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De tous bords, des Juifs doutent de l’éthique du vote au Congrès sioniste mondial

Alors que les électeurs juifs du monde entier contribuent à décider de l'avenir d'Israël, des groupes diamétralement opposés en marge de la société contestent unanimement les critères de participation

Illustration : Le président israélien Isaac Herzog prononçant le discours d'ouverture du 125e anniversaire du Congrès sioniste où Theodor Herzl avait convoqué le premier congrès qui avait ouvert la voie à la création de l'État d'Israël, au Stadtcasino historique de Bâle, le 29 août 2022. (Crédit : Fabrice Coffrini/AFP)
Illustration : Le président israélien Isaac Herzog prononçant le discours d'ouverture du 125e anniversaire du Congrès sioniste où Theodor Herzl avait convoqué le premier congrès qui avait ouvert la voie à la création de l'État d'Israël, au Stadtcasino historique de Bâle, le 29 août 2022. (Crédit : Fabrice Coffrini/AFP)

JTA — Abraham Silberstein, qui s’était présenté comme candidat la dernière fois, ne votera pas aux élections de cette année pour le Congrès sioniste mondial.

En 2020, Silberstein avait rejoint une liste libérale des États-Unis en lice pour être représentée au Congrès, un organe législatif unique qui permet aux Juifs du monde entier d’avoir leur mot à dire dans les affaires israéliennes. Critique d’Israël, il avait accepté de rejoindre la liste des candidats du mouvement progressiste. Il pensait que siéger au Congrès signifiait avoir une place à la table des négociations.

Fondé par Théodore Herzl il y a 128 ans, le Congrès a une influence sur la politique israélienne en matière d’immigration, d’utilisation des terres et d’affaires religieuses grâce à son contrôle d’institutions telles que l’Agence juive et le Fonds National Juif (JNF/KKL). Il subventionne également des causes juives, à hauteur d’environ un milliard de dollars chaque année.

Étant donné sa position en bas de la liste des candidats, Silberstein savait qu’il n’avait aucune chance d’être élu. Mais sa volonté de prendre part à l’élection s’inscrivait dans le cadre de ses convictions politiques de l’époque : progressiste et sioniste.

La guerre menée contre le groupe terroriste palestinien du Hamas à Gaza a changé cette perspective, ainsi que son approche des élections actuelles, qui sont ouvertes au vote jusqu’au 4 mai.

« Dans l’ensemble, mon enthousiasme pour le sionisme progressiste s’est émoussé depuis le 7 octobre », a expliqué Silberstein, doctorant en histoire juive moderne à l’Université de New York, en référence au pogrom perpétré par le Hamas le 7 octobre 2023 dans le sud d’Israël.

Illustration : Le Congrès sioniste, à Jérusalem, en 1956. (Crédit : AP Photo)

Silberstein s’oppose avec véhémence à la politique d’Israël et ne croit plus à la possibilité de changer le sionisme de l’intérieur. Quoi qu’il en soit, d’un point de vue éthique, il ne peut plus participer à l’élection. En effet, les électeurs sont tenus de déclarer qu’ils acceptent le « Programme de Jérusalem », un ensemble de principes en constante évolution qui sert de plateforme officielle au mouvement sioniste.

Silberstein refuse d’accepter la clause finale de la plateforme, qui identifie le service dans l’armée israélienne et le soutien à Tsahal comme une valeur sioniste fondamentale. Celle-ci a été ajoutée après les dernières élections, au milieu des débats en Israël sur la question de savoir si les Juifs haredim – ou ultra-orthodoxes – devaient continuer à être exemptés du service militaire, et à un moment où l’armée israélienne faisait l’objet de vives critiques dans le monde entier.

« Si je prétendais aujourd’hui défendre le Programme de Jérusalem, je mentirais – et ce serait tout simplement contraire à l’éthique », a déclaré Silberstein.

Silberstein n’est pas le seul à reconsidérer sa position sur le congrès. Alors que les vingt et une listes en lice cette année intensifient leurs campagnes et que les administrateurs des élections vantent un taux de participation record au cours de la première semaine de vote, les Juifs américains, issus de différentes franges de la communauté, débattent de l’opportunité de participer. Silberstein compte parmi ceux qui se situent à l’extrême gauche du spectre politique.

