Israël en guerre - Jour 342

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De Gaza à Los Angeles : En quoi le sport aide les soldats blessés à retrouver la combativité

Pour redonner moral et motivation aux soldats en rééducation, les autorités sportives en font des espoirs paralympiques pour 2028

Joueurs israéliens (en bleu) et américains s'affrontent au basket-ball, dans le groupe B des Jeux paralympiques de Pékin 2008, à Pékin, le 7 septembre 2008. (Mark Ralston / AFP)
Joueurs israéliens (en bleu) et américains s'affrontent au basket-ball, dans le groupe B des Jeux paralympiques de Pékin 2008, à Pékin, le 7 septembre 2008. (Mark Ralston / AFP)

En 2002, Amit Hasdai, 19 ans, a passé plus d’une semaine dans le coma après avoir reçu une balle dans le cou lors d’une opération de Tsahal à Qalqilya, en Cisjordanie.

Paralysé du côté droit, on avait dit à ses parents qu’il ne marcherait plus, qu’il ne parlerait plus et qu’il ne pourrait plus mener une vie active.

La semaine prochaine, Hasdai, qui est aujourd’hui âgé de 41 ans, marié et père de deux enfants, sera aux Jeux paralympiques de Paris en cyclisme à main.

Hasdai fait partie des trois athlètes, sur les 28 que compte la délégation paralympique d’Israël cette année, blessés durant leur service militaire. Dix mois après le début de la guerre la plus longue et la plus meurtrière qu’Israël ait connue depuis des dizaines d’années, les autorités paralympiques israéliennes pensent déjà aux Jeux de 2028 à Los Angeles – et aux nouveaux talents qui émergeront, au milieu de ces milliers de soldats blessés au combat.

« Beaucoup de ces jeunes étaient des athlètes avant d’être blessés, et ils étaient dans une forme incroyable », explique Moshe « Mutz » Matalon, 71 ans, président du Comité paralympique israélien et chef du projet baptisé officieusement « De Gaza à Los Angeles ».

Lui-même ex-paralympien blessé pendant son service militaire, dans les années 1970, et en fauteuil roulant depuis, Matalon confie qu’à la fin de l’an dernier, lorsque les soldats blessés ont commencé leur rééducation, il est allé les voir en compagnie de champions parasportifs et des équipements spécialisés afin de leur redonner un objectif et de la motivation pour s’adapter à leur nouvelle vie.

Un soldat israélien blessé joue au badminton au centre de rééducation de l’hôpital Loewenstein de Raanana. (Avec l’aimable autorisation du Comité paralympique d’Israël)

« Nous avons envoyé athlètes et entraîneurs dans les centres de rééducation, en coordination bien sûr avec les médecins et physiothérapeutes », explique Matalon. « Puis nous avons fait parvenir du matériel aux hôpitaux, des vélos à main, des équipements de tennis, tennis de table et tir à l’arc, presque tout, sauf du tir. »

Un afflux inimaginable

Cela fait des dizaines d’années qu’Israël est une puissance paralympique : elle se rend à ces Jeux, officiellement lancés en 1960, avec d’importantes délégations et récolte nombre de médailles et distinctions.

Dans les colonnes du Times of Israel, en 2021, Ron Bolotin, alors directeur général du Comité paralympique israélien, expliquait qu’Israël n’avait jamais d’aussi bons résultats que lorsqu’il avait eu un grand nombre de soldats blessés et de rescapés de la polio.

« Dans les années 60 et 70, voire 80, Israël comptait un très important contingent de jeunes blessés à la guerre – celle du Kippour, des Six Jours ou encore la guerre d’usure », expliquait-il à l’époque, ajoutant par ailleurs que les Jeux rassemblaient un bien plus petit nombre de concurrents durant les premières années.

En 1976, Israël a raflé 69 médailles aux Jeux paralympiques de Toronto, en 1980, 46 et en 1984, 44. En 2008, Israël a remporté six médailles paralympiques, en 2012, huit et en 2016, trois seulement.

