De sa prison israélienne, Barghouti songe à se présenter à la présidence
Hussein al-Sheikh, proche d'Abbas, a rencontré le chef terroriste dans sa cellule, une tentative qui aurait visé à le convaincre de ne pas se présenter au scrutin palestinien
Le prisonnier sécuritaire Marwan Barghouti, qui est largement considéré comme un rival du président de l’Autorité palestinienne Mahmoud Abbas, réfléchit actuellement à se présenter aux élections présidentielles palestiniennes qui seront organisées, a fait savoir jeudi l’un de ses proches.
« Notre camarade Marwan envisage cette possibilité mais il n’a pas encore pris de décision définitive à ce sujet », a commenté l’ancien législateur palestinien Qaddura Fares au cours d’un entretien téléphonique.
Barghouti, qui purge actuellement cinq peines de prison à vie dans un centre de détention israélien pour son rôle dans la préparation d’attentats terroristes contre des Israéliens pendant la Seconde intifada, est très populaire parmi les Palestiniens et il est considéré comme un successeur possible d’Abbas par un grand nombre de personnes.
Selon un sondage, le leader vieillissant de l’AP – qui est le candidat désigné de son mouvement du Fatah – s’inclinerait probablement face à Barghouti dans des élections qui les opposeraient l’un à l’autre.
Hussein al-Sheikh, haut-responsable palestinien et confident d’Abbas, est allé rendre visite à Barghouti, jeudi, pour discuter du prochain scrutin palestinien. Selon la presse israélienne, al-Sheikh aurait cherché à le dissuader de se présenter à la présidence.
Les Palestiniens doivent se rendre aux urnes pour les élections législatives le 22 mai, puis retourner voter pour désigner leur président en date du 31 juillet. De hauts-responsables palestiniens – et notamment des représentants du Fatah, qui contrôle la Cisjordanie, et du groupe terroriste du Hamas, qui gouverne la bande de Gaza – ont conclu un accord portant sur l’organisation de ces élections cette semaine lors d’un sommet au Caire.
De nombreux observateurs disent douter de la tenue du scrutin. Les Palestiniens n’ont pas connu de scrutin national depuis 2006 malgré les promesses nombreuses de leurs dirigeants.
Barghouti et Abbas sont tous les deux membres du mouvement du Fatah, qui domine l’Autorité palestinienne. Mais le Fatah est en proie à des divisions internes depuis des décennies et Abbas et Barghouti ont émergé comme étant les représentants respectifs des deux pôles distincts qui dominent la scène politique palestinienne.
De nombreux Palestiniens se laissent aller à des comparaisons défavorables entre le prisonnier et Abbas, aujourd’hui âgé de 86 ans. L’Autorité palestinienne est largement considérée comme corrompue et inefficace par de nombreux Palestiniens ; Ramallah est aussi régulièrement attaquée pour sa coordination avec l’Etat juif. Les enquêtes d’opinion indiquent qu’une majorité constante de Palestiniens reste favorable à une démission du chef de l’AP.
Dans un courrier écrit depuis sa cellule en 2014, Barghouti avait noté que les Palestiniens devaient apporter leur soutien à la « résistance armée totale ». Barghouti lui-même a été reconnu coupable d’avoir été le cerveau de deux fusillades et d’un attentat à la bombe qui avaient tué cinq Israéliens, et il avait été condamné pour cette raison.
« Il faut réfléchir à nouveau au choix de la résistance en tant que moyen le plus rapide de mettre un terme à l’occupation et à obtenir la liberté », avait écrit Barghouti.
Selon une enquête réalisée au mois de décembre par le Centre Palestinien de recherche sur les sondages, si Barghouti devait prendre la tête d’une liste indépendante, il récolterait 25 % des votes tandis que 19 % des personnes interrogées avaient déclaré qu’elles donneraient leurs voix à la liste principale du Fatah. Alors qu’il était demandé aux sondés de faire la liste des successeurs potentiels d’Abbas, Barghouti était arrivé le premier avec 37 %.
Le bureau d’Al-Sheikh a émis jeudi un communiqué confirmant la visite auprès de Barghouti, même s’il n’a pas été possible de joindre un porte-parole pour avoir des détails sur le contenu exact de l’entretien et notamment sur l’ambition réelle du détenu de se présenter à la présidence.
