Comment les écoles juives américaines évoquent les horreurs en Israël avec leurs élèves
Les professeurs se demandent comment parler de l'attaque terroriste du Hamas et font des écoles des lieux de rassemblement pour se recueillir et aider les membres de la communauté
JTA – Le rabbin Binyamin Krauss se balance d’avant en arrière au moment de lire un message émouvant aux élèves de son école juive, lundi matin.
« Il est difficile de vivre dans un monde de ténèbres », dit-il à ses élèves de la SAR Academy, l’école juive du quartier de Riverdale, dans le Bronx, dont il est directeur. « Il est difficile de savoir qu’il y a tant de gens qui nous tiennent à cœur qui sont bouleversés, qui ont peur. »
Lors de la prière du matin diffusée en direct depuis l’école, Krauss ajoute que les enfants – ses élèves – peuvent être une source de lumière et de réconfort pour les autres. « Tous ces gens vont avoir besoin de force, et nous allons faire tout notre possible pour les rassembler ».
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Depuis l’infiltration du Hamas, l’assassinat brutal de centaines d’Israéliens et le début d’une longue et douloureuse guerre, les professeurs juifs se demandent comment évoquer la question avec les élèves, tout en faisant de leur établissement des lieux de rassemblement pour se recueillir et faire le deuil, ensemble, et apporter « lumière et réconfort ». Compte tenu du moment choisi pour l’attaque – un week-end avec une fête juive qui a duré deux jours -, ce lundi matin a pour certains été la première occasion de se confronter à la dure réalité.
« C’est difficile, bien sûr », confie à la Jewish Telegraphic Agency Gary Weisserman, directeur de l’école Bernard Zell Anshe Emet Day School de Chicago. « La situation est très difficile ici. Nombreux sont ceux qui pleurent la perte d’amis ou de parents, sont en contact permanent avec leurs proches blottis dans des refuges ou encore connaissent des réservistes rappelés pour la guerre. La peur est omniprésente, surtout parmi les enfants les plus âgés, mais il est réconfortant de savoir qu’une kehilah [communauté] forte est là, prête à vous aider et vous prodiguer des trésors de gentillesse. »
De nombreuses écoles ont pris des mesures, lundi, pour parler des horreurs du week-end avec leur communauté. Elles ont expliqué à la JTA qu’elles mettaient l’accent sur le sens de la communauté et du soutien. Des prières spéciales ont été organisées, pour les élèves et les familles, et certaines écoles ont invité les familles à prendre part à des rassemblements pro-israéliens ou à faire des dons à l’armée israélienne ou à d’autres causes. Beaucoup ont proposé un soutien psychologique aux élèves et annoncé le renforcement des mesures de sécurité.
« Comme l’ensemble du monde juif, la communauté des écoles juives est profondément et personnellement affectée par cette attaque contre Israël », explique à la JTA Paul Bernstein, PDG de Prizmah, organisation à but non lucratif qui aide les écoles juives et les yeshivas.
« Les dirigeants et enseignants de nos écoles prennent les mesures nécessaires pour aider les élèves, les professeurs, le personnel et les familles, par la prise en charge des traumatismes, l’organisation de prières et de conversations sur Israël. Ils prennent également des mesures pour assurer la sécurité des établissements et prendre part aux efforts de la communauté locale pour soutenir Israël. »
Certaines écoles ont admis que certains messages seraient difficiles, compte tenu de l’expérience personnelle de chacun.
« Nous ferons de notre mieux pour être honnêtes, sans céder à des réactions extrêmes », ont déclaré aux familles les dirigeants de la Kinneret Day School, une école non confessionnelle de New York qui accueille de nombreux enfants israéliens.
À Englewood, dans le New Jersey, un professeur d’hébreu affecté à l’école Moriah dans le cadre d’un partenariat avec l’Organisation sioniste mondiale a été rappelé au titre de la réserve, explique le directeur de l’école, Daniel Alter, dans un courriel aux parents. Alter ajoute que son propre fils, récemment incorporé dans l’armée israélienne, avait été envoyé dans les communautés frontalières.
La Hillel Day School de Farmington Hills, Michigan, qui accueille les enfants de la maternelle à la 4ème, compte un grand nombre d’Israéliens parmi les membres de son personnel. Le directeur de l’école, Darin Katz, affirme lundi que sa priorité est de les aider, ce qui, espère-t-il, « aura ensuite un effet sur les élèves ».
Lorsque vient le moment d’évoquer la question avec les élèves, dit Katz, ce sont souvent eux qui finissent par réconforter les membres du personnel. « Ils font preuve d’une grande gentillesse, d’une grande compassion et d’une grâce incroyables envers leurs enseignants israéliens ».
