ajouté Me Mishirqi-Assad.
Haqel a déposé un recours auprès de la Haute Cour de justice pour qu’elle ordonne à Tsahal, à la police israélienne et aux autres agences d’État israéliennes de se mobiliser pour protéger les résidents face au harcèlement et aux agressions des extrémistes du mouvement pro-implantation et des soldats réservistes rebelles.