Colombie: le logiciel Pegasus acheté avec de l’argent du blanchiment – renseignement colombien
Selon le président Gustavo Petro, le logiciel a été acheté en échange de 11 millions de dollars en espèces durant le gouvernement de son prédécesseur et rival politique, le conservateur Iván Duque
Le logiciel espion israélien Pegasus, acquis par la Colombie sous la présidence d’Ivan Duque, a été acheté avec des fonds provenant du blanchiment d’argent, a affirmé lundi le chef des renseignements colombiens.
« Dans l’enquête que nous menons, nous avons la certitude qu’il s’agit de blanchiment d’argent », a déclaré le directeur de la Direction nationale du renseignement (DNI), Jorge Lemus, dans une interview diffusée lundi par la chaîne publique Señal Colombia.
Depuis le début du mois, les autorités colombiennes suivent la piste de l’achat présumé en 2021 du célèbre logiciel espion qui infecte les téléphones portables pour en extraire toutes les données.
Selon le président Gustavo Petro, qui en fait la révélation lors d’une allocution télévisée le 4 septembre, le logiciel a été acheté en échange de 11 millions de dollars en espèces durant le gouvernement de son prédécesseur et rival politique, le conservateur Iván Duque (2018-2022).
Des médias israéliens et colombiens avaient déjà affirmé que la police colombienne utilisait Pegasus, mais cela n’avait encore jamais été officiellement confirmé.
Une fois installé dans un téléphone mobile, Pegasus permet d’accéder aux messageries et données de l’utilisateur mais également d’activer l’appareil à distance pour capter le son ou l’image.
En 2021, 17 médias internationaux avaient révélé que ce logiciel avait été utilisé pour espionner les téléphones de centaines de femmes et d’hommes politiques, de journalistes, de militants des droits humains ou de chefs d’entreprise à travers le monde.
Pas un phénomène nouveau
Toujours selon M. Lemus, NSO Group, le fabricant de Pegasus, a « déclaré l’argent » en Israël. Mais l’argent « est sorti illégalement, ils n’ont laissé aucune trace. Ils ont commis un crime », a accusé le patron du renseignement colombien.
Selon le président Petro, le paiement s’est fait en deux fois, en juin et novembre 2021, via notamment un avion privé transportant le cash de Bogota à Tel-Aviv.
Les représentants du gouvernement Duque ont rejeté ces accusations et nient l’achat du logiciel espion, intervenu au moment où l’administration Duque faisait face à un fort mouvement de protestation dans la rue.
La procureure générale, Luz Adriana Camargo, a annoncé l’ouverture d’une enquête « afin de déterminer une éventuelle responsabilité pénale dans l’acquisition et l’utilisation illégale du logiciel espion Pegasus ». Mais elle a récemment déclaré qu’il n’y avait aucune certitude quant à l’utilisation en Colombie de ce « logiciel très sophistiqué » difficile à retracer.
Gustavo Petro a rompu ses relations diplomatiques avec Israël en mai dernier en raison de la guerre contre le Hamas dans la bande de Gaza, accusant l’Etat hébreu de « génocide » contre les Palestiniens.
Les écoutes téléphoniques ne sont pas un phénomène nouveau en Colombie. Par le passé, le renseignement colombien a à plusieurs reprises écouté des politiciens de gauche, des représentants d’organisations sociales, des journalistes ou des juges de la Cour suprême.
Entre 2006 et 2009, alors opposant, M. Petro a lui-même été victime d’écoutes téléphoniques illégales pour lesquelles le gouvernement a été condamné 2020.
Une proche du président Petro fait l’objet d’une enquête pour avoir espionné une nourrice dans une affaire marquée par la mort d’un policier impliqué à la mi-2023.
En juin dernier, un juge de la Cour constitutionnelle a déposé plainte après des suspicions d’écoutes téléphoniques à son encontre et contre plusieurs de ses collègues magistrats. Le président Petro a démenti avoir ordonné toute écoute illégale.