Contourner les règles, avec l’aide du personnel médical, pour se faire vacciner
Les doses inutilisées risquant d'être jetées, des professionnels de la santé révèlent aux jeunes Israéliens les lieux où ils peuvent être vaccinés afin d'éviter un gaspillage

JTA – Il y a quelques jours, un soir, Joshua Brook se trouvait avec sa compagne quand il a reçu un message sur un de ses fils de discussion : des vaccins supplémentaires contre la COVID-19 seraient disponibles immédiatement, dans le plus grand stade de football de Jérusalem.
Brook, 29 ans, était sceptique. Plus tôt dans la semaine, il avait reçu plusieurs messages similaires qui se sont avérés être faux. Il a tout de même décidé de tenter sa chance. Lui et sa compagne ont sauté dans leur voiture, et, par les rues sinueuses de Jérusalem, 25 minutes après avoir reçu le texto, ils sont arrivés au stade – qui abrite désormais une gigantesque clinique de vaccination.
Arrivés un peu avant 19 heures, ils ont réalisé qu’ils étaient loin d’être les seuls à avoir reçu ce message. La foule a gonflé de 200 à 500 puis 1 000 personnes qui faisaient la queue, debout, dans une longue file serpentant autour du mur d’enceinte du stade.
À mesure que la nuit avançait, des infirmières sortaient de temps à autre pour inciter les gens à rentrer chez eux, expliquant qu’il n’y aurait pas assez de doses supplémentaires pour vacciner une telle foule. Puis d’autres infirmières sortaient pour annoncer qu’en fait si, il y avait bien des doses supplémentaires.
Lentement, la foule a commencé à se dissiper. À 22 heures, alors que Brook et une cinquantaine d’autres optimistes étaient restés, une infirmière les a admis dans le stade, où ils ont été rapidement pris en charge et ont reçu le vaccin.
Brook a attendu plus de trois heures. Une fois à l’intérieur, il lui a fallu moins de deux minutes pour obtenir l’injection. Le lendemain matin, il a constaté que le rendez-vous pour sa deuxième injection apparaissait déjà sur l’application de son assurance maladie.
« Il y a beaucoup de messages WhatsApp qui circulent affirmant qu’à certains endroits, ils ont du rab, mais arrivés sur place les gens découvrent que l’information est fausse », a-t-il déclaré. « J’ai eu la chance d’y aller la seule fois où c’était vrai. »

Israël a déjà administré la première dose du vaccin à plus de 2,4 millions d’adultes sur une population totale de 9 millions d’habitants, la proportion la plus élevée au monde. Environ 800 000 Israéliens ont reçu les deux doses.
Le succès de la campagne de vaccination d’Israël – parallèlement à une forte hausse du nombre de cas de COVID – est dû notamment au système de santé universel du pays, à son expertise technologique et à sa petite taille. Mais c’est aussi parce que des Israéliens comme Brook ont sauté sur l’occasion d’obtenir leurs injections, qu’ils y soient techniquement autorisés ou non.
Lorsque Brook a reçu sa première injection, la campagne nationale de vaccination était limitée aux gens de plus de 60 ans et au personnel médical particulièrement exposé. Elle a depuis été étendue à toute personne de plus de 40 ans, et le gouvernement espère que tous les adultes seront vaccinés d’ici la fin du mois de mars.
Mais en Israël, les règles sont souvent considérées comme un simple obstacle à surmonter. Et grâce au système de distribution, de nombreuses personnes non-éligibles ont pu obtenir le vaccin.
Le système de santé israélien utilise le vaccin développé par Pfizer-BioNTech, qui doit être conservé à des températures ultra-basses et utilisé dans un court laps de temps après avoir été déballé. Les doses ont une courte durée de conservation et ne peuvent pas être recongelées, de sorte que les centres de vaccination s’efforcent d’utiliser toutes les doses qu’ils ont reçues.

