Danny Yatom : le spectacle de Netanyahu sur l’Iran n’apportait « rien de nouveau »
L'ancien chef du Mossad et député travailliste, enjoint les Etats-Unis à ne pas quitter l’accord sur le nucléaire mais plutôt à le régler
Un ancien chef de l’agence de renseignement d’Israël, le Mossad, a déclaré mercredi que les documents révélés par le Premier ministre Benjamin Netanyahu lors d’une conférence de presse diffusée en prime-time ne contenaient aucune nouvelle information sur le programme nucléaire de l’Iran, et que les Etats-Unis devraient corriger l’accord sur le nucléaire plutôt que de le quitter.
« Les dossiers sur le programme nucléaire ne prennent pas l’Iran la main dans le sac, parce que la main est sortie du sac il y a bien longtemps », a-t-il déclaré.
« Cela a été une opération fantastique organisée par les renseignements israéliens, qui a permis d’obtenir beaucoup de documents », a déclaré Yatom à la radio militaire. Il a été à la tête de l’agence d’espionnage entre 1996 et 1998 jusqu’à sa démission à la suite de la tentative d’assassinat ratée du chef du Hamas Khaled Meshaal. « Mais ce sont de vieux dossiers qui remontent à avant 2015. »
Yatom réagissait aux informations présentées publiquement par Netanyahu lundi, révélant que des espions israéliens avaient dérobé environ 100 000 documents et dossiers d’archives détaillant les ambitions et les recherches de Téhéran pour obtenir des armes nucléaires dans les années précédentes de la signature de l’accord.
L’accord signé en 2015 entre l’Iran et les puissances du monde a permis de soulager Téhéran de sanctions douloureuses en échange d’un arrêt de son programme nucléaire.
Tout en contestant le caractère nouveau des informations prises à l’Iran, Yatom a déclaré que ces informations sont peut-être nouvelles pour de nombreux pays et que cela pourrait les persuader que « les Iraniens mentent et trichent constamment » et que l’accord sur le nucléaire devrait donc être modifié.

Mardi, Ram Ben-Barak, un ancien directeur assistant du Mossad qui appartient maintenant au parti d’opposition Yesh Atid, a déclaré qu’il était « convaincu qu’une majorité absolue des officiels du renseignement et militaires était opposée à cette présentation ».
« Quel était l’intérêt, si ce n’est pas la fierté nationale, de diffuser tout cela avec une telle mise en scène, comme si vous dévoiliez un nouveau téléphone révolutionnaire au monde ? », a-t-il demandé.
La présentation, très soignée, de Netanyahu en direct à la télévision lundi est intervenue à l’approche de la décision par le président américain Donald Trump pour le 12 mai quant à savoir s’il se retirera de l’accord sur le nucléaire.
Trump et ses alliés du Moyen-Orient, particulièrement Israël, considèrent que l’accord scellé par le président américain de l’époque Barack Obama est trop faible et a besoin d’être changé par un accord plus durable avec en complément des contrôles sur le programme de missiles de l’Iran. Dans les commentaires sur l’accord, Netanyahu a publiquement incité Trump « à le corriger ou à le quitter ».
Les révélations des renseignements d’Israël sur les possibles ambitions nucléaires de l’Iran ont rencontré le scepticisme des dirigeants mondiaux qui soutiennent l’accord, dont beaucoup ont souligné qu’il n’y avait pas de véritable preuve que le pacte de 2015 avait été violé.
L’Iran a toujours nié qu’il cherchait à obtenir une arme nucléaire, insistant que son programme atomique était pour des objectifs civils.
Le Premier ministre a déclaré lundi, et dans d’autres entretiens, que l’Iran avait menti au monde au sujet des recherches sur ses armes nucléaires, et il demandait aux Etats-Unis de « faire ce qui s’impose » quand il devra décider ou non de se retirer de l’accord nucléaire de 2015.
Yatom a déclaré que les documents sont importants parce qu’ils prennent en compte de nombreuses différentes questions liées au programme, mais il a ajouté que ces questions n’étaient pas pertinentes dans la réalité actuelle.
« Aujourd’hui, la situation est différente. Le spectacle du Premier ministre n’a pas pointé la moindre violation de l’accord entre Téhéran et les puissances mondiales, a-t-il déclaré en notant tout de même que l’exploit du Mossad constituait une source de grande fierté.
En ce qui concerne la date butoir de Trump pour décider du retrait ou non de l’accord sur le nucléaire, Yatom a dit que ce serait une erreur pour les Etats-Unis de quitter l’accord.
« Il y a de la marge pour le développer, et sans un accord, il n’y en aura pas », a-t-il prévenu. « Toute la question des missiles doit être ajoutée à l’accord, pour que les inspecteurs puissent entrer plus en profondeur dans le programme et sans être faible avec les Iraniens ».
Ancien député du parti travailliste, le rival historique du parti du Likud de Netanyahu au pouvoir, Yatom n’a pas hésité à critiquer publiquement le Premier ministre, déclarant dans un entretien de mars qu’Israël était dans « une spirale de plongée » et que Netanyahu devrait démissionner, à la lumière des accusations de corruption formulées contre lui.
Après une carrière de 30 ans dans l’armée israélienne couronnée par la fonction de chef du Commandement central, il a servi en tant que conseiller militaire, tout d’abord sous le Premier ministre Yitzhak Rabin et ensuite, quand Rabin a été assassiné, sous Shimon Peres.
Il était le chef de cabinet du Premier ministre Ehud Barak en 1999-2001, et a ensuite été député de la Knesset pour le parti Travailliste entre 2003 et 2008.