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Comment un journal saoudien aide Israël à communiquer avec le monde arabe

Le journaliste druze d’Elaph s'est lancé dans la série d'interviews avec la bénédiction du propriétaire ; le journal n’est pas une voie de communication entre Jérusalem et Ryad

Dov Lieber est le correspondant aux Affaires arabes du Times of Israël

Majdi Halabi, correspondant israélien du site d'information arabe Elaph à Londres (Crédit : Autorisation)
Majdi Halabi, correspondant israélien du site d'information arabe Elaph à Londres (Crédit : Autorisation)

Au cours de l’année écoulée, le site d’information en langue arabe Elaph a publié une série d’entrevues sans précédent menées avec de hauts responsables israéliens. Ont notamment été interviewés,  le chef d’état-major de l’armée israélienne, l’ancien ministre de la Défense, le ministre des Renseignements et le chef de l’opposition.

Les liens d’Elaph avec l’Arabie saoudite ont suscité beaucoup d’intérêt et beaucoup se demandent si les interviews sont un signe de réchauffement des liens entre Jérusalem et Ryad.

Le Times of Israel a récemment rencontré Majdi Halabi, un journaliste israélien qui a conduit et ensuite rédigé les interviews dans un format de questions et réponses.

Halabi, 54 ans, qui a grandi dans le village druze de Galilée Daliyat al-Karmel, a déclaré que les interviews étaient son idée, et que l’éditeur d’Elaph, Othman Al Omeir, a « aimé » cette initiative.

Ce n’était pas une entente secrète entre Ryad et Jérusalem, a déclaré Halabi, mais simplement une histoire de présentation réussie dans les bureaux d’Elaph à Londres

L’éditeur d’Elaph, Othman Al Omeir, qui serait proche du roi Salman d’Arabie saoudite (Crédit : Capture d’écran YouTube)

L’idée était simple, a déclaré Halabi. « Nous sommes un journal publié à Londres. Nous ne sommes pas soumis aux lois des pays arabes, où, à l’exception de l’Egypte et de la Jordanie [qui ont des traités de paix avec Israël], il est illégal pour les journalistes d’interviewer des sources officielles israéliennes. »

Halabi a déclaré que les lecteurs des informations en langue arabe ont toujours eu accès aux déclarations des dirigeants israéliens à travers des sources de seconde main qui soulèvent des doutes quant à l’authenticité ou l’exactitude des citations.

« Nous avons décidé d’aller directement [à la source] », a-t-il déclaré.

Selon de nombreux articles de presse, Omeir, citoyen saoudien et ancien rédacteur en chef du premier journal saoudien, As-Sharq al-Awsat, est très proche du roi saoudien Salmane.

Omeir a fondé Elaph, qui est le premier site d’actualités en langue arabe, en 2001.

Halabi a refusé d’évoquer les liens d’Omeir avec le roi saoudien. Il a au contraire affirmé qu’Elaph était un journal indépendant et financé entièrement par Omeir lui-même.

Omeir a décliné l’invitation à être interviewé par le Times of Israel.

« J’ai obtenu la permission de mon éditeur [pour les interviews]. C’est ce que je sais, et c’est ce que j’ai fait, sans aucune modification de mon travail 99,9 % du temps », a expliqué Halabi.

Capture d’écran d’une interview d’Elaph avec le chef d’état-major de l’armée israélienne, Gadi Eizenkot (Crédit : Capture d’écran)

Après l’interview du ministre israélien des Renseignements et des Transports, Israel Katz, par Halabi, la presse israélienne a annoncé qu’une invitation de Katz visant à accueillir le puissant prince héritier saoudien, Mohammed bin Salmane, en Israël, a été supprimée du projet final, soulignant le fossé qui sépare les deux pays.

Halabi n’a pas nié que l’invitation avait été supprimée de son article, mais il a soutenu que les médias israéliens exagéraient un détail mineur.

« La presse israélienne adore célébrer des choses qui ne sont pas vraiment intéressantes », a-t-il déclaré. « [Katz] l’a invité et en a parlé aux médias israéliens. Mais nous ne l’avons pas jugé intéressant, alors nous l’avons coupé. C’est très simple. Ce n’était pas de la malice ou de la mauvaise volonté. »

Lorsqu’on lui a demandé pourquoi il supprimerait une seule phrase d’une longue transcription d’interview, Halabi a déclaré que « ce n’était pas à ma demande » et que cela « faisait partie du processus d’édition ».

Malgré l’amitié qui lie Omeir au roi saoudien, Elaph est bloqué en Arabie Saoudite. Selon Halabi, cela est dû au ton libéral du site. Cela est le cas depuis le règne du précédent roi saoudien, Abdullah.

