Défenseur de Nordahl Lelandais, l’avocat Alain Jakubowicz seul contre tous
L’avocat lyonnais, 68 ans dont 45 au barreau, vit depuis 2017 "l’épreuve la plus difficile de sa carrière", la défense d’un meurtrier d’enfant étant "terriblement lourde à porter"
Au cœur d’un procès ultramédiatisé qui doit se conclure vendredi, l’avocat principal de Nordahl Lelandais, Alain Jakubowicz, s’en tient « au dossier » et réserve ses arguments à la cour d’assises de l’Isère.
L’avocat lyonnais, 68 ans dont 45 au barreau, vit depuis 2017 « l’épreuve la plus difficile de sa carrière », la défense d’un meurtrier d’enfant étant « terriblement lourde à porter », selon son confrère Me François Saint-Pierre.
Avec cette affaire, il a vu « le regard des gens, de ses proches, de ses associés, de ses clients, changer », ce qui « change tout », affirme cet avocat qui a lui-même vécu cette expérience.
Signe de la violence des passions soulevées par la mort de la petite Maëlys, Me Jakubowicz a récemment reproduit sur son compte Twitter une lettre anonyme l’invitant à « pourrir en enfer » avec son client. De tels messages, il en a reçu tout au long de l’instruction.
Celui que l’on surnomme « Jaku », crâne dégarni et petites lunettes assorties à sa tenue du jour, s’est fait connaitre en « défendant des causes justes », sur le banc des parties civiles lors des procès mémoriels (Barbie, Touvier, Papon…) ou celui de la catastrophe du tunnel du Mont-Blanc.
Des procès que le président d’honneur de la Ligue internationale contre le racisme et l’antisémitisme (LICRA) rappelle souvent, comme des marqueurs de sa carrière. Ces derniers jours, quand il parle aux médias, c’est pour promouvoir son dernier ouvrage, une compilation de témoignages de femmes victimes de Klaus Barbie – co-signée avec l’historien Stéphane Nivet.
Mais avec Lelandais, il défend un homme accusé du meurtre d’une enfant de 8 ans. Et dans le même temps, il assiste l’ex-ministre Nicolas Hulot – un ami – accusé de violences sexuelles par plusieurs femmes.
Dans son livre Soit je gagne, soit j’apprends publié en 2019, Me Jakubowicz affirmait être « le même avocat, le même homme », « épris des mêmes valeurs, capable de la même indignation et des mêmes coups de gueule, toujours prêt à se lever contre une injustice, à s’enflammer, à hurler, à pleurer ».
« Tsunami »
Fier de son métier d’avocat, critique des « discours haineux » alimentés par les « détails inventés » par certains journalistes, sensible à la colère « légitime » des parents d’un enfant assassiné… c’est ce que dit une tribune publiée en août 2020 par son confrère Me Jean-Denis Bredin et qu’il reprend début février sur son compte Twitter.
Entré dans le dossier Lelandais via un ancien client, cet habitué des plateaux télé a admis avoir été « emporté par le tsunami » médiatique. Il aime rappeler qu’il fut le seul à reconnaitre publiquement ses « erreurs » lors de cet emballement collectif. Et il s’en tient au silence depuis le début du procès, dans une forêt de micros et de caméras.
Dans le prétoire, ce fort caractère est à l’offensive, visant les contradictions des témoins, attaquant « la subjectivité » des enquêteurs ou la tendance des parties civiles à « charger la barque ».
« Vous déshonorez le métier », s’emporte-t-il face à un gendarme qui se refuse à dissiper définitivement l’image de tueur en série qui fut un temps associée à son client.
« N’est pas François Molins qui veut », persifle-t-il en référence à un magistrat très respecté, après le témoignage de l’ex-procureur Jean-Yves Coquillat qu’il accuse d’attaquer « le principe même de la défense ».
Le principe de sa défense c’est, entre autres, de contrecarrer ceux qui tentent d’ajouter aux débats l’hypothèse du viol – alors que cette qualification n’a pas été retenue faute d’éléments matériels. « Il a raison d’être offensif depuis le début de ce dossier, il doit l’être », estime un de ses amis avocats.
Sa stratégie, c’est la « vérité des faits ». S’en tenir « au dossier, rien qu’au dossier » alors que Nordahl Lelandais, déjà condamné à 20 ans de réclusion pour le meurtre du caporal Noyer, encourt la réclusion à perpétuité.
Vendredi, il a ainsi poussé son client à admettre clairement qu’il avait « volontairement » donné la mort à la fillette de 8 ans.
« Il ne s’agit plus d’ergoter mais de prendre conscience de la gravité des faits que tu as commis. S’agissant de Maëlys, on ne va pas tourner autour du pot », assène-t-il à celui qu’il tutoie.
Jusque-là, l’accusé avait sans cesse louvoyé, éludé, contesté, menti. Des mensonges « à tout le monde, accessoirement à ton avocat », relève Me Jakubowicz.