De “l’étiquetage” des ONG aux palpations des policiers, des projets de loi de la Knesset font des vagues
Avec le projet de la ministre de la Justice prêt pour se soumettre à son premier vote, voici les six propositions les plus controversées, et leurs mécontentements

Des palpations policières pour les « brutes ». De la prison pour les commerces qui profanent Shabbat. Une législation collaborative, museler l’organisation Breaking the silence. Ce sont quelques-uns des projets de loi qui font des vagues à la Knesset, avec des degrés de controverses variés.
Certains d’entre eux sont complètement tirés par les cheveux et conçus pour faire les gros titres, d’autres obtiennent le soutien de la majorité, voici six des législations proposées à la Knesset les plus controversées, et l’étape du processus législatif où elles en sont.
La fameuse loi sur les ONG
Elle a engendré un tollé chez les Israéliens et les organisations américaines pacifistes, et Washington a parlé de « refroidissement », mais le gouvernement israélien n’abandonne pas facilement son désormais célèbre projet de loi sur la transparence des ONG, qui devait commencer sa première lecture (sur trois au total) lundi à la Knesset.
Face à des critiques féroces, le Premier ministre Benjamin Netanyahu a proposé dimanche deux amendements au projet de loi, qui dans sa forme actuelle cible les ONG qui reçoivent la majorité de leurs financements de gouvernements étrangers – l’abandon de la nécessité de porter des étiquettes spéciales à la Knesset, et obliger tous les groupes qui reçoivent des donations de gouvernements étrangers à les rapporter, « dès le premier shekel ».
Mais la ministre de la Justice Ayelet Shaked a décidé de porter la loi sur les ONG, sans aucune modification, à son vote en première lecture à la Knesset lundi, a confirmé son porte-parole.
Aucune révision du projet de loi ne passerait la commission, a-t-elle déclaré, et la version est identique à celle approuvée par la commission ministérielle pour la législation fin décembre. La proposition a déjà reçu le feu vert de la commission ministérielle, obtenant donc le soutien de la coalition, et devrait passer sa première lecture.
Le projet de loi forcerait les organisations qui reçoivent une majorité de leurs financements de gouvernements étrangers à rendre publique cette information dans leurs rapports officiels et dans les lettres à des fonctionnaires.
La législation proposée, avancée par Shaked, ne prévoyait cependant pas à l’origine d’inclure la stipulation pour que les représentants d’ONG portent des étiquettes spéciales à la Knesset – cela faisait partie d’un projet de loi séparé, du député HaBayit HaYehudi Bezalel Smotrich, que le gouvernement a accepté d’inclure dans la proposition de Shaked pour les débats en commission qui suivront le vote de la plénière lundi.

Les critiques du projet de loi affirment qu’il singulariserait les organisations de gauche, puisque les organisations de droite sont principalement financées par des donateurs privés.
Le projet de loi est un effort visant à réduire au silence ces organisations, qui critiquent souvent la politique du gouvernement israélien, accusent-ils. Les partisans rétorquent que le projet de loi permet simplement d’améliorer la transparence, et que bien qu’obligeant les organisations à rendre publics leurs financements, il ne restreint pas leurs activités.
« La législation proposée en Israël sur la transparence des ONG n’est pas anti-démocratique. C’est de la transparence, qui est au cœur de la démocratie, a déclaré Netanyahu la semaine dernière. Je pense que quand vous entendrez les utilisations et les abus des ONG ici, c’est le minimum que nous voulons, la transparence, et je pense qu’il est tout à fait justifié. Je pense que c’est simplement du bon sens. »
En défendant la législation, Shaked l’a comparée à la loi américaine sur l’enregistrement des agents étrangers (Foreign Agents Registration Act), une comparaison écartée sans équivoque par Washington, pendant que Netanyahu l’a comparée à une résolution de la Chambre de janvier 2015 demandant aux personnes témoignant devant une commission de rendre publics tous leurs financements de gouvernements étrangers.
Alors que la loi américaine a des différences notables, plusieurs experts américains maintiennent que la comparaison peut être faite avec le registre des lobbys aux Etats-Unis, malgré des affirmations officielles défendant le contraire.
« La proposition présente certains des aspects de la loi américaine », a déclaré le procureur américain Kenneth Gross, qui est spécialisé dans les lois du lobbying américaines, soulignant la demande d’étiquetage des documents distribués publiquement.
