Lapid: l’exemption générale de conscription dont bénéficient les haredim « doit cesser »
« Nous avons besoin de nettement plus de soldats. Les effectifs sont trop limités pour faire face à tous les défis », a déclaré le chef de l'opposition à propos du projet de loi sur le service militaire dévoilé par le gouvernement

Le chef de l’opposition Yair Lapid a demandé jeudi que le gouvernement commence à appeler sous les drapeaux les ultra-orthodoxes afin de garantir « le partage de la charge » en matière de service national, expliquant que le statu quo n’étais plus viable depuis l’attaque du Hamas du 7 octobre,
A l’occasion d’une conférence de presse à Tel Aviv, Lapid a demandé aux membres de la coalition, et en particulier au parti du Likud du Premier ministre Benjamin Netanyahu, de s’opposer au projet de loi sur le service militaire récemment dévoilé par le gouvernement, au motif que le débat sur cette loi était un « moment de vérité pour la société israélienne ».
« Nous avons besoin de beaucoup plus de soldats. Les effectifs de l’armée sont trop limités pour tous les défis qui lui incombent », a-t-il déclaré, affirmant que les députés « ne [pouvaient] pas faire passer la politique avant la sécurité ».
Lapid réagissait en cela à un projet de Tsahal présenté par le gouvernement destiné à augmenter le temps de service des conscrits et réservistes afin de remédier aux pénuries de soldats sans pour autant remettre en cause l’exemption globale accordée de facto aux ultra-orthodoxes.
Les ultra-orthodoxes bénéficient depuis longtemps de l’exemption du service militaire, au motif qu’ils voient dans l’intégration au monde laïc une lourde menace pour leur identité religieuse et la préservation de leur communauté.
En s’adressant aux ministres Gadi Eisenkot et Benny Gantz, du parti Kakhol lavan, Lapid a affirmé qu’il était impossible pour ces deux ex-chefs d’Etat-major de Tsahal de « continuer à siéger au sein d’un gouvernement qui adopterait cette loi ».

« Si nous n’apprenons pas à vivre ici ensemble, alors nous mourrons ici ensemble », a-t-il affirmé en donnant du mot « ensemble » la définition « du fait d’avoir tous les mêmes droits et devoirs ».
Loin d’appeler sous les drapeaux les ultra-orthodoxes, qui constituent une partie essentielle de sa coalition, Netanyahu a augmenté leurs prestations sociales afin qu’ils ne ressentent pas de pression économique pour s’intégrer á la société israélienne, a commenté Lapid.
« J’en appelle à nos frères ultra-orthodoxes : il n’est pas possible que vous ne voyiez pas ce que cette loi va faire à la société israélienne », a-t-il poursuivi, fustigeant ce qu’il a décrit comme la « réaction automatique » des politiciens haredim qui voient dans la perspective du service militaire des étudiants de yeshiva un geste de haine.
S’agissant de l’argument selon lequel il n’y a aucun moyen de forcer les ultra-orthodoxes à faire leur service, Lapid a dit : « Nous n’enverrons pas les chars à Bnei Brak », ajoutant que l’idée était de provoquer des effets d’incitation économique en liant « droits et obligations ».
« Nous allons construire une société où tout le monde fera sa part, où ultra-orthodoxes, laïcs et religieux non seulement se battront et mourront ensemble, mais aussi vivront ensemble dans le respect mutuel. Une société au sein de laquelle les enfants laïcs étudieront aussi la Bible à l’école, parce que c’est leur héritage, et où les enfants ultra-orthodoxes étudieront aussi les mathématiques et l’anglais, afin qu’ils puissent subvenir à leurs besoins », a-t-il déclaré.
Interrogé sur la façon de surmonter l’opposition des partis ultra-orthodoxes, véritables faiseurs de rois au sein de la coalition, Lapid a expliqué au Times of Israël que « le pays tout entier a changé » depuis le 7 octobre.
« Nous ne sommes plus les mêmes qu’avant. C’est quelque chose de plus important que nous tous », a-t-il assuré. « Nous somme contraints de reconnaître que nous ne pouvons plus vivre comme avant, parce que les défis qui sont les nôtres aujourd’hui ne sont plus les mêmes, l’armée dont nous avons besoin n’est plus la même, donc il faut que les haredim fassent leur part. C’est notre priorité numéro un en ce moment. »

Selon les projets du gouvernement, la durée du service militaire obligatoire pour les hommes et les femmes combattants ou affectés dans des unités spéciales serait portée à trois ans. Depuis 2015, les hommes effectuent un service de deux ans et huit mois, et les femmes, deux ans.
L’armée israélienne entend également relever l’âge de retraite de la réserve -actuellement fixé à 45 ans pour les réservistes réguliers, 50 pour les officiers et 52 ans pour les personnels affectés à des postes spéciaux -. Le temps de service annuel requis des réservistes augmenterait également dans ce cadre.
Depuis le début de la guerre, le 7 octobre dernier, l’armée israélienne a mobilisé un total de 287 000 réservistes, soit le plus important rappel de réservistes de toute l’histoire d’Israël.
Nombre d’entre eux ont déjà été rendus à la vie civile, mais il est vraisemblable que certains soient rappelés en raison de la poursuite des combats à Gaza et des perspectives de guerre à la frontière nord.
Des députés de l’opposition comme de la coalition ont déclaré que cette nouvelle charge militaire devait incomber à la communauté haredi et non à ceux qui servent ou ont déjà servi. Ils se sont également opposés à l’allocation, au titre du budget 2024 révisé, de millions de shekels à une organisation chargée des demandes d’exemption militaire au bénéfice des ultra-orthodoxes.
Dans une lettre adressée à Netanyahu mardi, le ministre de la Diaspora Amichai Chikli, aidé des députés Moshe Saada et Dan Illouz, a fait savoir qu’il était insupportable que « certains groupes, au sein de la société, assument la charge de la sécurité… tandis que d’autres… continuent de vivre comme si de rien n’était. »
Les trois députés du Likud estiment que cette loi, nécessaire du fait de la guerre, ne devrait toutefois être adoptée qu’à titre transitoire, pour une durée d’un an, et que si l’obligation légale ne suffisait pas, un mélange de dialogue et de réallocation des ressources publiques aux contribuables « qui supportent la charge » pourrait aider à faire bouger les lignes de ce statu quo.

Le principe de la participation accrue des ultra-orthodoxes dans l’armée a également été évoquée lundi par le ministre des Affaires sociales, Yaakov Margi, du parti ultra-orthodoxe Shas.
Dans une interview accordée au site d’information haredi Kikar Hashabbat, Margi a déclaré que si les étudiants à temps plein des yeshivot ne devaient pas être tenus d’effectuer leur service militaire, ceux qui n’y consacraient pas tout leur temps devaient répondre à l’appel sous les drapeaux.
« Je n’arrive pas à expliquer à une mère dont le fils est au front et qui ne dort plus depuis des mois… pour quelle raison [un] garçon ultra-orthodoxe ne va pas se battre », a-t-il déclaré, ajoutant que ceux qui ne sont pas inscrits dans une yeshiva pouvaient même être enrôlés « de force ».
Emanuel Fabian a contribué à cet article.