À Miami, les élèves de la toute nouvelle Jewish Leadership Academy sont rentrés il y a peu d’un séjour d’un mois en Israël, spécificité du programme de cette école et, pour certains, ce fut la découverte d’Israël.
« Cela rend les événements récents encore plus personnels et difficiles », analyse le directeur de l’école, le rabbin Gil Perl.
Lundi, l’Académie des dirigeants juifs s’est réunie pour examiner ce que Perl décrit comme des « informations de fond importantes », comme la définition du Hamas et de la bande de Gaza, avant de répartir les élèves en différents groupes selon leur âge pour des discussions plus approfondies et leur demander d’écrire des lettres aux soldats de Tsahal.
De nombreux professeurs soulignent l’importance d’un dialogue avec les élèves « adapté à leur âge » et disent qu’ils tiendront les plus jeunes à l’écart de certains sujets ou détails. L’école communautaire Milken de Los Angeles, qui accueille les élèves de la 6e à la Terminale, a organisé une « réunion très importante » à l’occasion de laquelle leaders étudiants et professeurs israéliens ont dit des bénédictions pour Israël et pour la paix, explique la directrice de la communication, Tal Barak.
« Nous écouterons attentivement ce que les gens ont à dire et leur apporterons une réponse individuellement », dit aux parents d’élèves Ariela Dubler, directrice de l’école Abraham Joshua Heschel de Manhattan, qui accueille les enfants de la maternelle à la Terminale. « Bien sûr, le plus important, dans toutes les classes, sera l’écoute des élèves, dans le respect de leur vécu et de leurs émotions. »
Plusieurs chefs d’établissement ont demandé aux parents de demander à leurs enfants ce qu’ils savent déjà plutôt que d’essayer de tout leur expliquer. De son côté, la direction du Hannah Senesh Community Day School de Brooklyn a organisé des réunions avec les parents d’élèves afin d’évoquer les problèmes en-dehors de la présence des élèves.
La façon de préparer les enfants d’âges différents gèrent cette épreuve est cruciale pour leur parler du sujet, explique David Bryfman, PDG du Jewish Education Project, un réseau de développement professionnel pour les professeurs juifs.
« Ils peuvent vous poser une question et vous répondez un peu de but en blanc : « Eh bien, ils posent des questions sur la frontière, il faut que je leur montre une carte et revenir sur l’histoire ». « Mais en réalité, leur question est beaucoup plus compliquée, du style : « Pourquoi les gens se détestent-ils ? » Ou « Pourquoi y a-t-il de la haine dans le monde ? » »
Toutes les écoles n’ont pas encore eu à faire face à la crise avec leurs élèves. Certaines écoles orthodoxes sont restées fermées lundi pour permettre aux familles de rentrer chez elles après les vacances de Souccot, comme c’est le cas de Joan Dachs Bais Yaakov-Yeshivas Tiferes Tzvi, la plus grande école juive du Midwest, à Chicago, où plus de 2 000 Juifs orthodoxes se sont rassemblés dimanche soir pour prier pour Israël.
Lundi après-midi, le personnel était encore en train de réfléchir à la meilleure façon de faire face à la tragédie en Israël avec leurs élèves, explique à la JTA le Directeur de l’école, le rabbin Menachem Levine. Il pense que, désormais, le sujet est connu de tous.
Selon toute vraisemblance, dit Levine, la plupart de ses élèves « ont déjà été inondés par les horreurs qui se sont passées ces derniers jours ».
Cela fait partie du problème auquel sont confrontés les professeurs, estime Bryfman.
« Il faut reconnaître que nos jeunes, en particulier les préadolescents et adolescents, vont voir des images et des vidéos d’une extrême violence, que ce soit sur Snapchat, Instagram, YouTube ou TikTok. En tant que professeurs ou parents, nous ne pouvons pas contrôler ces flux ». « Les jeunes ne peuvent pas gérer la même intensité ni le même flux d’informations que les adultes. »
Trouver un juste équilibre, en ces circonstances, avec les programmes normaux est une autre difficulté. Alors que la prière du matin de la SAR tire à sa fin, le personnel et les élèves se sont mis la main sur l’épaule et se sont balancés. Derrière les fenêtres de la salle de classe, des élèves de tous niveaux les ont regardés et écouté chanter « Hatikvah », l’hymne national israélien.
Puis l’écran a projeté l’image du drapeau israélien et Krauss a déclaré solennellement « S’il vous plaît, retournez en cours».
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