Les Haredim, quant à eux, sont également divisés sur la question de savoir s’ils doivent se rendre aux urnes et voter pour une liste qui promet de représenter leurs intérêts.

La quasi-totalité de l’histoire sioniste a été marquée par l’absence de la communauté ultra-orthodoxe. En Israël et aux États-Unis, les rabbins de cette communauté ont toujours considéré le sionisme comme un mouvement laïc qui s’oppose aux conceptions traditionnelles du rôle de Dieu dans le retour des Juifs en Terre d’Israël. Ils ont accepté de participer à la démocratie israélienne pour protéger leurs droits religieux et leurs services publics, mais considéraient le soutien au Congrès sioniste mondial comme une capitulation face aux valeurs laïques.

Mais une faction rebelle a émergé avant les élections de 2020 avec la création d’une liste appelée Eretz HaKodesh, qui signifie « la Terre Sainte ». Défendant les « valeurs juives classiques de la Torah », la liste a choqué le monde sioniste en se classant troisième sur quinze avec environ 20 000 voix. Il s’est avéré que de nombreux électeurs étaient prêts à voter pour les intérêts des Haredim, même si cela signifiait avaler une pilule amère.

Le succès d’Eretz HaKodesh s’est produit sans le soutien d’Agudath Israel, la plus importante organisation ultra-orthodoxe aux États-Unis. Quelques mois après les élections, lorsque la liste a signé un accord de coalition avec des partis de droite non orthodoxes, Agudath Israel a réagi.

« Toute suggestion selon laquelle l’idéologie sioniste serait compatible avec les croyances fondamentales des Juifs haredim est sans fondement et doit être rejetée », selon la déclaration d’octobre 2020.

Cette déclaration condamnait la décision du groupe en se référant à une décision rabbinique contre la coalition entre Juifs orthodoxes et non orthodoxes.

« Ce qui s’est passé la semaine dernière au Congrès sioniste mondial transgresse l’esprit de cette décision et représente un écart par rapport aux normes haredim acceptées », peut-on lire dans la déclaration.

« Quels que soient les avantages financiers que des institutions méritantes pourraient tirer de cet accord de coalition, ils ne justifient pas l’abandon de principes. »

Des manifestants ultra-orthodoxes réunis alors que se tient une audience sur l’enrôlement des Haredim, devant la Cour suprême, à Jérusalem, le 2 juin 2024. (Crédit : Chaïm Goldberg/Flash90)

L’opposition la plus catégorique à Eretz HaKodesh de la part d’un rabbin orthodoxe de renom a été formulée en 2022 par Aharon Feldman, doyen du Ner Israel Rabbinical College de Baltimore, dans le Maryland. Et à l’approche des élections de cette année, le rabbin Dov Landau, l’influent directeur de la yeshiva de Slabodka en Israël, a défendu le rejet traditionnel des institutions sionistes.

De l’autre côté du débat, le chef de la yeshiva de Gateshead au Royaume-Uni, le rabbin Avrohom Gurwicz, a récemment approuvé Eretz HaKodesh, affirmant que les Juifs haredim ont l’obligation de défendre leurs valeurs religieuses dans les hautes sphères du pouvoir.

L’argument le plus incendiaire en faveur du vote des ultra-orthodoxes a été récemment présenté dans un essai d’un rabbin nommé Yaïr Hoffman, publié dans une revue haredi, à propos d’une « rabbin Jill » présumée fictive, une femme rabbin qui représente « la menace dangereuse du judaïsme réformé, du wokisme en Eretz Yisroel et de tous les autres apikorsisha ‘ismes’ ». La rabbin Jill veut prendre le contrôle du mur Occidental aux dépens des Juifs orthodoxes, écrit Hoffman.

Reconnaissant les décisions traditionnelles des Haredim contre la participation aux institutions sionistes, Hoffman cite le principe du pikuach nefesh (littéralement, « sauvetage d’une âme » en hébreu), selon lequel la violation de la halakha – ou loi juive orthodoxe – est nécessaire lorsqu’il s’agit de sauver une vie.

Dans ce cas, ce sont les vies d’enfants qui sont en danger spirituel, en raison de l’influence de la « rabbin Jill » sur le programme des écoles publiques. Hoffman cite ce qu’il considère comme une situation parallèle remontant à des centaines d’années, qui est abordée dans la halakha : lorsque des enfants étaient kidnappés, il était permis de collecter de l’argent pour leur rançon pendant Shabbat, même si leur vie n’était pas en danger. Le pikuach nefesh était invoqué en raison du risque que les enfants juifs soient élevés en dehors du judaïsme.