Joueurs israéliens (en bleu) et américains s’affrontent au basket-ball, dans le groupe B des Jeux paralympiques de Pékin 2008, à Pékin, le 7 septembre 2008. (Mark Ralston / AFP)

« Aujourd’hui, heureusement, il n’y a plus autant de blessés israéliens avec d’importants handicaps », disait Bolotin il y a de cela trois ans, juste avant les Jeux paralympiques de Tokyo. « Nous avons de meilleurs médicaments, moins de guerres, plus de poliomyélite, ce qui fait que nous devons trouver des enfants et adolescents un peu partout dans le pays. C’est ça, l’avenir. »

Pas plus que le reste du pays, Bolotin, qui a perdu une jambe en sautant sur une mine terrestre pendant son service dans l’armée israélienne en 1975 avant de remporter 11 médailles en natation lors de ses six paralympiades, ne se serait imaginé le pogrom commis par le Hamas le 7 octobre dernier ou la guerre épuisante – et toujours d’actualité – à Gaza.

À la mi-août, le Service de Rééducation du ministère de la Défense a fait état de la prise en charge de 10 056 soldats depuis le début de la guerre, dont 37% souffrent de traumatismes physiques aux membres. La majorité, 51 % des blessés, ont moins de 30 ans, et 31 % entre 30 et 40 ans.

Lors des deux premiers mois de guerre, rappelle Matalon, une collaboration s’est rapidement mise en place entre le Comité paralympique israélien, l’Organisation des anciens combattants et handicapés de Tsahal et l’Association sportive israélienne pour les handicapés afin de sensibiliser le maximum de soldats convalescents, de recueillir des dons et de distribuer des fournitures.

Employés et bénévoles ont parlé avec la plupart, sinon la totalité, des soldats en rééducation pour leur offrir un avenir sportif. Ils ont été nombreux à se montrer réceptifs, précise M. Matalon, en dépit du fait qu’il s’est agi d’une « période très difficile », pour s’adapter à une nouvelle réalité suite à de graves blessures, une amputation ou une paralysie.

Nombreux sont donc ceux qui ont exprimé de l’intérêt : « plus de 100 » soldats blessés ont utilisé les équipements fournis, une trentaine d’entre eux roulant régulièrement grâce aux vélos à main.

Illustration : Un soldat israélien blessé pratique le tir à l’arc au centre de rééducation du centre hospitalier Sheba de Ramat Gan. (Amit Shainer-Dandeker/Association israélienne de tir à l’arc)

Les Jeux de 2028 auront lieu dans quatre ans, mais la plupart des soldats sont loin d’être prêts, que ce soit physiquement ou émotionnellement, à concourir à ce niveau.

Matalon croit que l’optimisme est la meilleure des approches et dit « J’espère que nous réussirons à amener d’excellents athlètes à Los Angeles ou aux Jeux suivants ».

Ouvrir le champ des possibles

Le 9 novembre 2023, Ido Kander, 27 ans, entrait dans Gaza pour rejoindre ses camarades en train de combattre le Hamas à Beit Hanoun, dans le nord de Gaza. Le lendemain, il était grièvement blessé à proximité d’un tunnel piégé devant lequel il se trouvait avec les soldats du 697e bataillon de la 551e brigade.

L’explosion devait coûter la vie à quatre de ses camarades – le major Moshe Leiter, le sergent-major Yossi Hershkovitz, le sergent-maître Matan Meir et le sergent-chef Sergey Shmerkin – et faire cinq autres blessés graves.

« Je me souviens d’avoir essayé de bouger mon corps, sans succés », expliquait Kander au Times of Israel lors d’un récent entretien téléphonique. Il a été transporté par avion à Shaare Zedek, à Jérusalem, avec une épaule cassée et de graves blessures à la jambe qui lui ont valu deux interventions chirurgicales et une troisième, cette fois à l’hôpital Sheba de Tel Hashomer.

Pendant son séjour en centre de rééducation, « ils m’ont dit que des gars faisaient du vélo et que je devrais essayer… J’y suis allé avec mon fauteuil roulant et j’ai essayé. J’ai découvert que je pouvais en faire – que je pouvais encore transpirer, faire du sport, de l’exercice avec une certaine intensité après des mois passés au lit, à ne rien faire.

