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Analyse

Comment 2 des plus éminents ministres ont-ils terminé hors de la 21e Knesset ?

Quittant HaBayit HaYehudi pour fonder HaYamin HaHadash, Bennett et Shaked ont présenté un partenariat religieux-laïc novateur. Puis ils ont fait volte-face - la base n'a pas suivi

Jacob Magid

Jacob Magid est le correspondant du Times of Israël aux États-Unis, basé à New York.

Ayelet Shaked, la ministre de la Justice, et Naftali Bennett, le ministre de l'Education, tiennent une conférence de presse pour le parti HaYamin HaHadash le 17 mars 2019 à Tel Aviv. (Flash 90)
Ayelet Shaked, la ministre de la Justice, et Naftali Bennett, le ministre de l'Education, tiennent une conférence de presse pour le parti HaYamin HaHadash le 17 mars 2019 à Tel Aviv. (Flash 90)

Alors que les leaders de HaYamin HaHadash Ayelet Shaked et Naftali Bennett ont réclamé un nouveau décompte après l’échec de leur liste – qui n’a pas réuni suffisamment de suffrages pour leur assurer une représentation à la Knesset – leur sort semble néanmoins encore flou.

Ces deux personnalités qui faisaient partie des ministres israéliens les plus populaires avaient abandonné leur parti HaBayit HaYehudi avec l’objectif déclaré d’élargir le bloc de droite, insistant sur le fait que la formation qu’ils laissaient derrière eux – le navire-amiral du mouvement national-religieux – ne serait pas affecté par leur départ.

Bilan : Ils auront finalement fini par saigner leur ancien parti – qui, de huit sièges, en occupera dorénavant cinq sous l’étendard de l’Union des partis de droite de la nouvelle Knesset – tout ne remportant aucun siège pour leur nouvelle formation HaYamin HaHadash.

Les 138 101 bulletins déposés dans les urnes pour HaYamin HaHadash peuvent avoir été surprenants pour ceux qui avaient suivi les enquêtes réalisées pendant toute la campagne. Les sondages qui, le week-end dernier, indiquaient que cette faction naissante pourrait obtenir jusqu’à six sièges, étaient déjà sans comparaison avec les 10 qui avaient été prédits immédiatement après le divorce d’avec HaBayit HaYehudi. Aucune enquête d’opinion n’avait toutefois laissé entendre que le mouvement de Shaked et Bennett ne parviendrait pas à franchir le seuil électoral, qui est fixé à 3,25 % des votes nationaux.

Alors qu’est-ce qui a mal tourné ?

Pour commencer, les sondages ne sont, en général,  pas considérés comme très fiables. Mais – plus important – Shaked et Bennett, dès le début, ont souffert d’un public-cible et d’un programme trop étriqués. Le mauvais calcul stupéfiant auquel ils se sont prêtés en abandonnant HaBayit HaYehudi signifie que Shaked devra aujourd’hui dire adieu au ministère de la Justice, et que Bennett pourra renoncer à son rêve d’occuper le poste de ministre de la Défense.

La ministre de la Justice Justicer Ayelet Shaked, à gauche, et le ministre de l’Education Nafatli Bennett annoncent la création de HaYamin HeHadash lors d’une conférence de presse à Tel Aviv, le 29 décembre 2018 (Crédit : Jack Guez/AFP)

Forcer les sionistes religieux à choisir

Expliquant sa décision de quitter HaBayit HaYehudi au mois de décembre, Bennett avait affirmé avoir été obligé de reconnaître que « le Premier ministre a compris qu’il a les sionistes religieux dans sa poche ».

En conséquence, avait-il expliqué, sa nouvelle formation établirait « un partenariat réel entre laïcs et religieux ».

Mais il n’avait pas fallu longtemps pour que HaYamin HaHadash change ce message de « partenariat », ayant apparemment conclu qu’il n’attirerait pas suffisamment les électeurs. Les sondages réalisés par la formation auront-ils été à l’origine de cette décision qui devait porter à conséquence, ou Bennett et Shaked auront-ils perdu leur sang-froid et fait volte-face, renonçant à la défense enthousiaste de leurs points de vue plus libéraux sur les questions relatives à la religion et à l’Etat ?

Shaked et Bennett avaient décidé de reprendre pour cible la communauté qui leur avait apporté leurs succès politiques antérieurs : les Israéliens sionistes religieux, connus également sous le terme de nationalistes-religieux. Ils savaient que leur ancienne formation de HaBayit HaYehudi – qui avait ensuite fusionné avec l’Union nationale et Otzma Yehudit pour former la toute nouvelle Union des partis de droite – restait la faction représentative du secteur nationaliste-religieux, mais ils avaient semblé croire que cette base serait suffisamment importante pour que deux listes puissent s’appuyer dessus, paraissant penser également que les électeurs potentiels leur pardonneraient d’avoir déserté HaBayit HaYehudi.

