Citant « l’excédent » de soldats, les Haredim rejettent l’idée d’un service égalitaire post-7 octobre
Malgré les appels de l'establishment de la Défense, qui veut enrôler plus de soldats, Yahadout HaTorah menace de quitter la coalition si un seul étudiant doit quitter sa yeshiva
Mercredi après-midi, les membres de la Knesset ont rejeté par 36 voix contre 61 le projet de loi sur la conscription militaire universelle proposé par le président du parti Yisrael Beytenu, Avigdor Liberman.
Le ministre de la Coopération régionale, David Amsalem, s’est opposé à ce projet de loi, qui aurait obligé tous les jeunes de 18 ans à s’enrôler dans l’armée ou à effectuer leur service national sous peine de sanctions légales. Il a insisté sur le fait que le gouvernement ouvrirait un dialogue avec la communauté haredie, ou ultra-orthodoxe, et trouverait une « vraie solution » qui n’obligerait pas les étudiants en yeshiva à interrompre leurs études.
Bien qu’il ne soit pas lui-même Haredi, la rhétorique d’Amsalem a fait écho à celle de ses partenaires de la coalition ultra-orthodoxe, qui continuent d’insister sur le fait que, malgré une mobilisation des réservistes sans précédent dans toute l’histoire d’Israël à la suite du massacre perpétré par le groupe terroriste palestinien du Hamas le 7 octobre, même une guerre potentielle sur deux fronts ne pouvait justifier un appel massif en faveur du recrutement, au sein de Tsahal, des étudiants en yeshiva.
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S’adressant au Times of Israel mercredi, le vice-président de la Knesset Moshe Roth, membre du parti Yahadout HaTorah, a averti que si « un seul étudiant en yeshiva devait fermer son Talmud, il n’y aurait plus de gouvernement ».
« Il y a un excédent de main-d’œuvre. La seule différence avant et après le 7 octobre est le pourcentage de soldats au combat », a-t-il souligné, contredisant la récente déclaration du ministre de la Défense Yoav Gallant selon laquelle « l’armée a besoin de personnel en ce moment ».
Insistant sur le fait que le maintien d’une large base d’étudiants à plein temps était « d’une importance vitale pour le peuple juif », Roth a affirmé que « tant qu’il n’y a pas d’exigence absolue de sécurité nationale » pour plus de soldats, il n’y a pas de besoin de recruter dans les yeshivot.
Les Haredim en âge d’intégrer les rangs de l’armée ont pu éviter le service militaire pendant des dizaines d’années en s’inscrivant pour étudier dans des yeshivot et en obtenant des reports répétés d’un an jusqu’à ce qu’ils atteignent l’âge de l’exemption militaire.
Les étudiants en yeshiva, qui reçoivent des allocations du gouvernement pour leurs études, considèrent souvent l’intégration dans le monde laïc comme une menace pour leur identité religieuse et pour la continuité de leur communauté, ce qui a conduit certains à descendre dans la rue, cette semaine, pour déclarer qu’ils « mourraient plutôt que de s’enrôler ».
« Si on constatait que l’armée fait actuellement appel à des personnels issus de la Radio militaire, à des gens suivant des programmes de formation ou appartenant aux chorales de l’armée, cela indiquerait qu’il y a un plus grand besoin de ressources humaines sur le front ou dans les unités de combat. Mais ce n’est pas le cas », a affirmé Roth.
Jeudi, le chef d’état-major de Tsahal, le lieutenant-général Herzl Halevi, a déclaré que l’enrôlement des Haredim était « la nécessité du moment ».
Alors qu’il y avait un excédent de personnel dans les rangs de Tsahal avant le 7 octobre, l’attaque terroriste a fondamentalement changé les besoins en main-d’œuvre de l’armée, déclare le Dr. Eran Shamir-Borer, directeur du Centre pour la sécurité nationale et la démocratie à l’Institut israélien pour la démocratie (IDI).
Israël est maintenant « dans un processus de redéfinition de sa doctrine de sécurité et de défense » et alors que son dispositif antérieur était considéré comme suffisant, les « besoins immédiats et directs de la guerre » ainsi que la nécessité de renforcer la sécurité des frontières à l’avenir signifient « qu’il y a définitivement un besoin » d’augmenter le recrutement, explique Shamir-Borer.