Cette expérience « m’a rouvert la perspective de faire du sport », confie Kander qui, avant d’être blessé, s’entraînait pour le marathon. « J’ai commencé à faire de la gym l’après-midi pour le haut du corps, et progressivement de plus en plus – il n’y a que le sport qui sauve. Rien ne fait autant de bien que le sport après tellement de temps à ne rien faire. »

Illustration : Des soldats israéliens blessés lors de la guerre contre le Hamas marchent au sein du service de rééducation de l’hôpital Sheba de Ramat Gan, le 18 décembre 2023. (Crédit : AP Photo/Oded Balilty)

Après cinq mois de convalescence, Kander a pu rentrer chez lui en avril. Il retourne faire de la rééducation deux ou trois fois par semaine pour finir de retrouver la mobilité de son épaule et de sa jambe, en faisant du vélo à main en compagnie de plusieurs autres soldats blessés, tous amputés d’une jambe au moins.

Kander garde l’espoir de se rétablir complètement pour reprendre la course, quitte à abandonner le vélo à main. Quant à ses compagnons de cyclisme, « ils ont tous été amputés. Le vélo à mains fera donc probablement partie de leur vie. Nous en faisons parfois ensemble. Nous nous retrouvons et nous roulons ensemble – nous roulons, nous souffrons ensemble. »

« Laisser la vie gagner »

Matalon, qui connaît d’expérience le pouvoir de guérison du sport, est parfaitement conscient du décalage entre la douleur et le deuil qu’impliquent la guerre et les espoirs et succès qu’évoquent les sports de compétition.

« Il y a une dissonance incroyable, incroyable », concède-t-il. « D’un côté je suis extrêmement heureux mais de l’autre, quand je rentre chez moi – je n’ai pas honte de le dire -, j’ai les larmes aux yeux. »

Lorsqu’il rentre chez lui après avoir passé du temps auprès des soldats blessés, Matalon confie : « J’ai un grand sourire, la satisfaction d’avoir aidé quelqu’un à sortir de son lit d’hôpital pour pratiquer un sport, mais ensuite je me dis : « Bon sang – ils ont enduré et endurent tant de choses. Ils paient le prix fort. Nous ne sommes pas dignes d’eux. »

Mais ce qui le motive, assure-t-il, n’a rien à voir avec le fait de gagner des médailles en compétition, mais tout avec celui de donner un objectif et une motivation à ceux qui font face à un énorme changement dans leur vie, qui ne sera plus jamais la même.

Blessé pendant son service militaire en 1974, Matalon a commencé à faire du sport dans le cadre de sa rééducation cette même année. En 1975, il participait déjà à des compétitions internationales et en 1976, aux Jeux paralympiques de Toronto dans les rangs de la délégation israélienne.

Moshe Matalon, alors député à la Knesset, arrive en vélo à main devant la Knesset, le 8 février 2012. (Crédit : Miriam Alster/FLASH90)

« Le sport m’a vraiment aidé à me reconstruire physiquement, mais aussi mentalement, au niveau de l’image que j’ai de moi, de ma valeur. Il m’a redonné l’impression d’être comme tout le monde, pas moins », dit-il. « Il ne faut pas laisser pas le handicap nous freiner, il faut laisser la vie gagner. »

Il raconte que lors d’une récente visite dans un centre de rééducation, un soldat s’est approché de lui et lui a demandé : « Peut-on être heureux en fauteuil roulant ? » Je lui ai répondu : « Mais bien sûr ! On peut avoir une vie bien remplie en fauteuil roulant. »

« A vous de décider ce que vous voulez et vous pourrez alors être le meilleur au monde ». « J’ai quatre enfants, des petits-enfants – quand j’avais 20 ans, je ne pensais pas que j’aurais un jour tout ça », se souvient-il. « Je me souviens de l’hôpital et de mes questions : comment pourrais-je vivre en fauteuil roulant ? »

C’est « notre travail : faire en sorte qu’ils voient le sport, qu’ils veuillent réussir, qu’ils soient motivés, super compétitifs. Je le fais parce que je le leur dois, nous le leur devons, le pays le leur doit, les citoyens le leur doivent. »

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