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Carnet du journaliste

Conférence sur le climat marin : Les experts inquiets n’ont que peu de solutions

Le réchauffement de l'eau affaiblit les récifs coralliens et affecte le plancton, les poissons sont privés de nourriture à cause des oursins ; la SPNI appelle à un sursaut collectif

Sue Surkes est la journaliste spécialisée dans l'environnement du Times of Israel.

L'Institut national d'océanographie à Haïfa, au nord d'Israël. (Crédit : Autorisation)
L'Institut national d'océanographie à Haïfa, au nord d'Israël. (Crédit : Autorisation)

Si vous conduisez vers le nord jusqu’à la ville de Haïfa, et que vous jetez un coup d’œil vers la mer étincelante à l’ouest, vous apercevrez peut-être un curieux bâtiment ressemblant à un énorme navire en béton.

Conçu par l’architecte controversé David Yanaï et inauguré en 1976, il se compose de trois blocs de béton reliés par des escaliers et des tuyaux métalliques apparents, et de ce qui ressemble à un pont de bateau au sommet.

Il abrite l’Institut national d’océanographie, qui fait partie de l’Institut de recherche océanographique et limnologique de l’État. Ce dernier comprend également le laboratoire limnologique du Kinneret, au nord du lac de Tibériade, et le centre national de mariculture d’Eilat, sur la mer Rouge, à l’extrême sud.

La plupart des recherches sur la mer Méditerranée sont menées ici et à l’École des sciences marines Charney de l’Université de Haïfa.

Le Pr. Gil Rilov de l’Institut national d’océanographie de Haïfa, dans le nord d’Israël, expliquant comment le pouls d’un mollusque est surveillé pour tester sa réaction à des conditions environnementales spécifiques, le 4 juillet 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

Une grande partie du travail minutieux de l’institut consiste à réaliser des expériences dans des cuves à l’extérieur, au soleil ou à l’ombre, ou dans des conditions fermées et climatisées.

Dans ces bassins, des espèces allant des algues aux poissons en passant par les limaces et les escargots peuvent être isolées ou combinées, observées et soumises à des stress environnementaux tels que la chaleur, la pollution ou des niveaux élevés de dioxyde de carbone, car les scientifiques tentent de comprendre les processus qui se déroulent en mer.

Lors de la visite de l’auteure de ces lignes, l’un des réservoirs contenait un mollusque dont on surveillait le pouls.

Dans un autre se trouvait une espèce d’oursin de la mer Rouge qui, dans son milieu d’origine, joue un rôle positif en mangeant les algues qui, autrement, priveraient les coraux de soleil. Cependant, l’espèce qui a envahi la Méditerranée ravage les algues sur les surfaces rocheuses, laissant peu de nourriture aux poissons herbivores dont se nourrit le mérou, une espèce commercialement importante.

Des oursins dans un bassin de recherche à l’Institut national d’océanographie, à Haïfa, dans le nord d’Israël, le 4 juillet 2024. (Crédit : Sue Surkes/Times of Israel)

La doctorante Iris Preiss a expliqué que l’oursin se propageait dans les zones portuaires de Haïfa, dans le nord d’Israël, et de Tel Aviv, ce qui suggère qu’il pourrait être arrivé dans les eaux de ballast des navires commerciaux.

Jeudi, le Pr. Gil Rilov, scientifique à l’institut, a organisé la première conférence sur les effets du dérèglement climatique sur les mers d’Israël. À cette occasion, il a réuni les plus grands chercheurs marins du pays afin qu’ils se tiennent mutuellement informés de certaines de leurs découvertes.

Il a expliqué aux participants qu’il s’inquiétait du fait que les scientifiques marins ne partageaient pas leurs résultats sur le climat et qu’il souhaitait trouver un moyen de rendre ces résultats plus accessibles aux décideurs et au grand public.

Les chercheurs ont donc présenté successivement des extraits de leurs recherches, dont la plupart sont très préoccupantes.

Corail blanchi sur la Grande Barrière de Corail, en Australie. (Crédit : Acropora, CC BY-SA 3.0, Wikimedia Commons)

Le Pr. Maoz Fine, de l’Institut interuniversitaire des sciences de la mer d’Eilat et de l’Université hébraïque de Jérusalem, a expliqué à ses collègues qu’au cours des 30 dernières années, le monde avait perdu environ la moitié de ses récifs coralliens et qu’en 2050, il n’en resterait plus que 10 %.

Il a déclaré que l’année écoulée avait été la plus dévastatrice pour les récifs coralliens du monde entier, avec le blanchiment de l’ensemble du récif des Keys de Floride et de 80 % de la Grande Barrière de Corail d’Australie. En situation de stress, les coraux deviennent blancs après avoir expulsé les algues qui vivent en symbiose dans leurs tissus.

Fait remarquable, les récifs du golfe d’Aqaba, au large de la côte d’Eilat, étaient stables, a-t-il déclaré, apparemment grâce à une forme de « sélection thermique » lors de leur voyage après l’ère glaciaire, depuis le sud de la mer Rouge, beaucoup plus chaud, il y a des milliers d’années.