« Si un groupe étranger finance une entité américaine dans le but de financer des activités politiques aux Etats-Unis, même sans direction spécifique, il est probable qu’une unité dépendant de la loi sur l’enregistrement des agents étrangers demande l’enregistrement. »
En ce qui concerne la résolution de la Chambre, il a déclaré : « La règle de la Chambre n’est que cela. Une règle, pas une loi, qui a des applications limitées à la Chambre, uniquement pour ceux qui témoignent. Je suppose qu’une demande similaire et limité pour témoigner devant la Knesset ne serait pas en dehors des limites du raisonnable. »
Le professeur Amos Jones, expert légal de la loi américaine sur l’enregistrement des agents étrangers et conférencier à l’université Campbell, a déclaré que la loi sur les ONG était « correctement » comparée à la législation américaine.
« Le ciel ne s’effondrera pas si une loi sur la transparence des ONG est votée sous une certaine forme en Israël. Après tout, comme aux Etats-Unis depuis 1938, la plupart des influences étrangères vont rester complètement légales », a-t-il écrit dans un e-mail.
Levez les mains
Après une année qui a vu plus de 10 cas de harcèlement sexuel chez des personnalités de la police israélienne, ainsi que des affirmations et des manifestations sur la brutalité policière non provoquée contre les Israéliens éthiopiens, mais également après quatre mois d’attaques au couteau quasi quotidiennes, les policiers pourraient bientôt obtenir plus de liberté pour fouiller quelqu’un agissant de manière « effrayante » ou « brutale ».

Un projet de loi controversé « arrêt et fouille », actuellement débattu à la commission des Lois, a été adouci depuis que sa version originale a été approuvée en première lecture.
Mais avant sa deuxième et sa troisième lectures, qui le transformerait en loi, l’association pour les droits civiques en Israël, qui a « accueilli » les changements, a prévenu que le projet de loi favoriserait toujours le profilage ethnique et racial et donnerait trop de dérive à la police, et a affirmé que « les premiers à souffrir seront les Éthiopiens, les Arabes, et les personnes ayant une apparence moyen-orientale ».
Selon les révisions proposées, la police peut fouiller des passants pour chercher une arme si elle a une « suspicion raisonnable » qu’ils sont « sur le point de mener un acte de violence à l’encontre d’un autre ».
Une « suspicion raisonnable » est définie dans la proposition comme une personne dans un lieu public « agissant de manière brutale, y compris en utilisant de la violence verbale, ou des menaces, ou agissant d’une manière intimidante ou effrayante ».
De plus, dans le cas d’une menace terroriste, la proposition de loi permettrait aux policiers de désigner une zone comme zone fermée pour 21 jours, leur permettant alors de palper ceux qui se trouvent dans la zone, même ceux ne provoquant pas de suspicion comme définie précédemment.
La commission doit encore se prononcer sur cette formulation. Le projet de loi est accéléré à la Knesset en raison de la situation sécuritaire.
Shabbat, ou autre
La guerre sur le statu quo du Shabbat n’est pas nouvelle, mais un récent projet de loi ciblant les commerces ouverts ce jour-là provient d’une source improbable – un député Likud laïc – et s’attire des condamnations de toute part.
La proposition de Miki Zohar – qui demanderait à tous les commerces d’obtenir une permission du ministère de l’Economie pour ouvrir à Shabbat ou à faire face à de lourdes amendes ou à un an de prison, supprimant ainsi les règlements existants – a également été approuvée par la commission ministérielle pour la législation, obtenant ainsi le soutien des députés de la coalition.

Le projet de loi stipule que le ministre de l’Economie doit consulter le ministre de la Défense et les autorités locales avant de donner son accord à un commerce, après avoir déterminé qu’il fournit un service « essentiel », ou que sa fermeture nuirait à la sécurité ou à l’économie d’Israël.
Parmi des critiques sévères, y compris celles des députés Koulanou de la coalition, Zohar a mis en attente le projet de loi à la demande du Premier ministre.
A présent, il cherche le soutien de la coalition pour que le projet de loi soit réintroduit à la Knesset. Parlant au Times of Israel, Zohar souligne que le projet de loi ne fermera pas les cafés et els théâtres, comme il a été présenté, et a déclaré que le retour des médias a été « injuste ».
La loi est enracinée dans les « valeurs juives, sociales », a-t-il déclaré, plutôt que dans les racines religieuses. « C’est pour donner à chaque personne l’opportunité de se reposer un jour par semaine ». Gelée pour l’instant, dans sa forme actuelle, Zohar est inflexible : « Nous n’allons pas abandonner si facilement cette loi ».