L’essai suggère également que le vote n’exige pas des Haredim qui rejettent les principes du Programme de Jérusalem qu’ils mentent sur leurs opinions personnelles lorsqu’ils votent.

« Avec tout le respect que je vous dois, l’auteur de cet essai estime qu’une lecture attentive de l’acceptation du Programme de Jérusalem se contente d’affirmer que c’est ce que croient certains partisans du sionisme, ce qui est en réalité un fait avéré », peut-on lire dans l’essai.

La « rabbin Jill » incarne peut-être l’épouvantail des Haredim, mais trois rabbins Jill bien réelles se présentent sur des listes libérales aux élections. Quatrième candidate sur la liste progressiste HaTikvah, la rabbin Jill Jacobs est la présidente de T’ruah, un groupe de défense des droits de l’Homme pour les rabbins et les hazanim – ou chantres.

Des manifestants du mouvement NYC 4 Kaplan, dont des membres du groupe rabbinique libéral T’ruah, participant à un rassemblement contre le Premier ministre Benjamin Netanyahu, dans l’Upper West Side de Manhattan, le 1er septembre 2024. (Crédit : Rabbin Jill Jacobs/T’ruah)

Pour Jacobs, l’essai sur la « rabbin Jill » devrait galvaniser les libéraux qui hésitent à voter.

« Les partisans d’Eretz HaKodesh disent : ‘Nous savons que vous ne croyez pas au Programme de Jérusalem, vous devez voter pour empêcher les libéraux de prendre le pouvoir.’ Ce n’est pas anodin », a déclaré Jacobs.

« Je ne demanderais à personne de mentir, mais je pense que si vous pouvez regarder cette liste de principes – sans vous focaliser sur chaque mot – et les approuver globalement, alors je pense qu’il est logique de voter », a-t-elle ajouté.

Jacobs considère le Congrès comme une relique qui aurait dû être structurée différemment pour être équitable envers les Palestiniens. « Mais je ne vais pas rester les bras croisés et m’abstenir de voter lors des élections sous prétexte que le système est injuste », a-t-elle souligné.

La dimension éthique du vote lors des élections a récemment fait l’objet d’un débat dans un groupe Facebook intitulé « Un groupe pour que les sionistes posent des questions aux Juifs non sionistes ».

Eliana Fishman est la fondatrice de ce groupe. Elle rappelle que son grand-père était un ardent sioniste. Il s’appelait Herzl, en hommage à Theodor Herzl, et avait combattu dans la HaGanah, la force militaire sioniste qui a gagné la Guerre d’indépendance d’Israël pour en faire un État. Cependant, Fishman est anti-sioniste et affirme que ses convictions politiques l’empêchent de voter, si des raisons pragmatiques le justifient.

« C’est une question d’intégrité », a-t-elle déclaré lors d’une interview.

« Pour pouvoir voter au Congrès sioniste mondial, je serais obligée de mentir, car je suis en désaccord avec plusieurs éléments du Programme de Jérusalem. »

Samuel Fleischacker, professeur de philosophie à l’Université de l’Illinois à Chicago, ne passe pas beaucoup de temps sur les réseaux sociaux et n’a pas participé au débat sur Facebook, mais il a un point de vue différent de celui de Fishman, tout en partageant une partie de son aversion pour le Programme de Jérusalem.

Fleischacker a expliqué qu’il avait refusé de se joindre à la liste HaTikvah et qu’il avait envisagé de ne pas voter, notamment parce que le programme appelle à « régler la question du pays », ce qui, selon lui, semblait cautionner l’expansion israélienne en Cisjordanie.

Il a finalement décidé d’interpréter le texte de manière plus restrictive et de le considérer comme un soutien à l’établissement de nouvelles communautés juives en Israël même. Cependant, sa décision a été motivée moins par cette rationalisation que par le pragmatisme politique.

« J’en suis venu à penser qu’il est plus important qu’une organisation comme HaTikvah fasse partie de l’Organisation sioniste mondiale que des gens comme moi s’inquiètent trop de ce à quoi nous adhérons exactement », a déclaré Fleischacker.

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