La Torah est une arme
De nombreux défenseurs du statu quo ont expressément élevé l’étude de la Torah au même niveau que le service dans les rangs de l’armée, insistant sur le fait que ceux qui étudient la Torah ne doivent pas être enrôlés parce qu’ils fournissent une protection spirituelle essentielle, et déclarant que chaque page du Talmud apprise est une arme – « un missile », disent-ils.
“Every Blatt Gemara is a missile. Every Tosfos is a rocket. Every Kapitel Tehillim is a bomb.” Rav Noach Isaac Oelbaum speaking at the Siyum. pic.twitter.com/c4JxQaS4xZ
— Agudath Israel of America (@AgudahNews) October 30, 2023
« La façon d’aider est d’étudier la Torah », a ainsi récemment déclaré au New York Times le rabbin Meïr Tzvi Bergman, membre influent du comité consultatif rabbinique qui dirige Yahadout HaTorah. « Personne ne peut abandonner la Torah. »
Samedi soir, le grand rabbin séfarade Yitzhak Yosef a déclaré que ceux qui apprenaient la Torah ne devaient être enrôlés « en aucune circonstance, quoi qu’il arrive » et que si les étudiants en yeshiva étaient enrôlés de force, les Haredim « partiraient à l’étranger ».
בום.
הראשון לציון הגאון רבי יצחק יוסף:
"שבט לוי פטור מהצבא, לא לוקחים אותם בשום פנים ואופן, יהיה מה שיהיה.
אם יכריחו ללכת לצבא – נסע כולנו לחוץ לארץ! נקנה כרטיסים.. אין דבר כזה! החיילים מצליחים בזכות בני התורה!".
(הדברים נאמרים מהמנהיג הרוחני המשפיע ביותר בציבור המזרחי של ש"ס.… pic.twitter.com/vBjv7LK5W6— ישי כהן (@ishaycoen) March 9, 2024
« Sans la Torah, sans les kollelim, sans les yeshivot, l’armée ne réussira pas », a-t-il déclaré.
Depuis le début de la guerre à Gaza, le gouvernement a mobilisé un total de 287 000 réservistes, annoncé la date d’incorporation anticipée de quelque 1 300 membres des programmes de préparation à l’armée et fait pression pour augmenter de manière significative les périodes de service des conscrits et des réservistes.
Ce dernier plan, présenté par l’establishment de la Défense le mois dernier, a suscité une vive réaction parmi les députés de toutes les tendances politiques et il a donné lieu à de multiples pressions législatives pour mettre fin aux exemptions de facto dont bénéficient les Haredim.
Selon le Directorat des Ressources humaines de Tsahal, quelque 66 000 jeunes hommes de la communauté ultra-orthodoxe ont été exemptés du service militaire au cours de l’année écoulée, ce qui constituerait un record absolu.
Des projets en compétition
Arguant que le fardeau du service militaire est actuellement réparti de manière inégale, Avigdor Liberman, le chef de l’opposition Yaïr Lapid et les ministres HaMahane HaMamlahti Benny Gantz et Gadi Eisenkot – ces deux derniers étant d’anciens chefs de l’armée israélienne – ont tous promu des programmes divergents visant à élargir l’appel sous les drapeaux.
Si Lapid et Liberman sont tous deux convaincus de la nécessité d’imposer des sanctions financières à ceux qui se soustraient au service, leurs approches sont radicalement différentes, Liberman insistant sur le recrutement immédiat de tous les citoyens juifs, musulmans, chrétiens, Druzes et Circassiens dans le cadre du service militaire ou d’un service national alternatif.
« Nous nous trouvons dans une situation beaucoup plus complexe et difficile depuis le 7 octobre et la demande d’une loi sur la conscription militaire n’est donc pas une requête malveillante », a déclaré Liberman lors de la séance plénière de la Knesset mercredi, appelant ses collègues à « s’élever au-dessus de tous les intérêts politiques et à comprendre qu’il s’agit d’intérêts fondamentaux en matière de sécurité ».
« Il ne peut plus y avoir d’histoire d’objectifs et de quotas », a-t-il déclaré dans une critique implicite de Lapid, dont la proposition s’appuie sur un système de quotas pour mobiliser les étudiants en yeshiva précédemment exemptés.
Interrogé sur les raisons pour lesquelles son parti n’a pas collaboré avec Yesh Atid afin d’augmenter les chances de la législation, le député Evgeny Sova (Yisrael Beytenu) a fait valoir que les efforts visant à recruter le nombre nécessaire de soldats pour combler le manque d’effectifs de l’armée ne pouvaient pas être limités aux seuls ultra-orthodoxes. « Nous avons présenté notre position », a-t-il affirmé.