« HaBayit HaYehudi tient davantage d’un parti Hardali« , avait dit Bennett le mois dernier lors d’une session de questions-réponses dans un direct retransmis sur Facebook, se référant au sous-ensemble croissant de l’orthodoxie sioniste israélienne qui domine dorénavant l’Union des partis de droite. En contraste, avait clamé Bennett, HaYamin HaHadash incarnerait « le courant dominant du sionisme religieux en le connectant aux Israéliens laïcs ».

Le parti HaBayit HaYehudi vote en faveur d’une alliance préélectorale avec Otzma Yehudit à Petah Tikva, le 20 février 2019. (Crédit : Gili Yaari/Flash90)

Des pamphlets de HaYamin HaHadash avaient commencé à apparaître dans les synagogues de tout le pays tandis que Shaked, qui est laïque, avait juré que la formation continuerait à consulter de hautes personnalités rabbiniques du camp nationaliste-religieux avant de prendre des décisions politiques.

Une stratégie qui avait entraîné la fureur, encore une fois, des leaders de l’Union de la droite, encore profondément meurtrie du départ soudain du duo, et qui rappelle maintenant publiquement à Bennett et à Shaked qu’ils avaient justifié leur décision de partir de HaBayit HaYehudi en clamant que leur nouvelle formation attirerait de nouveaux électeurs pour le camp de droite.

« Au moment même où ils sont revenus vers la base du mouvement sioniste religieux, ils ont perdu toute leur légitimité d’avoir créé leur parti », a déclaré Idit Silman, nouvelle députée de l’Union du parti de la droite au Times of Israel le jour des élections.

Si ces propos ont naturellement une motivation politique, l’argument selon lequel le camp nationaliste-religieux n’était finalement pas suffisamment large pour soutenir un second parti s’est avéré juste lorsque les résultats ont commencé à émerger dans la nuit de mardi.

HaYamin HaHadash a réussi à remporter une certaine pluralité de votes dans des communautés progressistes (sur le plan religieux) telles qu’Efrat, Alon Shvut et Tekoa, dans le bloc de Gush Etzion, en Cisjordanie. Mais dans les implantations plus radicales ainsi que dans les villes et cités périphériques où vivent la vaste majorité des sionistes religieux, le pourcentage de soutien apporté au parti de Shaked et Bennett a été très faible – loin derrière le Likud et l’Union des partis de droite.

Contrairement à la majorité au sein de la communauté ultra-orthodoxe, les sionistes religieux sont intégrés depuis longtemps dans la société, dispensant leurs votes ( qui équivalent approximativement à 18 sièges) parmi plusieurs formations du spectre politique. Ce qui a laissé une base de plus en plus hardali offrir son appui à HaBayit HaYehudi – suffisamment radicale pour appuyer à une grande majorité une fusion avec la faction extrémiste Otzma Yehudit au mois de février.

Un Israélien vote dans l’implantation d’Efrat, le 17 mars 2015. (AP Photo/Dan Balilty)

Bennett et Shaked avaient espéré que leur nouvelle formation pourrait accueillir les sionistes religieux ayant eu le sentiment que HaBayit HaYehudi était allé trop loin. Alors que des électeurs désillusionnés ont en effet voté pour HaYamin HaHadash, un grand nombre d’autres orthodoxes israéliens libéraux se sont pour leur part tournés vers des formations plus mainstream – ainsi que vers le parti Zehut de Moshe Feiglin, même s’il n’est pas non plus parvenu à franchir le seuil électoral. Ce sont plusieurs milliers de vote qui ont alors été perdus par HaYamin HaHadash.

Avant la création de HaYamin HaHadash, les sionistes religieux intéressés à l’idée de voter pour un parti du secteur n’avaient pas été contraints à décider s’ils étaient plus « mainstream » que « Hardal ». Bennett et Shaked les ont obligés à se poser la question – et ils en ont payé le prix politique.

Pas de taille contre le « gevalt »

La création de l’alliance Kakhol lavan de Benny Gantz a rempli un vide à la gauche du Likud, un espace que Bennett et Shaked n’ont jamais semblé vouloir occuper. Ils se sont placés au contraire à la droite du Likud, comme ils l’ont toujours fait, affirmant qu’un parti HaYamin HaHadash fort serait crucial pour empêcher le Premier ministre Benjamin Netanyahu de faire entrer Kakhol lavan dans la coalition – et pour éventuellement paralyser le plan de paix très attendu du président américain Donald Trump.

Mais au cours d’une campagne pendant laquelle Netanyahu a qualifié Gantz de « faible gauchiste », en proie à des problèmes psychiatriques qui se rend à des commémorations à la gloire des terroristes du Hamas, il est apparu clairement aux yeux de la majorité des électeurs qu’un gouvernement d’unité formé des deux partis majeurs serait hautement improbable. En résultat, les leaders de HaYamin HaYehudi ont perdu leur atout.