« L’explication que j’ai entendue est généralement admise : ils sortent les boîtes du congélateur et ne peuvent pas les y remettre », a déclaré Rafi, un homme de Beit Shemesh proche de la cinquantaine, qui a refusé de donner son nom de famille. « Si les gens ne se présentent pas au rendez-vous, ou s’ils ont moins de rendez-vous que de flacons, ils les donnent à n’importe qui plutôt que de les jeter. »
Ainsi, le système de santé israélien, géré par quatre réseaux d’assurances maladie, a distribué les surplus de vaccins, les infirmières envoyant fréquemment des invitations non-autorisées officiellement sur WhatsApp, qui sont ensuite largement partagées sur les réseaux sociaux.
« [Ceux] qui veulent se faire vacciner sont invités à la clinique du 21, rue Herzl [à] Hadera », a annoncé l’un de ces messages à un groupe Facebook appelé « Vaccins Corona entre amis », qui compte 62 000 membres. « Ils ont dit qu’il n’y avait pas de limite d’âge. »
« Merci, nous avons pu nous faire vacciner ! », a répondu quelqu’un le lendemain matin.
Les travailleurs de la santé ne sont en fait pas autorisés à envoyer de tels messages. Mais une infirmière a déclaré que les responsables avaient tendance à fermer les yeux.
« Il y a des tonnes de rendez-vous vacants, donc personne ne prend les doses de quelqu’un d’autre », a déclaré l’infirmière, qui n’a pas donné son nom par peur d’avoir des ennuis pour avoir envoyé les SMS. « Malheureusement, cela doit se faire de manière non-officielle. »

Le gouvernement a sévi contre certains hôpitaux qui ont enfreint les règles. Au début du mois, il a cessé de fournir des vaccins à l’hôpital Ichilov de Tel Aviv, pour avoir vacciné des milliers d’enseignants dans sa clinique temporaire sur la place Rabin dans le centre-ville. Le gouvernement a soutenu que l’hôpital avait enfreint les directives de vaccination, ce que l’hôpital a contesté. Neuf jours plus tard, l’hôpital a annoncé qu’il rouvrirait la clinique.
Il a également été signalé que les employés des hôpitaux israéliens se procuraient illicitement des vaccins pour les membres de leur famille. Des membres du personnel du bureau du Premier ministre ont eux reçu le vaccin alors qu’ils n’étaient pas éligibles, a précédemment rapporté le Times of Israël.
Une personne ayant enfreint les règles redoutait une stigmatisation sociale. Moshe, de Haïfa, dans le nord du pays, a reçu son vaccin en se rendant au centre de vaccination juste avant la fermeture. Il a demandé que son nom et son âge ne soient pas publiés afin d’éviter toute sanction suite à sa vaccination précoce.
Mais aucune des autres personnes interviewées par l’agence de presse JTA n’a semblé partager cette préoccupation. À l’inverse, les Israéliens qui se sont fait vacciner alors qu’ils ne remplissaient pas les critères requis ont plutôt tendance à s’en vanter, à publier des photos sur les réseaux sociaux et à exprimer leur soulagement.
Et Moshe a été se faire vacciner malgré tous ses scrupules. À la clinique, il a demandé si des vaccins étaient disponibles.
« L’infirmière à l’entrée n’était pas sûre, mais une dame qui quittait [la clinique], qui avait clairement moins de 60 ans, a dit que oui », se souvient-il. « Alors l’infirmière m’a dit d’aller dans la salle 18, la dame a noté mon nom et mon numéro d’identification, et sept minutes plus tard, j’ai été appelé et j’ai reçu le vaccin. »
Les Israéliens ne sont pas seulement allés dans les cliniques de leur lieu de résidence. Des milliers d’Israéliens juifs se sont rendus dans des villages arabes israéliens, où le taux de participation à la campagne de vaccination est moins élevé que dans les communautés juives.
« J’aime le fait que nous vaccinions ensemble, ici, Juifs et Arabes, et que nous mettions fin à la pandémie ensemble », a déclaré un Juif israélien au Times of Israël. « Ça me réjouit. »

Alors que le nombre de vaccinations augmente en Israël, les cas de COVID flambent dans tout le pays. Mercredi, le pays a enregistré un taux de tests positifs de 9 %.
À la lumière de ces chiffres, ceux qui ont pu être vaccinés rapidement sont heureux de ne pas avoir eu à attendre – même si cela impliquait de contourner les règles. Rafi, l’homme de Beit Shemesh, a déclaré qu’une fois entré dans la clinique, se faire vacciner avait juste nécessité un peu d’insistance.
« J’ai demandé à une infirmière si je pouvais l’obtenir, elle était très gentille et agréable et m’a dit bien sûr », explique-t-il. « Quand ce fut mon tour, c’est une autre infirmière qui était disponible. Elle m’a demandé pourquoi j’étais là et qui m’a dit que je pouvais être vacciné. J’ai dit que l’autre infirmière avait dit que je pouvais l’obtenir. Elle a froncé les sourcils et a dit ‘Ok’. »
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