Malgré l’échec du projet de loi lors de sa lecture préliminaire à la Knesset, un porte-parole d’Yisrael Beytenu a promis de continuer à soumettre des projets de loi sur la question et de les promouvoir « par tous les moyens possibles ».
Le projet de loi de Lapid, qui n’a pas encore été soumis au vote, reflète une approche plus progressive, exigeant des yeshivot qu’elles respectent des quotas annuels d’enrôlement en constante augmentation afin de conserver leur budget.
Le nombre de Haredim étudiant la Torah à plein temps et bénéficiant d’un sursis au cours d’une année donnée serait plafonné à 2 000, tandis que les étudiants en yeshiva seraient incités à se former en vue d’une éventuelle intégration dans le monde du travail.
Une ébauche, mais pas un projet de loi
La proposition de Gantz et Eisenkot n’a pas été soumise en tant que projet de loi, contrairement à celles de Lapid et Liberman et elle reste, telle qu’elle est présentée, une simple ébauche.
Les deux hommes ont appelé à la création d’une « direction unifiée du recrutement » pour superviser les exemptions, bien que tous les Israéliens soient finalement tenus d’effectuer une forme ou une autre de service national après le lycée.
Gantz n’a pas proposé de quotas spécifiques pour les recrues ultra-orthodoxes, mais il a indiqué que leur nombre devrait augmenter progressivement d’année en année. Il a également déclaré que si la plupart des haredim seraient incorporés dans le cadre de ce plan, il resterait une « élite qui continuerait à étudier ».
Alors que le statut actuel de la proposition Gantz-Eisenkot reste incertain, Gallant a annoncé la semaine dernière qu’il ne soutiendrait une législation venant régler la question que si elle était approuvée par les deux ministres centristes.
La position de Gallant est susceptible d’anéantir toute chance pour la coalition d’adopter un projet de loi favorable aux Haredim sans s’allier à ceux qui s’opposent à des exemptions à grande échelle.
Cette impasse politique revêt une importance encore plus grande au vu de l’ordonnance rendue la semaine dernière par la Haute Cour de justice, qui a demandé au gouvernement d’expliquer pourquoi il ne devrait pas annuler une résolution gouvernementale adoptée en juin 2023 – une résolution qui ordonnait à Tsahal de ne pas enrôler les étudiants ultra-orthodoxes des yeshivot pendant une période limitée, le temps que la Knesset élabore et adopte une nouvelle législation sur la question.
Selon le bureau de la procureure générale, si la résolution n’est pas prolongée, l’État ne sera pas légalement autorisé à continuer d’exempter les étudiants en yeshiva de la conscription militaire et il sera dans l’obligation de commencer à les enrôler à partir du 1er avril.
À la recherche d’un compromis
Les représentants du parti Yahadout HaTorah sont actuellement engagés dans des discussions internes, au sein de la coalition, afin de « trouver un compromis » qui protégerait ceux qui étudient activement dans les yeshivot, a déclaré Roth au Times of Israel, faisant écho à d’autres politiciens ultra-orthodoxes – dont le leader de Yahadout HaTorah, le ministre du Logement Yitzhak Goldknopf – qui ont exprimé leur volonté de discuter du recrutement militaire des jeunes hommes haredim qui n’ont pas le statut d’étudiant.
« Il y aurait une différence entre les étudiants en yeshiva et ceux qui ne le sont pas. Il y aurait un compromis dans ce sens », a-t-il déclaré.
« Ces étudiants en yeshiva [devraient] être les derniers sur la liste à s’engager, à moins qu’il n’y ait un danger réel, un besoin réel de les enrôler. C’est la position de Yahadout HaTorah », a ajouté Roth.
Interrogé sur la différence avec le statu quo actuel selon lequel ceux qui n’étudient pas sont légalement obligés de servir, Roth a expliqué qu’il y avait actuellement « beaucoup de gens qui sont inscrits à la yeshiva » même s’ils ne sont plus étudiants et « si l’armée veut s’en prendre à eux, ce serait un compromis ».
Quant à savoir comment son parti réagira si la date butoir du 1er avril est dépassée sans qu’un nouvel accord ait été conclu, Roth a répondu que c’était le problème du Premier ministre Benjamin Netanyahu.
« Quiconque souhaite que la coalition continue de fonctionner sans que le gouvernement soit renversé devra proposer une solution », a-t-il noté.
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