Le Premier ministre Benjamin Netanyahu en visite sur le marché Mahane Yehuda de Jérusalem lors de sa campagne électorale, le 8 avril 2019. (Yonatan Sindel/Flash90)

Comme on pouvait s’y attendre et lorsque, durant les jours qui ont précédé l’électeur, Netanyahu a commencé à avertir que Gantz représentait une menace réelle pour son règne prolongé – la campagne dite « gevalt » (appel au secours) du Premier ministre – de nombreux Israéliens de droite ont entendu l’appel et ont voté pour le Likud au lieu de donner leur voix à un parti de droite plus modeste. Et ce sont finalement à ces électeurs que le Likud doit ses 36 sièges, portant également préjudice à l’Union des partis de droite – et ne laissant rien à Bennett et Shaked.

Même la tentative de HaYamin HaHadash de mobiliser les électeurs de la périphérie en plaçant Alona Barkat, propriétaire du Hapoel Beer Sheva, à la troisième place de sa liste, n’a entamé en rien la domination du Likud dans ces communautés.

Les localités du sud, que Barkat avait juré de représenter à la Knesset, ont à peine reconnu HaYamin HaHadash dans les urnes. A Sdérot, Netivot, Ashkelon et Ashdod, HaYamin HaHadash a remporté respectivement 2,8%, 2,8 %, 2,1 % et 2,9 % des votes.

Pas seulement les tribunaux

Au-delà d’avoir choisi un public cible trop étriqué dans un camp nationaliste religieux déjà fracturé, le message de campagne de HaYamin HaYehudi a également été, sans doute, trop étroit.

« Shaked vaincra la Haute cour de justice, Bennett vaincra le Hamas », était-il écrit sur les affiches de campagne collées le long des autoroutes de tout le pays.

La page Facebook d’Ayelet Shaked avec le message : « Shaked vaincra la Haute-cour, Bennett vaincra le Hamas » (Crédit : Facebook)

Tandis que nombreux ont été ceux qui, à droite, ont apprécié la nomination par Shaked de magistrats plus conservateurs à tous les niveaux des tribunaux israéliens et qui ont soutenu son objectif affirmé de faire adopter devant la future Knesset une législation réduisant le pouvoir de la Haute cour à rejeter des lois, cette question largement élitiste a été éclipsée par les inquiétudes sécuritaires et économiques nourries par une grande partie de la population israélienne lorsqu’elle s’est rendue aux urnes.

Concernant Bennett et sa promesse d’éradiquer le Hamas, le niveau insignifiant de soutien reçu par HaYamin HaHadash dans les villes avoisinant la bande de Gaza laisse penser que ces résidents ont largement préféré placer confiance en ce qui concerne leur sécurité entre les mains de Netanyahu qu’entre celles de Bennett.

Religion et Etat

L’ironie de l’histoire, c’est que la promesse faite par Bennett et Shaked lors du lancement de leur campagne – celle d’unir Israéliens laïcs et religieux – avait le pouvoir de modifier les discours à la droite de l’échiquier sur les questions de la religion et de l’Etat.

Un sujet évité comme la peste par les deux personnalités au cours de leur mandat antérieur à la Knesset, sachant que leurs attitudes personnelles envers d’autres courants du judaïsme, la privatisation des services religieux et les droits de la communauté LGBT étaient plus libérales que celles des dirigeants rabbiniques du camp national-religieux qu’ils représentaient.

La création de leur propre formation, non-redevable aux rabbins, leur avait donné une opportunité de présenter des positionnements sur ces questions qui auraient été susceptibles d’attirer un nombre croissant de Juifs religieux libéraux. Ils ont choisi plutôt, une fois encore et de manière incompréhensible, de ne pas aborder le sujet, annonçant qu’ils mettraient en place une commission publique pour débattre des affaires portant sur la religion et l’Etat – après le scrutin, comme par hasard.

Les co-dirigeants de HaYamin HaHadash Ayelet Shaked (à droite) et Naftali Bennett s’adressent aux sympathisants à leur QG de campagne à Bnei Brak, le 9 avril 2019. (Jacob Magid/Times of Israel)

Puis est arrivé le parti Zehut de Feiglin, qui a pris l’aspect d’un parti religieux réclamant la séparation de l’église et de l’Etat. La formation pro-légalisation du cannabis n’a pas franchi, elle non plus, le seuil électoral mais les sondages suggèrent que ses partisans sont en grande partie des jeunes nationalistes-religieux qui auraient pu se rassembler derrière Bennett et Shaked, si tous deux avaient vraiment défendu et détaillé les implications de leur « partenariat laïc-religieux ».

Un ancien responsable de HaBayit HaYehudi a confié au Times of Israel que Shaked s’était initialement opposée au projet de Bennett de quitter le parti. Elle y avait finalement souscrit et le duo avait établi un parti susceptible de créer une scission dans le camp national-religieux. Avec l’échec électoral de mardi, c’est leur partenariat même qui semble aussi être arrivé à sa fin.

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