« J’ai rendu visite au frère Marwan Barghouti, et je lui ai transmis un message et les salutations du président Mahmoud Abbas et du comité central du Fatah », a dit Al-Sheikh dans un communiqué.
Selon le bureau d’Al-Sheikh, les deux hommes auraient évoqué les derniers événements politiques survenus à l’international et dans la région, l’issue du dialogue national intra-palestinien et les préparations en cours pour organiser les élections présidentielles et législatives.
« Il est nécessaire d’aller au-delà des blessures, des intérêts des factions et des égoïsmes et de créer une seule liste unifiée pour le mouvement du Fatah, sans exclure et sans marginaliser », a dit Barghouti, selon un communiqué du bureau d’al-Sheikh.
Les rumeurs ont largement circulé, ces dernières semaines, sur une éventuelle candidature de Barghouti aux élections présidentielles, si elles doivent avoir lieu.
Barghouti avait été élu membre du Fatah lors d’un conseil législatif palestinien, en 1996. Il avait annoncé son intention de se présenter sur une liste indépendante en tant que candidat à la présidence en 2005 mais il avait ultérieurement retiré sa candidature. Ce retrait avait eu lieu, selon certaines informations, suite à des pressions exercées par des officiels, au nom de l’unité du parti.
Au cours du scrutin législatif de 2006, Barghouti avant brièvement lancé une formation rivale avec d’autres membres du Fatah qui s’était appelée al-Mustaqbal. La liste du parti avait compris Fares, l’actuel secrétaire-général du Fatah Jibril Rajoub, et l’ancien chef de la sécurité à Gaza Mohammad Dahlan.
Le parti avait finalement rejoint le Fatah avant le scrutin. La faction principale avait dû accepter de soumettre une liste révisée de candidats qui avait placé des proches de Barghouti en position de pouvoir.
Dans sa conversation avec le Times of Israel, Fares a averti que sans « véritable démocratie » au Fatah, le mouvement échouerait sans doute à vaincre ses opposants lors du prochain scrutin parlementaire.
« Nous devons organiser un vote interne au Fatah dans lequel tous les cadres participeront », a dit Fares.
En 2006, le Fatah était populaire mais profondément divisé : Les candidats s’étaient affrontés dans tous les districts, les uns contre les autres. Le Hamas, rival du parti, s’était bien organisé et avait mis en place une discipline interne stricte.
Alors que le Hamas ne l’avait emporté que de 3 % dans le vote populaire général, le mouvement islamiste s’était saisi de 74 sur 132 sièges au parlement législatif palestinien contre 45 fauteuils pour le Fatah.
Les élections législatives – si elles peuvent se dérouler – seront conduites conformément à un vote national dans lequel les sièges seront alloués proportionnellement au vote populaire. Ce qui devrait pouvoir apaiser certaines inquiétudes au sujet des divisions internes du parti.
« Nous affrontons un opposant très fort – le Hamas – et tout le monde veut voir un Fatah uni. Si les responsables veulent tenter d’imposer, du haut de l’échelle, une mauvaise liste, elle va s’écrouler », a prédit Fares.
Les responsables des services de renseignement égyptien et jordanien sont venus à Ramallah le mois dernier. Selon la presse israélienne, les deux hommes ont vivement recommandé à Abbas de faire tout ce qui est en son pouvoir pour garantir que le Fatah se présentera aux élections avec une seule liste unifiée de candidats.
Barghouti est loin d’être le seul à pouvoir jouer les trouble-fêtes au Fatah dans les élections prévues. Mohammed Dahlan, ancien chef de la sécurité à Gaza qui réside actuellement aux Emirats arabes unies, pourrait faire son retour, selon certaines rumeurs.
Un porte-parole du Courant réformé démocratique de Dahlan a suggéré au cours d’un appel téléphonique avec le Times of Israel, mardi, que sa faction et les proches de Barghouti avaient tout juste commencé à s’entretenir sur une potentielle alliance.
« Nous avons discuté – pas négocié, discuté – avec la faction de Barghouti et nous sommes ouverts au dialogue avec toutes les parties pour les prochaines élections », a commenté Dimitri Diliani, porte-parole du Courant réformé démocratique.
Fares, a toutefois semblé exclure toute fusion avec la faction de Dahlan au cours du prochain scrutin.
« Nous parlons d’unité à l’intérieur du Fatah, pas avec Dahlan et d’autres qui ont quitté l’organisation », a-t-il dit.