Cependant, a souligné Halabi, le blocage de la diffusion d’Elaph en Arabie saoudite est quelque peu grotesque car Omeir a simplement ouvert un nouveau site Web appelé Elaph Journal, qui a exactement le même contenu que le site Web habituel mais qui n’est pas bloqué en Arabie Saoudite.

Plus de 25 % du lectorat d’Elaph Journal provient d’Arabie Saoudite, selon le site Web Similiar Web, qui fournit des données sur des sites Web.

« Je suis un journaliste, pas un intermédiaire »

Les VIP interviewés par Halabi ont profité de l’occasion pour envoyer des messages positifs aux Saoudiens. Comme dans cet exemple étonnant où le chef d’état-major de l’armée israélienne, Gadi Eizenkot, a déclaré qu’Israël était prêt à partager des renseignements avec les Saoudiens pour atteindre leur objectif commun qui est d’endiguer l’influence de l’Iran dans la région.

Le chef de l’opposition israélienne a profité de l’occasion pour qualifier le prince héritier Mohammad Bin Salman de « révolutionnaire » et a déclaré que les Saoudiens devraient jouer un rôle dans l’administration des lieux saints à Jérusalem.

Halabi, cependant, a rejeté l’idée qu’il était en quelque sorte un intermédiaire entre Ryad et Jérusalem.

« Je suis un journaliste. Je ne suis pas un intermédiaire. Je ne sais pas comment négocier. Je sais comment rendre compte de ce qui se passe ici, interviewer les Israéliens et publier l’interview. S’il y a des réactions, c’est déjà une autre histoire », a-t-il souligné.

Majdi Halabi, correspondant israélien du site d’information arabe Elaph à Londres (Crédit : Autorisation)

Halabi a assuré qu’il n’a pas agi en dehors des limites de la procédure journalistique standard pour acquérir ses sujets VIP.

« Je fais des demandes comme tous les journalistes. Je n’ai aucun privilège spécial », a-t-il insisté.

Pour interroger le chef d’état-major de Tsahal, il a déclaré qu’il avait fait une demande auprès du bureau d’Eizenkot à Tel Aviv et qu’il n’avait jamais traité avec le bureau du Premier ministre.

« Le chef d’état-major a été ravi d’être interviewé par un journal arabe », a-t-il confié, ajoutant que l’interview avait eu lieu dans « une atmosphère positive et confortable ».

« De notre point de vue, c’était une grande réussite », s’est-il félicité, ajoutant que l’interview d’Eizenkot avec Elaph a surpris à travers le monde et qu’elle a attiré l’attention sur Elaph à un nouveau niveau.

Halabi a travaillé pendant neuf ans en tant que correspondant du radiodiffuseur public israélien couvrant les affaires palestiniennes et arabes. Il a également travaillé pendant cinq ans en tant que correspondant israélien pour la chaîne de médias libanaise MTV, en dépit du fait que cela ait enfreint les lois et les normes sociales pour un citoyen d’Israël (Halabi est également un vétéran de l’armée israélienne). Il a déclaré que MTV « était à ses côtés » face à de nombreuses menaces et n’a jamais édité ses reportages télévisés.

Les stations d’information arabes recrutent généralement des correspondants de Jérusalem-Est ou de Cisjordanie pour couvrir Israël.

Représenter Israël « tel qu’il est »

Halabi a déclaré que son objectif était de donner au monde arabe une image juste du paysage politique diversifié d’Israël, plutôt que les descriptions myopes souvent trouvées dans la presse arabe.

« J’essaie de représenter Israël tel qu’il est, sans aucun maquillage et sans le présenter comme un monstre. Cela inclut montrer la gauche, la droite et l’armée », a-t-il expliqué.

Halabi a déclaré qu’il prévoyait de mener des entretiens avec des hauts responsables israéliens de tous les bords de l’échiquier politique et de la sécurité. Quelques-unes de ces interviews ont déjà été réalisées ou devraient avoir lieu prochainement, a-t-il ajouté.

« Israël n’est pas monolithique, ce n’est pas qu’un seul homme. Aujourd’hui, [Benjamin Netanyahu] est le Premier ministre. Demain, il pourrait s’agir de [ministre de l’Éducation, Naftali] Bennett. Et dans deux jours, cela pourrait être [chef de l’opposition Isaac] Herzog. Israël n’est pas qu’un seul homme. C’est un pays », a-t-il déclaré.

« Nous essayons de montrer au monde arabe ce qu’il y a ici. »

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