Un pétrolier (encerclé en rouge) accostant au port de la société Europe Asia Pipeline, près de la réserve naturelle de récifs coralliens d’Eilat (au premier plan), dans le sud d’Israël. (Crédit : Société pour la Protection de la Nature en Israël)

La menace du dérèglement climatique ne s’arrête pas là

Mais en plus du dérèglement climatique, ils étaient menacés par de « multiples facteurs de stress », allant de la pollution pétrolière, les rejets d’eaux usées, la saumure de dessalement, les produits chimiques et la crème solaire dissoute jusqu’aux déchets plastiques, la surpêche, les espèces envahissantes, la pollution hormonale, les infections microbiennes et virales, et les crues soudaines.

À Eilat, le port pétrolier de la société Europe Asia Pipeline est situé à seulement 650 mètres d’un important récif corallien.

Selon Maoz, le meilleur moyen de protéger les récifs du nord de la mer Rouge est que l’UNESCO déclare la zone patrimoine mondial, mais cela est peu probable tant qu’Israël, la Jordanie, l’Égypte et l’Arabie saoudite n’auront pas déposé une demande conjointe.

Jack Silverman, chercheur principal à l’Institut, a établi un lien entre l’augmentation des niveaux de dioxyde de carbone dans l’eau de mer et l’acidification de l’eau, qui affaiblit la capacité des coraux à construire les récifs.

Une cargaison d’animaux vivants destinés à l’engraissement et à l’abattage en Israël arrive au port d’Eilat, sur la côte de la mer Rouge, le 19 juin 2023. (Crédit : Omri Omessi)

Les cargaisons d’animaux vivants destinés à l’engraissement et à l’abattage dans les pays de la mer Rouge sont une source supplémentaire d’inquiétude, a-t-il poursuivi, en raison des énormes quantités d’eaux usées qu’elles rejettent dans l’eau de mer. Ces effluents contiennent des nutriments qui favorisent la croissance des algues, a-t-il averti, algues qui peuvent étouffer les coraux et les priver de la lumière du soleil.

Le Pr. Amatzia Genin, également de l’Institut interuniversitaire des sciences de la mer d’Eilat et de l’Université hébraïque de Jérusalem, a révélé que les températures des eaux de surface d’Eilat s’étaient réchauffées bien au-delà de la moyenne mondiale au cours des dix dernières années (0,4 °C contre 0,28 °C).

Il a également expliqué comment les températures élevées des eaux de surface limitaient la capacité de ces dernières à se mélanger aux eaux profondes de la colonne d’eau. Ce mélange est essentiel pour la libération de nutriments pour le phytoplancton, qui constitue la base des réseaux alimentaires pour une grande partie de la vie aquatique.

Les températures élevées constituent un problème, mais un changement soudain de température peut être fatal. C’est ce dernier point qui a provoqué la mort massive de plus de 40 espèces de poissons dans le golfe d’Eilat en 2017.

Un poisson-lion, une espèce devenue envahissante en Méditerranée orientale, sur le récif de Shaab Angosh, en mer Rouge. (Crédit : Alexander Vasenin/Wikipedia/CC BY-SA 3.0)

Envahissement de quelque 500 espèces

Rilov, expert des récifs rocheux de la mer Méditerranée, a abordé le problème des espèces invasives, dont quelque 500 ont élu domicile en Méditerranée orientale.

Notant qu’une espèce d’algue envahissante absorbe plus de dioxyde de carbone atmosphérique que les espèces indigènes, il a déclaré qu’il était important de comprendre quelles espèces envahissantes pouvaient contribuer positivement aux écosystèmes ou au commerce.

Le Pr. Jonathan Belmaker, de l’Université de Tel Aviv et du Musée Steinhardt d’histoire naturelle de l’université, a mis en évidence une corrélation entre l’augmentation de la température de l’eau et la diminution de la taille des poissons, ce qui pourrait avoir des conséquences pour la pêche commerciale.

Un pêcheur tenant un gros poisson dans le port de Jaffa, dans le centre d’Israël, le 25 novembre 2006. (Crédit : Jorge Novominsky/FLASH90)

Une table ronde sur la manière dont les scientifiques marins pourraient rendre leurs recherches sur le climat plus utiles s’est terminée avec plus de questions que de réponses.

Ruti Yahel, écologiste marin à l’Autorité israélienne de la nature et des parcs (INPA), a déclaré que si les scientifiques étaient doués pour poser des questions, les décideurs politiques, eux, voulaient des solutions.

Alon Rothschild, qui gère la politique en matière de biodiversité à la Société pour la Protection de la Nature en Israël (SPNI), a ajouté que si la science était importante, « les gens ne prennent pas de décisions pour des raisons rationnelles ».

Selon lui, il faut investir massivement dans la prise de conscience générale sur l’importance de la biodiversité avant que le travail scientifique ne puisse être efficace.

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