Boycotter les boycotteurs
Avis aux soutiens du mouvement Boycott, Désinvestissements et Sanctions (BDS) cherchant à visiter Israël, attention : un projet de loi est à la Knesset pour vous bannir du pays.
La proposition, qui a passé sa lecture préliminaire en novembre dernier, empêcherait à quiconque appelant à un boycott d’Israël d’entrer sur le territoire, mais autoriserait le ministre de l’Intérieur à faire des exceptions.
La proposition a été introduite par l’ancien député HaBayit HaYehudi Yinon Magal, et soutenue par la commission ministérielle pour la législation à condition que les députés attendent qu’un projet de loi gouvernemental soit soumis à la Knesset sur le sujet. Magal, sorti de la Knesset pour des accusations de harcèlement sexuel, c’est son collègue de parti Smotrich – qui avait également soutenu la loi – qui prévoit de la faire avancer.
« D’une vérification que nous avons effectuée, le ministère de l’Intérieur n’avance pas de projet de loi sur ce sujet, et donc nous examinons la possibilité de poursuivre la législation sans attendre », a déclaré le porte-parole du parti HaBayit HaYehudi.
Une législation collaborative
Imitant le système de démocratie semi-directe de pays comme la Suisse, les députés Yoav Kisch, Likud, et Hilik Bar, Union sioniste, a soumis la semaine dernière un projet de loi permettant au public de soumettre une législation directement à la Knesset.
La « proposition 121 », transpartisane, est soutenue par le président de la Knesset Yuli Edelstein, et demanderait 50 000 signatures vérifiées sur les propositions soumises à la Knesset. Ces propositions de loi seraient exemptées de lecture préliminaire, mais ne pourrait pas porter sur la sécurité, les affaires étrangères ou le budget de l’Etat.
L’institut pour la démocratie israélienne, un think tank qui joue un rôle actif à la Knesset, s’est opposé à la loi, suggérant qu’elle transformerait le Parlement israélien en « cirque ».
La Knesset a déjà un « surplus » de législation, a-t-il affirmé. « Les lois de l’Etat d’Israël ne devraient pas être basées sur des intuitions ou des instincts. Légiférer demande du professionnalisme, de la préparation, et de la recherche. Il est juste de supposer que la plupart des citoyens n’ont pas la capacité professionnelle et la formation économique pour légiférer », a-t-il déclaré dans un poste détaillent ses nombreuses inquiétudes.
Et quelle sorte d’initiatives pourrait avancer le public ? Selon un site de pétition populaire en Israël, les sujets qui ont reçu le plus de signatures ces dernières années incluent l’éviction de la Knesset de deux députés de la Liste arabe unie dans deux pétitions séparées (108 000 signatures pour l’une, 140 000 pour l’autre), ainsi que le ministre de l’Intérieur Aryeh Deri, un ancien criminel (73 000 signatures).
Sur les sujets sociaux et financiers, la pétition la plus populaire s’oppose à une décision du gouvernement de taxer les personnes qui gaspillent l’eau (464 000), suivie par des objections au changement d’heure début octobre (une décision depuis modifiée, la pétition, de 2010, a attiré plus de 394 000 signatures). L’extension du congé maternité à une année complète était également populaire, avec plus de 73 000 signatures.
Briser et réduire au silence Breaking the silence
Les députés de quatre partis de droite ont présenté un projet de loi pour proscrire l’organisation Breaking the silence, dont les documents recensent des abus présumés contre des Palestiniens par les soldats des forces de défense israéliennes, selon la Dixième chaîne.
Les députés – Shuli Moalem-Refaeli et Bezalel Smotrich de HaBayit HaYehudi, Yaakov Mergi de Shas, Merav Ben-Ari de Koulanou, et Oded Forer de Yisrael Beytenu – affirment que l’organisation, qui a fait l’objet de débats féroces pendant des mois, est « subversive ».
« Ce ne sont pas les droits de l’Homme qui se tiennent derrière leur travail, a déclaré Moalem-Refeali à la chaîne de télévision, mais le désir d’encourager et de faire avancer le boycott contre l’Etat d’Israël. Breaking the silence déstabilise l’existence de l’Etat d’Israël.
Elle a confirmé le 13 janvier avoir soumis le projet de loi, plus destiné à faire les gros titres de la presse qu’à être mis en pratique, à la grande déception de l’ONG. « Aucun projet de loi, aussi populiste soit-il, ne nous réduira au silence », a déclaré en réponse l’organisation de gauche.
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